10 millions de filles manquent à l’appel

Inde: Un médecin arrêté sous l’accusation de pratiquer des avortements sélectifs

Delhi, 15 juin 2007 (Apic) Un médecin de l’Etat indien d’Haryana, le Dr AK Singh, a été arrêté sous l’accusation de pratiquer des avortements sélectifs de foetus féminins. L’arrestation a eu lieu à l’occasion d’une descente de police mercredi soir contre sa clinique, la «Buella Nursing Home», à Gurgaon, non loin de New Delhi.

Le médecin a été appréhendé à la suite d’une plainte écrite dénonçant des avortements illégaux. Les officiers de police ont déclaré avoir trouvé dans un puits tout proche les restes de plusieurs foetus. La loi indienne, qui permet les avortements, interdit cependant la sélection des foetus depuis 1994.

Une étude de l’année dernière de la revue médicale britannique «The Lancet» a conclu que toutes les 7 minutes une femme meurt pour des causes liées à la grossesse, tandis que des millions de bébés non encore nés sont tués, pour l’unique raison qu’il s’agit de filles. L’Eglise catholique indienne tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme. Selon la publication de «The Lancet» (Missing female births in India. The Lancet, Volume 367, Issue 9506), ce sont au moins 500’000 foetus féminins qui sont éliminés chaque année. Ainsi l’avortement sélectif (à la recherche du sexe masculin) en Inde serait a cause d’un déficit de 10 millions de femmes.

Les préjugés contre les femmes et la préférence pour les enfants de sexe masculin sont la cause de cette vague d’avortements sélectifs. Au niveau mondial, le déficit en femmes est évalué à 100 millions, l’Inde n’étant pas le seul pays à pratiquer l’avortement sélectif, estime le professeur Shirish Sheth, de l’hôpital Breach Candy de Bombay, qui a participé à l’étude indo-canadienne publiée par la prestigieuse revue médicale britannique.

L’étude explique le déficit de filles dans la proportion d’enfants nés vivants par la diffusion des diagnostics prénataux permettant de déterminer le sexe de l’enfant à naître, et le recours à l’avortement sélectif quand une fille est annoncée. Le déficit de naissances féminines est repérable dans les familles de toutes les religions et de presque tous les Etats indiens.

En Inde, les filles sont discriminées avant et après la naissance

Dans la culture indienne, le garçon est préféré parce qu’il transmet le nom, peut gagner de l’argent et s’occuper de ses parents âgés tandis que la fille est destinée à quitter sa famille et doit être dotée pour le mariage, ce qui représente un coût important.

Selon un rapport du Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) publié le 12 décembre dernier, 71’000 enfants naissent chaque jour en Inde, mais seules 31’000 sont des filles. Le rapport est de 882 filles pour 1’000 garçons, alors que la proportion mondiale est de 954 à 1’000.

Normalement, il devrait naître au moins 38’000 filles quotidiennement en Inde. Ce manque quotidien d’au moins 7’000 filles est la conséquence de l’élimination volontaire et encore très répandue de foetus féminins, malgré le fait que ces foeticides soient punis par la loi indienne.

En Inde, les filles sont discriminées encore après la naissance: celles-ci bénéficient notamment de soins sanitaires moindres, de possibilités d’études limitées et même de moins de nourriture. Mais le déficit de filles en Inde ne suscite guère de changements dans les mentalités. Ce déséquilibre démographique représente pourtant une vraie menace pour les droits des femmes et l’équilibre de la société. Dans certains Etats indiens, les filles à marier étant devenues trop rares, elles sont alors enlevées par un voisin, mariées de force ou gardées cloîtrées.

En 1994, le gouvernement central indien a décrété une loi interdisant aux médecins de révéler le sexe de l’enfant lors d’examens prénataux et menacé ceux qui la violaient de poursuites judiciaires. Mais les autorités n’ont pas toujours enregistré des résultats probants sur le terrain, car si les hôpitaux du secteur public respectent en général la loi, ce n’est pas le cas des cliniques privées spécialisées qui ne désemplissent pas.

Car l’échographie pratiquée dans les «scan centers», qui se répandent partout et qui permettent de connaître le sexe du bébé, est souvent suivie d’une interruption de grossesse s’il s’agit d’une fille. C’est une affaire rentable pour de nombreux médecins qui ne respectent pas la loi. L’élimination des filles, d’après «The Lancet», est d’autant plus élevée que la femme enceinte est éduquée et qu’elle appartient aux couches aisées de la population. Ce ne sont donc pas les plus pauvres et les moins éduqués qui pratiquent cette discrimination contre laquelle s’élève l’Eglise catholique en Inde. (apic/bbc/be)

15 juin 2007 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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