Cri du coeur à la paroisse Ste-Thérèse
Fribourg: Les chrétiens de Palestine ont besoin du soutien de leurs frères dans la foi
Fribourg, 27 juin 2007 (Apic) Les chrétiens de Palestine – en train de disparaître de Terre Sainte – ont un urgent besoin du soutien de leurs frères dans la foi. Tel est le message lancé mardi soir à la paroisse Ste-Thérèse, à Fribourg, par le pasteur vaudois Pierre-André Diserens et l’infirmier marlinois d’origine palestinienne Naji Awad. Tous deux ont parlé au public des conditions infrahumaines auxquelles sont soumises les populations palestiniennes dans les territoires occupés par Israël.
Pierre-André Diserens, ancien directeur du Centre Social Protestant vaudois (CSP), était en mission sur place l’an dernier pour le compte du Conseil oecuménique des Eglises (COE) à Genève. Tous les trois mois, des équipes de 3 ou 4 «accompagnants oecuméniques» se relaient pour être des témoins de ce qui se passe dans des territoires palestiniens complètement fractionnés et séparés les uns des autres par des implantations juives et des centaines de postes de contrôle militaires fixes ou «volants». «Quand il y a des observateurs étrangers, les soldats israéliens sont parfois plus ’respectueux’ à l’égard des Palestiniens.»
Une situation semblable à l’apartheid
Ce programme du COE, mis en place à la demande des Eglises locales, a permis au pasteur vaudois de «veiller» trois mois à Tulkarem, au Nord-Ouest de la Cisjordanie, en compagnie d’une Anglaise qui venait de passer un an avec les Brigades Internationales de la Paix en Colombie, et d’un jeune ingénieur civil norvégien. L’intervention des «accompagnants oecuméniques» est coordonnée par une Sud-Africaine. «Les chrétiens sud-africains sont très présents, et ils nous disent qu’ils ont vécu une situation semblable sous l’apartheid», relève le pasteur vaudois.
Pierre-André Diserens témoigne de la pratique discriminatoire aux «checks points» militaires, qui filtrent les passages et invoquent toujours des «raisons de sécurité» pour refouler les gens. Un jour, ce sont les hommes de moins de 30 ans qui sont interdits de passage: donc pas de possibilité de se rendre aux cours à l’Université, d’aller suivre sa chimiothérapie à l’hôpital, d’aller simplement au travail. «Après tant d’années d’occupation, les gens nous disent qu’ils n’ont plus du tout la maîtrise de leurs propres mouvements. Beaucoup d’organisations, dont le COE, exigent la fin de cette occupation déshumanisante!»
Les «accompagnants oecuméniques» jouent aussi, dans une moindre mesure, un rôle de protection de long du haut mur de séparation (dans les villes, il atteint 8m de haut, soit plusieurs fois le Mur de Berlin!) construit sur des terres confisquées aux Palestiniens. Appelée «barrière de sécurité» par les Israéliens, ce mur sépare de nombreux paysans de leurs propres terres, qui risquent d’être dévolues à de nouvelles colonisations israéliennes. Les 135’000 fonctionnaires palestiniens ne sont plus payés depuis février 2006, ils n’ont reçu que des acomptes. La situation économique générale s’est complètement dégradée, avec de graves conséquences sur le niveau de santé de la population, qui s’enfonce toujours plus dans la pauvreté. «Un peuple qui pouvait se suffire à lui-même en est réduit à l’état d’assistance!»
«Exister, c’est résister»
Face à cette situation désespérée, à cet enfer quotidien, à l’arbitraire de l’occupation, ajoute le pasteur Diserens, les jeunes affirment qu’»exister, c’est résister». Les jeunes palestiniens essaient tout de même d’étudier, d’acquérir la meilleure formation, même s’ils n’ont ensuite pas de travail et sont confinés dans un mouchoir de poche: les Israéliens occupent bientôt la moitié de la Cisjordanie, qu’ils ont parsemée de colonies de peuplement, avec leurs routes d’accès et tunnels réservés.
«Des Israéliens vivant au coeur de la Cisjordanie peuvent aller travailler directement à Jérusalem sans voir un seul Palestinien, alors que les Palestiniens doivent mettre des heures pour faire quelques kilomètres. Rien ne se passe sans la permission d’Israël, sans de constantes chicaneries ! «, poursuit le pasteur.
Ancien infirmier à l’Hôpital cantonal de Fribourg, Naji Awad, originaire de Beit Sahour, un village chrétien voisin de Bethléem, vient de passer trois mois comme bénévole dans un centre pour handicapés de Beit Jala. Il témoigne lui aussi de l’enfer de l’occupation et de l’encerclement qui pousse les chrétiens à émigrer en masse sur les lieux mêmes qui ont vu la naissance du Christ.
Les chrétiens, qui formaient avant la fondation de l’Etat d’Israël une forte minorité de la population de Jérusalem, sont aujourd’hui moins de 10’000 sur une population de 700’000 habitants. «A côté de Jérusalem, mais isolée par des ’checks points’ militaires, Bethléem était une ville majoritairement chrétienne avant l’occupation. Aujourd’hui, elle est confinée derrière une haute muraille. On voit désormais passer devant la Basilique de la Nativité des femmes vêtues de noir et le visage entièrement couvert par un «niqab» (l’équivalent de la burqa afghane)». Naji Awad met en garde les chrétiens occidentaux: «Si cela continue, il n’y aura bientôt plus de chrétiens à Bethléem et la Terre Sainte sera transformée en musée.» JB
Encadré
Palestine, une expérience culturelle: spectacle à la paroisse de Ste-Thèrèse
Sortis de leur «ghetto» de Beit Sahour, une bourgade de 14’000 habitants, à 80 % chrétiens, de l’agglomération de Bethléem, une vingtaine de jeunes Palestiniens et Palestiniennes de 14 à 17 ans ont animé une soirée culturelle mardi soir à la paroisse de Ste-Thérèse. Ils étaient invités par l’association «Aider Beit Sahour», fondée en 1990 par Naji Awad.
Ils effectuent une tournée en Suisse, pour présenter chants et danses de leur pays, et participer au financement de leur établissement scolaire. Beit Sahour, selon la tradition, est le lieu où l’ange apparut aux bergers pour annoncer la nouvelle de la naissance du Christ, c’est le lieu du «champ des bergers».
Interprétant des airs populaires de la célèbre chanteuse libanaise Fairouz, le groupe, composé de jeunes de l’Ecole luthérienne évangélique de Beit Sahour (ELS), est dirigé par le professeur de musique Dia Rishmawi. Il décrit dans ses chansons la vie des paysans qui attendent la pluie pour leurs récoltes, mais aussi la beauté des femmes arabes, la fierté des étudiants, l’espoir du retour des réfugiés dans leur patrie, la ville de Jérusalem – Sahrat al Mada’in, la fleur des villes. Fondé en 1992, le choeur de l’ELS a déjà participé à des tournées à l’étranger, de même que le groupe de danse populaire palestinienne (le Dabké) de l’école, qui a également ravi le public par ses pirouettes effrénées.
L’Ecole luthérienne de Beit Sahour (ELS) est une des quatre écoles gérées par l’Eglise luthérienne évangélique de Terre Sainte et de Jordanie. L’ELS accueille 465 élèves, membres de toutes les confessions chrétiennes présentes à Beit Sahour, ainsi que de la communauté musulmane. C’est une des rares écoles en Palestine qui pratique la mixité entre filles et garçons. (apic/be)