Accusé d’avoir participé à des tortures et à des assassinats
Argentine: L’ancien aumônier de la dictature, le Père Christian von Wernich devant ses juges
Buenos Aires, 5 juillet 2007 (Apic) Accusé de crimes commis sous la dictature militaire argentine, le Père Christian von Wernich, un ancien aumônier de la police âgé de 69 ans, a comparu jeudi devant un tribunal de La Plata, près de Buenos Aires. Il est accusé d’avoir été mêlé des actes de tortures et à des assassinats durant la dictature militaire.
Ce prêtre, en détention depuis 2003, servait comme aumônier et confesseur au sein de la «Bonaerense», la police de Buenos-Aires, responsable de nombreuses tortures et disparitions durant la dictature militaire. Von Wernich est le premier prêtre à être jugé pour son rôle sous la dictature militaire (1976-83), durant laquelle quelque 30’000 personnes ont été assassinées ou ont «disparu». Le procès se déroule sous de sévères mesures de sécurité.
Le ministère public, présidé par le juge fédéral Carlos Dulau Dumm, accuse le prêtre de 7 homicides et de 73 cas de torture et d’enlèvements. D’après les témoignages de survivants, le Père von Wernich soumettait les victimes à une pression psychologique et morale massive. Ce prêtre catholique a justifié les actes des tortionnaires avec des arguments religieux tout en essayant de soustraire des informations aux victimes. Von Wernich avait tenté de se cacher au Chili sous une fausse identité, mais il a été découvert.
Des témoins de qualité
Plus de 150 témoins – dont le consul argentin à New York, Hector Timerman, le Prix Nobel de la Paix, Adolfo Perez Esquivel, Mgr Miguel Esteban Hesayne, évêque émérite de Viedma, doivent déposer au cours de ce procès qui doit durer plusieurs semaines.
Des mesures de sécurité exceptionnelles ont été prises parce que des menaces ont été proférées contre des victimes pour tenter de les empêcher de parler. Un des témoins importants a disparu sans laisser de traces il y a une dizaine de mois.
Le secrétaire d’Etat pour les questions des droits de l’homme, Rodolfo Mattarollo, a confié à la presse argentine que le procès de von Wernich prouve que des membres de l’Eglise catholique ont trempé dans des violations des droits de l’homme. Il exige de l’Eglise une autocritique fondamentale, car une partie de l’Eglise argentine a soutenu la dictature militaire, sous prétexte de lutte contre la «subversion communiste».
Durant la dictature, ce prêtre catholique visitait des prisons clandestines, accompagnait des opérations militaires et participait à des interrogatoires durant la dictature militaire. Les accusations de participation à des enlèvements, tortures et homicides se basent notamment sur des informations obtenues auprès du procureur fédéral de La Plata, Sergio Franco.
L’»Ange exterminateur»
L’ancien aumônier de la «Bonaerense» est accusé de complicité active dans les assassinats de Domingo Moncalvillo, Maria del Carmen Morettini, Cecicial Idiart, Maria Magdalena Mainer, Pablo Mainer, Liliana Galarza et Nilda Susana Salomone. Le Père von Wernich, confesseur de l’ancien chef de la Police de Buenos Aires durant la dictature, le général Ramon Camps, est surnommé l’»Ange exterminateur» par les associations humanitaires argentines. Le prêtre issu d’une famille immigrée d’origine allemande, âgé de 69 ans, est en prison depuis septembre 2003 sur ordre du juge fédéral Arnaldo Corazza. Il est interné dans la Division Antiterroriste de la Police Fédérale.
L’ex-aumônier de la Police de Buenos Aires, selon les organisations de défense des droits de l’homme, contribuait à briser moralement la volonté des torturés, leur demandant de parler – «parce que c’est ce que Dieu veut!», disait-il aux suppliciés – et jouait également un rôle important pour obtenir le silence des familles de disparus.
Le 1er septembre 2003, l’Eglise argentine a réagi vigoureusement contre une affirmation de Reynaldo Bignone, le dernier chef de la junte militaire qui a terrorisé l’Argentine entre 1976 et 1983. Cet ex-général de division avait affirmé à la journaliste Marie-Monique Robin (Prix Albert Londres 1995) que le régime avait consulté des évêques catholiques sur l’usage de la torture en mai 1977.
Selon lui, ils auraient affirmé que la torture était permise dans certaines circonstances. Ce qui avait fait bondir le secrétaire général de la Conférence épiscopale argentine, Mgr Sergio Fenoy, qui avait alors affirmé qu’il était «absolument faux et inacceptable» de mettre en relation l’Eglise et la torture. Et de relever que si un membre quelconque de l’Eglise eût été complice de tels faits, il l’aurait fait sous sa propre responsabilité, «se trompant, péchant contre Dieu, l’humanité et sa conscience». (apic/com/cns/be)