Louvain-la-Neuve : colloque européen sur la montée de l’humanisme (130390)
Louvain-La-Neuve, 13 mars (APIC/CIP) Un colloque européen organisé les 10
et 11 mars à Louvain-la-Neuve à l’initiative du centre d’histoire des religions de l’U.C.L. et de la revue «Notre Histoire» a fait le point sur la
montée de l’humanisme. Il rassemblait des participants venus de Belgique et
du Grand- Duché de Luxembourg.
Jean-Pierre Massaut, président du centre d’histoire des religions de
l’Université de Liège, a présenté Erasme comme «un rénovateur sans frontières». Enfant terrible d’une chrétienté fatiguée, cet Européen déteste les
nationalismes. Il se veut citoyen du monde. Son humanisme est donc un combat pour une révolution culturelle, grâce à un retour aux sources de l’Antiquité et à un accueil aux multiples formes de l’expérience humaine. Aux
raisonnements abstraits, il préfère la sagesse vécue. C’est ainsi qu’il entend contribuer au renouveau de l’Eglise.
Lorsque Christophe Colomb découvre l’Amérique en 1492, Erasme a 23 ans.
Mais comment L’Europe reçoit-elle cette découverte? Certainement pas avec
un enthousiasme romantique, ni comme aboutissement de l’aventure d’un navigateur exceptionnel. Mme Mund-Dopchie (U.C.L.) a étudié comment les humanistes de la Renaissance parlent de la découverte du Nouveau Monde dans
leurs écrits : c’est pour eux, avant tout, l’occasion de montrer que les
auteurs et géographes de l’Antiquité avaient déjà pressenti l’existence de
terres inconnues. Mais ce retour à l’Antiquité n’évacue pas les questions
nouvelles: comment intégrer les découvertes d’aujoud’hui dans les conceptions héritées de la culture gréco-romaine sans remettre en cause les idées
philosophiques, littéraires et scientifiques léguées par cet héritage ?
Le livre, vecteur d’une nouvelle culture
A l’époque d’Erasme, les premiers imprimés se répandent. Le livre devient donc vecteur d’une nouvelle culture, observe Jean-François Gilmont,
historien (U.C.L.). Mais au sortir du Moyen Age, où l’écrit avait surtout
une fonction de mémoire, les humanistes attendent d’abord du livre qu’il
leur fasse découvrir les trésors de l’Antiquité.
Certains sont d’ailleurs réservés: oserait-on mettre de tels trésors
dans toutes les mains ? Ne vaut-il pas mieux les laisser à l’élite pour
éviter de mauvaises interprétations ? Si le livre fait sa percée, celle-ci
est lente: la communication reste avant tout orale. Il faudra la Réforme
pour que l’Ecriture acquière un statut plus marqué. Il faudra même attendre
le XIXe siècle pour que l’imprimé soit vecteur essentiel de la communication sociale.
Les humanistes, pionniers de la rencontre des religions
Les humanistes sont par ailleurs «des pionniers de la rencontre des religions», a montré Julien Ries, directeur du centre d’histoire des religions
de l’U.C.L. un exemple: Nicolas de Cues qui dans son ouvrage «La Paix de la
foi» imagine un «concile» où les chefs des différentes religions échangent
avec le Christ et les apôtres Pierre et Paul. Leur concertation est l’occasion, pour l’écrivain humaniste, de développer ses arguments en faveur du
dialogue interreligieux: il ya un Dieu unique, dont les révélations varient
selon les prophètes, les peuples et les époques. Alors, pourquoi ne pas
tous se rendre à Jérusalem pour y signer un pacte de non-agression entre
les religions ?
Nicolas de Cues est assurément un précurseur, a commenté le professeur
Ries. A son époque, il met déjà en évidence les grands thèmes du dialogue
islamo-chrétien, à partir d’une étude comparative des évangiles et du Coran. Mais d’autres noms méritent aussi d’être relevés : celui de Pic de la
Mirandole, pour son travail de religions comparées; celui de Marcile Ficin,
mêlé à la fondation d’une académie platonicienne à Florence, grâce à laquelle non seulement Platon mais les grands penseurs des premiers siècles
de l’Eglise seront mieux connus en Occident.
Les papes encouragent l’humanisme
Jean-claude Margolin, de l’Université de Tours, a montré quant à lui
l’intérêt que les papes ont porté, à l’époque, au mouvement culturel de la
Renaissance. C’est évident sur le plan artistique: il suffit de penser aux
innombrables oeuvres commandées à Raphaël ou Michel-Ange. C’est vrai aussi
sur le plan intellectuel: le pape Pie II fut un grand protecteur des humanistes et Erasme lui-même n’eut pas trop d’ennuis, malgré sa liberté de
pensée. Même les papes Paul III et Pie IV, davantage réticents, laissèrent
se développer le mouvement humaniste. Au fond, commente J-C.Margolin, la
papauté, à l’époque de la Renaissance, a compris qu’il y avait une marche
de l’histoire. Si elle a pris en main le mouvement issu du concile de Trente (1545-1563), ce n’est pas pour en faire essentiellement une contre-Réforme, dirigée contre la Réforme lancée par Luther ou Calvin. La papauté
semble avoir misé davantage sur l’humanisme pour animer un courant réformateur au sein du catholicisme occupé à se démarquer du protestantisme.
La Renaissance et ses artistes
Christian Loubet, de Nice, a attiré l’attention sur l’importance des
villes. Leur développemet à la Renaissance favorise les rencontres entre
grands personnages comme entre hommes cultivés qui relaient les courants
novateurs.
Ceci est particulièrement «visible» dans l’art : Fra Angelico,en plein
milieu du XVe siècle, rompt avec une tradition mystique, que le pessimisme
a conduit au mépris du monde. Au contraire, il préfère conjuguer sa vision
de l’homme à la figure du Christ, rejoignant ainsi ce qu’affirmait l’humaniste Marcile Ficin : il ya bel et bien une dignité de l’homme. Ce courant
se poursuivra avec Raphaël et Michel-Ange, mais sera freiné dans sa lancée
par la Réforme.
Enfin Jacques Gelis, de l’Université de Paris VIII, a donné un avantgoût de ses prochaines publications sur la répresentation du corps humain à
la Renaissance: il y a, dit-il, «un nouveau corps pour un nouvel esprit».
Le corps s’affirme, individuel et même modelable. Les écoles d’esthétique
pourront ainsi prendre davantage conscience qu’elles peuvent modeler chacune leur corps humain à leur façon. (apic/cip/ak)




