37 souverains et chefs d’état du monde en conclave
Sénégal : Dakar se prépare à accueillir le 11e sommet ordinaire des pays musulmans
Dakar, 9 mars 2008 (Apic) Le Sénégal accueille, la semaine prochaine, pour la seconde fois en 17 ans, un sommet ordinaire des pays membres de l’Organisation de la conférence islamique (OCI). Créée à la suite de l’incendie intentionnel de la mosquée de Jérusalem en 1969, elle regroupe 57 états.
Ce 11e sommet du genre, aura lieu à Dakar les 13 et 14 mars. Une telle rencontre a déjà eu lieu dans la capitale sénégalaise, en décembre 1991.
Pour cette année, plus de cinq mille participants sont attendus. Il s’agit de souverains arabes, chefs d’Etat, de gouvernements ou leurs représentants, et d’observateurs. Selon le président Abdoulaye Wade, à ce jour 37 dirigeants du monde islamique ont confirmé leur participation. Placé sous le thème «L’islam au 21e siècle: partenariat économique», ce sommet se penchera, entre autres, sur les problèmes en Palestine, les affaires politiques, l’information, la science et la technologie, le partenariat économique entre pays membres, la révision de la charte de l’OCI, ainsi que l’islamophobie.
L’OCI qui est basée à Djeddah (Arabie Saoudite) n’est pas une organisation religieuse, mais un regroupement politique. Pour les assises de Dakar, les dirigeants sénégalais ont investi plus de 100 milliards de francs CFA (240 millions de CHF) dans la réalisation d’infrastructures. Plus de 47 km de route, avec ponts et de tunnels, ont été construits, de mêmes que des hôtels 5 étoiles, changeant le décor d’une partie de la ville de Dakar. Un bateau hôtel a aussi été loué.
Investissements jugés « choquants »
Selon les autorités sénégalaises, toutes ces réalisations permettent d’accueillir les participants dans de meilleures conditions de circulation et d’hébergement, en rendant plus fluide le trafic automobile qui est un casse-tête à Dakar. Mais les adversaires du régime, jugent «choquants» ces investissements en raison des difficultés économiques et sociales du pays. Ils invoquent à ce sujet, le déficit vivrier chez les paysans à cause de l’insuffisance des pluies.
Outre ces dépenses, l’opposition sénégalaise dénonce la politisation à outrance de l’organisation du sommet. Ils rejoignent en cela les critiques de nombreux Sénégalais pour qui, «jamais sommet n’a suscité autant de déploiement d’énergie, de bouillonnement diplomatique, d’invocations et d’incantations mystico-religieuses».
Depuis plusieurs mois, la télévision publique sénégalaise diffuse quotidiennement, des prières et lectures de Coran dans les mosquées à travers le pays, pour le «succès du sommet de l’OCI». De nombreux Sénégalais ont fustigé ces cérémonies. «A voir la passion, l’obsession, la paranoïa avec lesquelles la famille régnante au Sénégal prépare le sommet de l’OCI, on ne peut s’empêcher de faire allusion au proverbe bien connu: Voir Naples et mourir », écrit Yatma Dièye, dans une tribune libre du quotidien sénégalais, «Wal Fdjr », sous le tire: «Voir l’OCI et mourir».
« Hypocrisie et de opportunisme »
Pour le politologue et journaliste sénégalais Yaya Djibril Diallo, toutes ces séances de lecture du livre saint sont de «l’hypocrisie» et de «l’opportunisme». «C’est navrant pour tout musulman et même non musulman de voir un livre sacré profané pour tout simplement plaire à un président de la république (.)». «D’ailleurs, a-t-il poursuivi, à Pikine (banlieue nord de Dakar), il y a eu des échauffourées lors du partage d’une somme de 300’000 F CFA (720 CHF), après la lecture du Coran dans une mosquée pour bénir l’ANOCI (Agence nationale de l’OCI dirigée par Karim Wade, l’un des fils du président Abdoulaye Wade) et ses dirigeants. Paradoxalement, d’après la presse, un imam bien connu et très respecté serait au centre de ces grabuges».
«Le sommet de l’OCI n’est pas une affaire des imams encore moins des Sénégalais musulmans qui font des prières cinq fois par jour», a précisé pour sa part, Moustapha Niasse, plusieurs fois ministre des Affaires étrangères et ancien Premier ministre. «On ne parlera ni du Coran, ni des hadiths du prophète Mohamed», a-t-il encore ajouté devant des militants de son parti, l’Alliance des forces de progrès (AFP , opposition). IBC
Encadré :
L’OCI, née d’un acte incendiaire
L’Organisation de la Conférence islamique (OCI) se veut le porte-voix de plus d’un milliard de musulmans à travers le monde. Elle est née d’un fait divers religieux: l’incendie, le 21 août 1969, de la mosquée de Jérusalem, troisième lieu saint de l’islam après la Kaaba et la mosquée de Médina.
L’auteur de cet incendie est Michael Dennis Rohan, un Australien dont l’appartenance religieuse (chrétien ou juif) n’a pu être tranchée. Selon l’Agence de presse sénégalaise (APS), lors de son forfait, il visa le prestigieux «minbar», une petite tribune où, dans les mosquées, se tient l’imam pour faire ses prêches, les vendredis ou lorsd e certaines fêtes. Michael Dennis Rohan nourrissait l’idée de détruire la mosquée pour permettre la construction par Israël d’un temple destiné à hâter le deuxième l’avènement de Jésus-Christ sur terre. Il fût arrêté par les autorités israéliennes qui le déclarèrent «déséquilibré mental» avant l’interner dans un asile.
Cet incendie a provoqué un déclic et suscité la mise en place d’une structure internationale pour porter sur la scène mondiale les préoccupations de la «Ummah» (communauté) islamique. C’est de là qu’a été créée l’Organisation de la Conférence islamique (OCI) deux mois plus tard, le 25 septembre 1969 à Rabat au Maroc. Mais ce n’est qu’en 1972 qu’elle a officiellement vu le jour avec l’adoption de sa charte à Djeddah (Arabie Saoudite). Cette ville a été choisie pour abriter le siège provisoire du secrétariat général de l’OCI, en attendant la «libération de Jérusalem», selon les pères fondateurs de l’organisation.
Sa Charte fondamentale indique que ses états membres ambitionnent, à travers elle, de «parler d’une seule voix pour défendre» leurs intérêts et assurer le progrès et le bien-être de leurs populations et de tous les musulmans à travers le monde. En d’autres termes, renforcer la coopération économique, politique, sociale et culturelle entre états membres de l’organisation. Entre autres objectifs, l’OCI se propose la sauvegarde et la protection des intérêts des musulmans, la promotion de la paix internationale et l’harmonie entre les différents peuples du monde.
Avant l’OCI, Plusieurs tentatives de regroupement des états musulmans du monde avaient étaient initiées. La première a eu lieu en 1931 à Jérusalem. Elle était organisée par la Conférence islamique générale qui avait pour but d’institutionnaliser les rapports entre les états islamiques existants. Ce projet n’a pas abouti.
Puis, en 1935, un congrès islamique s’est tenu à Genève pour regrouper les communautés originaires de pays islamiques vivant en Europe. Mais à cause de la guerre, le projet a été abandonné.
En 1956, l’Egypte, le Pakistan et l’Arabie Saoudite, ainsi que la Ligue islamique mondiale, ont tenté une nouvelle fois, de mettre sur pied une organisation islamique internationale, en vain.
(apic/ibc/bb)