De Bethléem à Mossoul, en passant par l’Afrique, l’Asie et le Pérou
Monde: Noël dans l’hémisphère nord et l’hémisphère sud
Bethléem, 26 décembre 2008 (Apic) De l’hémisphère nord à l’hémisphère sud, dans les régions en paix ou celles qui connaissent la guerre, la misère, on a fêté Noël. Avec ce brin d’espoir pour un monde meilleure que favorise cet événement. Tour du monde, avec l’Agence Misna, à Rome
Dans les Territoires palestiniens, théâtres de violences quotidiennes et d’une occupation qui affecte gravement l’économie et d’innombrables vies innocentes, on a quelque peu retrouvé, lors des fêtes de Noël, la dimension solennelle des célébrations. Cependant, les témoignages recueillis en Terre Sainte révèlent la souffrance qui découle d’un conflit déclaré il y a près de 60 ans.
De la Cisjordanie
«Cette année, en Cisjordanie, Noël a été dédié aux enfants. Les plus jeunes ont été au centre des initiatives organisées par les congrégations, notamment les frères franciscains de Terre Sainte qui gardent depuis plus de sept siècles les Lieux Saints. Selon le père Froehlich, l’économie de la Cisjordanie subit gravement les limitations imposées par Israël aux frontières et «qui ont des répercussions dramatiques sur la vie des Palestiniens», dont beaucoup n’ont plus les moyens d’inscrire leurs enfants à l’école. Depuis plusieurs semaines déjà, confie le père Froehlich à Misna, «les manifestations de solidarité envers les enfants des nombreux diocèses se sont ainsi multipliées à Naplouse, Hébron, Bethléem et Nazareth», afin de leur garantir le droit à l’instruction et à une enfance sereine.
A Bethléem, c’est toujours Noël. Conformément à une tradition vieille de nombreux siècles, les pèlerins qui arrivent ici célèbrent Noël à tout moment de l’année. Mais c’est complètement différent pour la communauté chrétienne locale. Le souvenir de la naissance de Jésus est un moment important pour la société palestinienne et pas seulement pour les chrétiens. Même la communauté islamique se rassemble pour célébrer cet événement. Nombreuses sont les écolières musulmanes qui visitent la grotte où la tradition veut que Jésus soit né. En cette occasion, beaucoup de Palestiniens qui vivent en Israël demandent des permis spéciaux pour pouvoir entrer à Bethléem, séparée de la Ville Sainte par un mur de neuf mètres de haut, et se joindre ainsi à la population des Territoires Occupés pour fêter Noël. Cette année, la paroisse de la Basilique de la Nativité a souhaité mettre en oeuvre une nouvelle initiative. Les enfants chrétiens qui habitent à Jérusalem ont marché de la Vieille Ville jusqu’à Bethléem – un parcours de huit kilomètres environ.
A Gaza
Un Noël triste, sans fêtes ni couleurs à Gaza. Contacté à Gaza par Misna, le père Manuel Musallam, curé de la Sainte-Famille et seul prêtre catholique de rite latin présent dans la Bande, ne dissimule pas dans le ton de sa voix la fatigue qui découle du siège israélien et la fin de la trêve entre le Hamas et Israël. «Nous manquons de tout ici – dit encore père Musallam – et cette année, les enfants n’ont pas invité chez eux leurs petits camarades musulmans comme ils le faisaient d’habitude et conformément à nos coutumes: pas de festin ni même de bon repas, pas de fête ni d’arbre de Noël, pas de visites entre parents parce nous avons honte de ne pas pouvoir nous offrir de cadeaux. Avec le chômage qui n’a jamais été aussi élevé et les frontières bloquées par Israël, la seule chose que les gens attendent c’est les sacs d’aides de l’Unrwa, (Office de secours des Nations unies pour les réfugiés de Palestine, Ndlr) qui envoie des chargements humanitaires quand il le peut».
En passant par le Soudan
Mgr Antonio Menegazzo, évêque d’El Obeid, au Soudan, raconte que Noël au Soudan est en premier lieu une occasion de dialogue. «Le 25 – ajoute-t-il, alors qu’il visite toute la région du Darfour – n’est pas une fête que pour la minorité chrétienne, qui se concentre dans le Sud du pays : tous les bureaux publics sont fermés et les gouverneurs et administrateurs locaux assistent aux célébrations liturgiques». Pays de frontière d’un point de vue ethnique, culturel et religieux, le Soudan connaît encore de fortes tensions. Au Darfour, théâtre depuis 2003 d’un conflit entre groupes rebelles, gouvernement central et formations armées qui soutiennent ce dernier, la période de l’Avent s’est écoulée sous le signe de l’espoir. «Cette année – dit Mgr Menegazzo -, la situation semble s’être améliorée, bien que personne ne s’aventure dans les rues des plus grandes villes après 10 heures du soir à cause du couvre-feu». En raison de l’insécurité persistante, les prêtres ont décidé d’anticiper la messe de la Veillée de Noël à 19 heures. «Les chrétiens du Darfour – explique l’évêque d’El Obeid – sont presque tous des personnes déplacées par le conflit qui a affecté jusqu’en 2005 le Sud du pays. Pour eux, Noël, c’est avant tout un événement social : du 25 au 27, jours fériés pour tous les chrétiens du Soudan, les gens dansent, mangent des gâteaux et restent ensemble dans les paroisses».
Le Bangladesh…
Les jours qui précédent Noël, le père Silvano Garello, missionnaire qui fêtera ses 70 ans le 31 décembre prochain, met dans son sac à dos le nécessaire pour célébrer la messe et part de Dhaka en direction de la frontière avec l’État indien de Meghalaya, sur les collines où l’attendent les Mandis. «Êtres humains» : telle est la signification du nom de cette minorité ethnique convertie pour la plupart au christianisme, et au catholicisme pour plus de la moitié. «En cette période – dit à Misna le père Garello, arrivé dans le pays il y a 40 ans, lorsqu’il s’agissait encore du Pakistan oriental -, je commence mon tour dans les villages mandis. A Noël comme à Pâques, il est important qu’il y ait un prêtre pour célébrer la messe qu’ils attendent avec impatience». Au Bangladesh – pays de quelque 160 millions d’habitants à grande majorité musulmane et une minorité hindoue considérable (16%) -, la présence chrétienne ne constitue que 0,5% et il s’agit presque toutes de personnes issues des communautés tribales (qui s’élèvent au total à une trentaine).
L’Irak
«Un Noël de paix ! Après tant de violences, c’est ça l’espoir le plus grand»: Mgr Georges Casmoussa, archevêque syriaque de Mossoul, décrit une ville qui essaie de surmonter les tensions et les conflits issus de la guerre et de l’occupation étrangère. Les menaces et les violences qui avaient poussé en octobre plus de 2000 familles chrétiennes à quitter Mossoul, dit Mgr Casmoussa, ne semblent pas avoir changer une ville, depuis toujours carrefour de religions et de cultures. Selon l’archevêque, «la plupart des membres de la communauté sont revenus chez eux et ont déjà reçu de nombreuses marques de solidarité de la part de leurs voisins musulmans». Les tensions des mois passés découlent d’une crise humanitaire qui se poursuit depuis plus de cinq ans maintenant, depuis le printemps 2003, alors que l’invasion anglo-américaine marquait le début des violences, des attentats et des divisions. «Mais cette période – souligne Mgr Casmoussa – doit finir : les Irakiens se rendent compte que ce n’est qu’en restant unis qu’ils pourront vivre dans la paix et voir leurs droits reconnus». Les chrétiens de Mossoul, la ville située sur la rive occidentale du Tigre, ont eux aussi fait les frais de cette guerre déclarée à tous les Irakiens. À Amman, en Jordanie, le vicariat chaldéen a organisé des messes de Noël pour les nombreux réfugiés irakiens qui ont franchi la frontière. Ainsi, comme si elles étaient toutes restées à Mossoul, explique Mgr Casmoussa, «les familles ont été réunies».
Et l’Amérique latine
Vêtus de costumes bordés de fils dorés, de bijoux précieux, les danseurs de pachahuara, au Pérou, affluent joyeusement dans les rues et sur les places des villes et villages de la Vallée de Yanamarca au son de violons, harpes et tambours pour saluer Noël et le Jour de l’An. Sur les Andes de la Cordillère centrale, dans la région de Junín, précisément là où le libérateur des Amériques, Simón Bolívar obtint la victoire décisive sur les colonisateurs espagnols au Pérou, la danse traditionnelle qui accompagne les fêtes de fin d’année attire de nouveau des centaines de visiteurs dans un climat de bonne humeur et d’attente pour l’année à venir. Sur les visages des danseurs se détachent des masques artisanaux en cuir noir qui évoquent une des possibles origines de la pachahuara; selon certains chercheurs, elle représente une allégorie de la liberté accordée aux esclaves noirs par le «mariscal» Ramón Castilla le 3 décembre 1854 à Huancayo, dans la région centrale du Pérou.
Pour d’autres, la danse exprime simplement la joie de chacun pour la venue d’une nouvelle année : dans les deux cas le nom même, qui dérive de la parole indigène pacha (terre) et huara (aube), est compatible avec la signification hautement symbolique. L’arrivée des danseurs constitue en soi un véritable spectacle, écrit le quotidien El Comercio de Lima: ils portent des chapeaux de paille ornés de plumes multicolores, des gants en cuir aux mains agitant des parapluies, mais l’élément le plus apprécié est leur veste en molleton ou en velours, avec des bords dessinés en relief évoquant des scènes agricoles, des animaux, des fleurs ou la monnaie nationale ; la partie inférieure des manches est en soie de différentes couleurs. Mais cette danse musicale est surtout porteuse d’un message de sérénité et d’espoir, des Andes au reste du monde. (apic/misna/pr)