Etre femme noire et pauvre au Brésil

Brésil: au autre apartheid oublié (020590)

Veyras-Sierre, 2mai(APIC) Un proverbe colonial brésilien le dit, «il existe trois catégories de femmes au Brésil: la blanche pour se marier, la mulâtresse pour forniquer et la négresse pour travailler». Pas facile d’être

Noir au Brésil. Tous les apartheids ne sont pas qu’en Afrique du Sud. Le

Noir brésilien en sait quelque chose. La «négresse» aussi, sinon plus. «Vivant univers», dans son dernier numéro, expose la situation des Noirs du

Brésil, passés directement de la senzala, l’exploitation agricole où travaillaient jadis les esclaves, aux bidonvilles des favellas.

Au Brésil, l’esclavage a été aboli en 1888. Mais pour les descendants de

ces esclaves, rien n’a changé: la marginalisation économique a succédé à

l’esclavage d’autrefois. Un siècle de liberté pour rien. La marginalisation

du Noir est chaque jour plus évidente, celle de la femme Noire et pauvre

est pire encore. «Vivant univers» lui consacre un très large chapitre en

posant la question de savoir sur qui cette dernière peut bien s’appuyer

pour échapper à sa triple malédiction, d’être femme noire et pauvre, précisément. Une discrimination à trois niveaux contre laquelle peu de personnes

bougent. Les mouvements féministes ont des Blanches à leur tête et les mouvements noirs sont dirigés par des hommes.

Conséquence de cette marginalisation, la population noire continue d’assumer dans la société brésilienne les travaux qui présentent le moins de

possibilités d’ascension sociale. Les Noirs forment une armée industrielle

de réserve, une masse laissée pour compte en croissance constante. Mais il

existe, dans la société brésilienne, en plus de la division du travail selon la race, une division selon le sexe qui redouble les difficultés de la

femme noire.

L’Eglise: un espace de résistance

La femme de couleur entre en compétition avec la femme blanche. Presque

toujours, les offres d’emplois demandent une candidate «de bonne présentation», ce qui signifie: ne pas être noire. C’est ainsi que les postes qui

entraînent une certaine autorité sont occupés par des Blanches dans les secrétariats, les banques, l’accueil. Si l’offre exige de l’»éducation», la

femme noire est presque toujours exclue, puisque son degré de scolarisation

est faible et qu’elle est même souvent analphabète. Les «relations affectives» sont un autre domaine, parce qu’il y a, pour la femme noire, une consonance négative. Et les statistiques montrent à ce propos qu’il existe un

grand nombre de femmes seules parmi les Noires brésiliennes.

La discrimination raciale se manifeste souvent de façon subtile, mais

pas toujours avec l’intention d’exclure la population noire. La religion

offre pour la femme noire un espace de résistance, car dans la religion

afro-brésilienne, la femme exerce l’autorité.

Dans l’Eglise catholique, pour l’organisation et l’expression de la foi

dans les petits groupes que sont les communautés de base, des femmes noires

occupent des postes de responsables ou d’animatrices, mais elles ont peu ou

pas de pouvoir de décision parce que l’autorité ministérielle pastorale et

sacramentelle revient au prêtre, qui est blanc dans la majorité des cas. Ce

qui fait dire à «Vivant univers» que la femme noire catholique doit encore

lutter pour obtenir un réel espace dans l’Eglise. (apic/vu/pr)

2 mai 1990 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 2  min.
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