sur la vocation ecclésiale du théologien

Vatican : Publication de l’Instruction (260690)

On ne peut faire appel aux droits de l’homme pour s’opposer au Magistère

Rome, 26juin(APIC) «La liberté de l’acte de foi ne saurait justifier le

droit au dissentiment; en effet, elle ne signifie nullement la liberté à

l’égard de la vérité, mais la libre détermination de la personne conformément à son obligation morale d’accueillir la vérité», peut-on lire dans la

nouvelle «Instruction Vatican : Publication de l’Instruction (260690)», un document présenté au Vatican mardi 26 juin par le cardinal Joseph Ratzinger,

préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi.

L’Instruction veut éclairer la mission de la théologie et des théologiens et rappelle que le pluralisme théologique n’est légitime que dans la

mesure où l’unité de la foi dans sa signification objective est sauvegardée. Cet important document d’une trentaine de pages – il est signé du cardinal Ratzinger et du secrétaire de la Congrégation, Mgr Alberto Bovone – a

été approuvé par le pape Jean Paul II, qui en a ordonné la publication.

Exposée à des risques

«A toute époque, la théologie est importante pour que l’Eglise puisse

répondre au dessein de Dieu qui veut ’que tous les hommes soient sauvés et

parviennent à la connaissance de la vérité’ (…) Mais en des temps de bouleversements spirituels et culturels, peut-on lire dans l’introduction, elle est encore plus importante, même si elle est exposée à des risques, car

elle doit s’efforcer de ’demeurer’ dans la vérité (…) tout en tenant

compte des nouvelles questions posées par l’esprit humain». Tout en reconnaissant le rôle important de la théologie au cours de ce siècle, notamment

lors de la préparation du Concile Vatican II et de sa mise en oeuvre, le

document du cardinal Ratzinger reconnaît qu’elle a aussi connu et qu’elle

connaît encore «des moments de crise et de tension».

L’Instruction, dans une première partie, considère la vérité comme don

de Dieu à son peuple, puis décrit la fonction des théolgiens, s’arrête dans

une troisième partie au mandat particulier des pasteurs, avant de proposer

finalement des indications sur les rapports de collaboration entre Magistère et théologie. Décrivant la fonction du théologien, le document relève

qu’elle est «d’acquérir, en communion avec le Magistère, une intelligence

toujours plus profonde de la Parole de Dieu contenue dans l’Ecriture inspirée et transmise par la Tradition vivante de l’Eglise».

La liberté de recherche

Véritable savoir scientifique, la théologie a ses exigences de rigueur

scientifique, mais, souligne le document, «l’exigence critique ne doit pas

être identifiée avec l’esprit critique, qui naît plutôt de motifs affectifs

ou de préjugés : le théologien doit discerner en lui-même l’origine et les

motivations de son attitude critique et laisser purifier son regard par la

foi». «La liberté de recherche, poursuit l’Instruction, à laquelle la communauté des scientifiques tient justement comme à l’un de ses biens les plus

précieux, signifie la disponibilité à accueillir la vérité telle qu’elle se

présente au terme d’une recherche dans laquelle n’est intervenu aucun élément étranger aux exigences d’une méthode correspondant à l’objet étudié.

En théologie, cette liberté de recherche s’inscrit à l’intérieur d’un savoir rationnel dont l’objet est donné par la Révélation, transmise et interprétée dans l’Eglise sous l’autorité du Magistère». Omettre cela, souligne le document, «serait comme cesser de faire de la théologie».

Concernant le magistère des pasteurs, le document relève que de par sa

nature, le Magistère peut «proposer ’d’une manière définitive’ des énoncés

qui, même s’ils ne sont pas contenus dans les vérités de foi, leur sont cependant intimement connexes, de sorte que le caractère définitif de telles

affirmations dérive, en dernier ressort, de la Révélation elle-même». Ainsi

en est-il dans le domaine de la morale et de loi naturelle. «C’est une doctrine de foi que ces règles morales peuvent être infailliblement enseignées

par le Magistère».

«L’assistance divine, relève encore l’Instruction, est encore donnée aux

successeurs des apôtres, enseignant en communion avec le successeur de

Pierre, et, d’une manière particulière, au Pontife romain. Pasteur de toute

l’Eglise, lorsque, sans arriver à une définition infaillible et sans se

prononcer d’une ’manière définitive’, ils proposent dans l’exercice du magistère ordinaire un enseignement qui conduit à une meilleure intelligence

de la Révélation en matière de foi et de moeurs, et des directives morales

découlant de cet enseignement». Quant aux décisions magistérielles en

matière de discipline, «même si elles ne sont pas garanties par le charisme

de l’infaillibilité, (elles) ne sont pas dépourvues de l’assistance divine,

et requièrent l’adhésion des fidèles».

L’aspect positif des tensions; le risque de recourir aux médias

Le dernier chapitre envisage les rapports de collaboration des théologiens avec le magistère, puis consacre une important partie à la question

du «dissentiment». Concernant les tensions entre théologiens et Magistère,

«si elles ne procèdent pas d’un sentiment d’hostilité et d’opposition, elles peuvent représenter un facteur de dynamisme et un stimulant qui incite

le magistère et les théologiens à remplir leurs fonctions respectives en

pratiquant le dialogue». Quand les difficultés subsistent, l’Instruction

demande aux théologiens d’éviter de recourir aux mass-médias plutôt que de

s’adresser à l’autorité responsable, «car ce n’est pas en exerçant ainsi

une pression sur l’opinion publique que l’on peut contribuer à la

clarification des problèmnes doctrinaux et servir la vérité».

Evoquant les «graves inconvénients» causés à la communion de l’Eglise

par des attitudes d’opposition systématique, le document en voit certaines

causes dans l’idéologie du libéralisme philosophique qui imprègne aussi la

mentalité de notre époque. Il déplore aussi à cet égard «le poids d’une

opinion publique intentionnellement dirigée et de ses conformismes». Il est

ainsi requis du théologien, s’il veut remplir sa mission ecclésiale,

d’avoir un discernement critique et de ne pas perdre son indépendance de

jugement en se modelant sur le monde présent.

L’Instruction, rappelant que le respect du droit à la liberté religieuse

est le fondement du respect de l’ensemble des droits de l’homme, affirme

cependant que l’»on ne peut faire appel à ces droits de l’homme pour s’opposer aux interventions du Magistère». «Un tel comportement, poursuit-elle,

méconnaît la nature et la mission de l’Eglise, qui a reçu de son Seigneur

le mandat d’annoncer à tous les hommes la vérité du salut». Ainsi, lorsque

les autorités de l’Eglise prennent des mesures disciplinaires, comme le retrait de la mission canonique ou le mandat d’enseigner à un théologien qui

s’écarte de la doctrine de la foi, ou déclare des écrits non-conformes à

cette doctrine, elles le font en fidélité avec leur mission.

Ainsi, souligne le document, le Magistère, «en vertu du mandat divin qui

lui a été donné dans l’Eglise», a pour mission de veiller à l’intégrité de

l’enseignement de l’Evangile. Il défend ainsi «les droits du peuple de Dieu

à recevoir le message de l’Eglise dans sa pureté et son intégralité, et

donc à n’être pas troublé par une opinion particulière dangereuse». Etant

donné l’être même de l’Eglise, on ne saurait, relève le document, appliquer

à celle-ci purement et simplement des critères de conduite qui ont leur

raison d’être dans la société civile ou dans les règles de fonctionnement

d’une démocratie. Encore moins peut-on, dans les rapports à l’intérieur de

l’Eglise, s’inspirer de la mentalité du monde ambiant.

Le document voit «une grave perte du sens de la vérité et du sens de

l’Eglise» quand on demande à l’opinion majoritaire ce qu’il convient de

penser et de faire, recourt contre le Magistère à des pressions exercées

par l’opinion publique, se prévaut d’un «consensus» des théologiens, prétend que le théologien est le porte-parole prophétique d’une «base» ou

communauté autonome qui serait ainsi l’unique source de la vérité. En

concluant cette Instruction, la Congrégation pour la doctrine de la foi

invite instamment les évêques à maintenir et développer des liens confiants

avec les théologiens. (apic/be)

26 juin 1990 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 5  min.
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