Honduras: Pour le missionnaire John Donaghy, un conflit entre riches et pauvres

Le président Zelaya assiégé à l’ambassade du Brésil

Washington, 23 septembre 2009 (Apic) Alors que Manuel Zelaya, le président hondurien renversé par un coup d’Etat en juin dernier, est assiégé dans l’ambassade du Brésil à Tegucigalpa par les troupes fidèles aux putschistes, près de 300 de ses partisans seraient détenus dans deux stades de la capitale et des dizaines d’autres auraient été blessés. Certaines sources font même état mercredi de plusieurs morts.

Les partisans du président José Manuel Zelaya ont été chargés mardi dans la capitale par le gouvernement de facto de Roberto Micheletti au moyen de gaz lacrymogènes, de lances à eau et de balles en caoutchouc. Des milliers de partisans du président déchu, revenu lundi dans le pays, 86 jours après le coup d’Etat politico-militaire du 28 juin dernier qui l’avait contraint à l’exil, l’avaient rejoint devant l’ambassade du Brésil.

Une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU a été sollicitée par le Brésil à propos de la situation prévalant au Honduras. A l’issue d’un voyage de retour sur lequel circulent encore des versions divergentes, Manuel Zelaya est désormais assiégé à l’intérieur de l’ambassade du Brésil à Tegucigalpa. Le gouvernement de facto a ordonné la suspension de tout ravitaillement à la représentation diplomatique, tandis qu’une initiative internationale, à laquelle devrait participer également l’ONU, a été mise en œuvre pour lever le blocus. Un communiqué du Front national contre le coup d’Etat, repris par l’agence de presse brésilienne Adital, fait état de centaines de blessés dans les heurts de mardi tandis que de 100 à 200 personnes seraient détenues dans le stade Hector Chochi Sosa, dans la périphérie de la capitale.

«Les arrestations sont massives»

«Les arrestations sont massives», témoigne Bertha Oliva, présidente du Centre des familles de détenus et disparus du Honduras. Les manifestants sont accusés d’avoir enfreint le couvre-feu proclamé dans le pays par les putschistes. La station clandestine Radio Liberada compare pour sa part le stade Chochi Sosa au Stade National du Chili, qui avait servi de camp de concentration sous la dictature militaire de Pinochet. Un autre stade de Tegucigalpa, le Lempira Reyna Zepeda, a été transformé en camp de détention.

Le mouvement international de paysans Via Campesina soutient que trois personnes auraient péri dans les troubles survenus mardi dans le quartier de l’ambassade brésilienne. Des sources de l’agence missionnaire catholique MISNA contactées sur place n’ont été en mesure ni de confirmer ni de démentir les faits. En attendant, l’hôpital Escuela, où ont été admis huit blessés au moins, serait entièrement contrôlé par les militaires.

«Nous exigeons la fin de la répression de la police et de l’armée», s’insurge dans un communiqué l’Organisation Politique Los Necios (OPLN), «et réitérons l’appel au peuple du Honduras à participer à la lutte contre les systèmes illégaux et illégitimes de la dictature militaire». De son côté, la Commission interaméricaine des Droits de l’homme (CIDH) a officiellement demandé au gouvernement de facto de garantir le droit à la vie, à l’intégrité et à la liberté d’expression dans le pays.

Pour l’Organisation des Etats américains (OEA), le recours à la force publique s’est avéré «excessif» non seulement dans la capitale mais aussi à San Pedro Sula, Choloma, Comayagua et à El Paraíso, à la frontière du Nicaragua. Durant une réunion extraordinaire, l’OEA a par ailleurs exhorté les parties à adhérer à l’accord de San José proposé par le président du Costa Rica et Prix Nobel de la Paix, Oscar Arias, dont la médiation n’était pas parvenue à atténuer la crise politique du Honduras.

«Le problème n’est pas Zelaya, mais le fossé entre riches et pauvres»

L’Accord de San José prévoit notamment le rétablissement à ses fonctions de Manuel Zelaya et la formation d’un gouvernement de consensus jusqu’à l’expiration naturelle du mandat du président, en janvier 2010. Pendant ce temps, une vaste mobilisation internationale – à laquelle prennent part le Brésil, le Costa Rica, l’Espagne et les Etats-Unis – s’efforce d’établir un dialogue entre Manuel Zelaya et son successeur de facto Micheletti, qui a entre temps prorogé le couvre-feu. L’Union Européenne (UE) a quant à elle appelé les deux parties à s’abstenir de toute action susceptible d’augmenter les tensions, tout en soulignant l’urgence de trouver une solution négociée à la crise.

Pour le missionnaire laïc américain John Donaghy, vice-directeur de la Caritas du diocèse de Santa Rosa de Copan, au Honduras, «la situation n’est pas simplement une question de conflit entre deux hommes politiques, mais le conflit réel au Honduras un conflit entre les riches et les pauvres».

«Le problème n’est pas Zelaya», a déclaré John Donaghy à l’agence de presse catholique américaine CNS, «mais c’est un système qui maintient les pauvres au bas de l’échelle depuis des lustres. Zelaya a été vu par beaucoup comme un signe que quelqu’un au pouvoir prenait le parti des pauvres». (apic/misna/cns/be)

23 septembre 2009 | 17:44
par webmaster@kath.ch
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