«Pourquoi l’islam nous déstabilise-t-il?»

Genève: Session œcuménique de formation ä Genève sur les mystères du Coran

Genève, 23 novembre 2009 (Apic) «Pourquoi l’islam nous déstabilise-t-il?», tel était cette année le thème de la session annuelle de formation œcuménique destinée aux prêtres, pasteurs et agents pastoraux laïcs des Eglises catholique romaine, catholique-chrétienne et protestante de Genève. Une bonne soixantaine de personnes ont répondu à l’invitation pour assister le 20 novembre à cette journée qui s’est déroulée au Centre de l’Espérance, alléchées sans aucun doute par le thème très actuel de la rencontre à la veille de la votation populaire sur les minarets.

La formulation du thème a d’ailleurs été contestée immédiatement par bon nombre de participants: «Non, l’islam ne nous déstabilise pas, il nous interpelle!» En l’occurrence, c’est plutôt l’islam qui a été interpellé, par le biais de deux fins connaisseurs du Coran, l’un musulman et l’autre chrétien.

Le Coran, cœur de la vie du musulman

Mustafa Brahami est enseignant en économie et imam à Crissier-Renens. Il est l’auteur de plusieurs livres, notamment sur la prière. Une pratique qui n’a pas la même acception en islam et dans la chrétienté, a-t-il expliqué: pour le chrétien, la prière est d’abord une requête à Dieu. Pour le musulman, un ensemble de gestes et de paroles rituellement organisés, par lesquels on s’adresse à Dieu, et comportant la lecture obligée du Coran.

Le Coran, en effet, est au cœur de la vie du musulman, souligne-t-il. «Il est Parole de Dieu, source de sérénité et d’inspiration, manuel d’éthique, compagnon de route, guide de piété, vecteur de valeurs et lumière dans l’obscurité».

Difficile à comprendre

N’empêche que le Coran lui-même est parfois très obscur! Cela tient à la complexité et à l’interpénétration des textes, qui nécessitent une lecture non linéaire et un effort d’exégèse permanent. L’orateur reconnaît cependant que «certains versets sont impossibles à comprendre», notamment ceux qui ont trait au monde de l’invisible, tandis que d’autres, d’ordre sociétal, posent problème en Occident. Mais Mustafa Brahami tient à rassurer: la charia (la loi islamique) n’est pas à l’ordre du jour chez les musulmans de Suisse.

L’exposé de Sami Aldeeb secoue les participants

«Les lois du pays hôte sont les seules à prendre en compte dans ce cadre-là», souligne Mustafa Brahami. L’imam termine en soulignant que le Coran reconnaît l’héritage biblique et l’exemplarité spirituelle de Marie et de Jésus. Quant aux divergences théologiques entre chrétiens et musulmans, concernant notamment la mort de Jésus sur la croix (que l’islam nie) et la Trinité, elles ne doivent pas nous empêcher de dialoguer, dans le respect mutuel, estime-t-il.

Beaucoup moins consensuel, l’exposé de Sami Aldeeb a secoué les participants. Ce chrétien d’origine palestinienne (il est né en Cisjordanie) habite depuis plus de 30 ans en Suisse, pays dont il possède la nationalité. Expert en droit arabe et musulman, il a publié quantité de livres et d’articles sur le sujet. Il est également l’auteur d’une traduction du Coran dont l’originalité réside dans le classement chronologique des versets.

Mahomet , du moraliste au juriste

Ce nouveau classement, scientifiquement logique, permet de mettre en évidence l’évolution de la pensée de Mahomet en lien avec son histoire personnelle et de comprendre pourquoi certains versets, dit «médinois», posent problème aujourd’hui. Il y a eu deux périodes dans la vie du Prophète, explique le professeur Aldeeb.

Pendant la première, entre 610 et 622, il n’était que prophète. Pendant la seconde, de 622 à 632, il est devenu chef d’Etat à Médine. Ce changement de statut, qui l’a fait passer de moraliste à juriste, a largement marqué la deuxième partie du Coran, engendrant toutes sortes de contradictions.

C’est ainsi que la notion de paix diffère selon qu’elle est traitée dans la première ou dans la deuxième partie: «Selon la première, la paix est faisable, selon la seconde, c’est la paix des cimetières!». A cette ambiguïté du contenu s’ajoutent différents obstacles de compréhension liés à la langue elle-même et à la multitude des traductions, dont il existe pour certains versets pas moins de 30 variantes.

Révélation divine?

Quant à savoir si le Coran est une révélation divine, Sami Aldeeb répond clairement qu’il raisonne en chercheur et non en homme de foi. Des observations d’ordre sémantique l’amènent à voir dans ce texte «un brouillon» qui collecte des informations superposées, puisées dans des écrits antérieurs juifs et apocryphes chrétiens. Sami Aldeeb en convient: son analyse dérange les musulmans. Que dirait-il si un chercheur musulman faisait de même avec la Bible? Réponse: «Ca me ferait plaisir. Toute recherche est bienvenue!». De quoi alimenter la réflexion des participants, tout au long de cette journée instructive, qui s’est poursuivie avec la projection du film «L’imam et le pasteur» et un travail en groupes. (apic/gt/be)

23 novembre 2009 | 12:15
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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