Egypte: Les opposants à l’interdiction du port du voile intégral font entendre leurs voix

Elle fait atteinte aux droits des femmes

Le Caire, 13 décembre 2009 (Apic) La décision du gouvernement égyptien d’interdire le voile dans certains établissements d’enseignement supérieur suscite un débat sur les droits humains dans le pays, a rapporté l’agence du Tiers Monde, Inter press service (IPS, basée à Johannesburg, en Afrique du Sud). Pour les défenseurs des droits de l’homme, cette décision fait partie d’une campagne contre le niqab (voile intégral). Elle constitue «une violation flagrante des libertés personnelles, en particulier de la liberté de s’habiller comme on entend».

Le 8 novembre dernier, le mufti de la République, Ali Gomaan, considéré comme l’arbitre sur toutes les questions religieuses, a indiqué que le port du niqab était plutôt «une tradition qu’une obligation islamique». De ce fait, avait-il reconnu, les institutions étatiques, telles que les universités et les hôpitaux «ont le droit d’interdire son port en leur sein».

La controverse sur le port de cet habit qui couvre tout le corps des femmes a commencé le 3 octobre dernier, premier jour de l’année académique, lorsque le Cheikh de la grande mosquée de l’Insitut Al-Azhar au Caire, Mohammed Sayyed Tantawi, en visitant une école de jeunes filles, a ordonné à une élève de 11 ans, de l’enlever. Son port n’est pas une obligation islamique, avait-il fait remarquer. Quatre jours plus tard, le Conseil suprême d’Al-Azhar, plus haute autorité religieuse dans le monde musulman sunnite, a prononcé une interdiction formelle du port du niqab dans toutes les écoles affiliées à l’Institut et dans les dortoirs de l’Université Al-Azar. Dans son argumentaire, le Conseil a expliqué que le port du niqad n’était «une obligation islamique que pour une minorité d’érudits musulmans». Aussi a-t-il exprimé son opposition à «édicter un code vestimentaire dans l’esprit des filles»

Le ministre égyptien de l’enseignement supérieur, Hani Hilal a, quant à lui, annoncé que pour des raisons de sécurité, le port du niqab ne serait pas autorisé dans les dortoirs des femmes, dans les Universités publiques. Il arrivait, en effet, que des hommes portent le niqab pour pouvoir accéder aux dortoirs des jeunes filles. Cette pratique avait tendance à se développer. «J’ai pris cette décision afin de protéger les étudiantes, qui sont sous ma responsabilité», a déclaré Hilal.

L’interdiction serait une atteinte à la liberté des femmes

Pour Hossam Bahgat, directeur de l’initiative égyptienne, une Organisation locale non gouvernementale (ONG) de défense des droits de l’homme, basée au Caire, le port du niqab est «certainement une des manifestations plus extrêmes de l’Islam». «Mais conformément à la Constitution, nul n’a le droit de forcer les femmes à ne pas le porter». La mesure d’interdiction «ne fera qu’encourager l’extrémisme islamique» en Egypte, a-t-il estimé.

De son côté, Zaghloul Al-Naggar, membre de l’organisation internationale du Conseil de la Conférence islamique pour les affaires islamiques, a critiqué le déplacement du Cheikh Tantawi dans les établissements d’enseignement, relevant que cela confirme que le leadership de l’Institut Al-Azhar, particulièrement de son directeur Tantawi, n’est pas «indépendant». «C’est un employé du gouvernement», a-t-il déclaré au quotidien indépendant, «Al-Dustour». «L’interdiction du niqab décrédibilise le Cheikh Tantawi», a-t-il poursuivi, tout en rappelant que depuis la nomination de celui-ci à la tête de l’Institut Al Azar, par le président Hosni Moubarak en 1996, «il n’a rien fait que de servir l’Etat et le régime, par ses décisions».

Hamdi Hassan, député du parti des Frères musulmans, plus grande formation politique de l’opposition, a lui aussi contesté «l’indépendance institutionnelle d’Al-Azhar». Selon lui,

«lorsque le Cheikh d’Al-Azhar applique simplement les directives du gouvernement, ses paroles ne peuvent pas être respectées». «Il représente un des plus grands et plus vénérés symboles de l’Islam, et il devrait donc se comporter d’une manière qui corresponde à son titre», souligné le parlementaire.

«La position du gouvernement contre l’Islam et les lois islamiques est bien connue. Elle est rendue évidente par ses politiques», a déclaré le député Hassan, faisant observer que la décision d’interdire le niqad «à la fois par l’Institut A-Azhar et par le ministère de l’Education, est la preuve qu’il y a des instructions d’en haut à décourager le port du voile face». «L’Etat a évidemment été ébranlé par la prolifération du niqab», a-t-il encore indiqué.

Pour leur part, des étudiantes qui portent le niqab se sont déclarées «indignées» par l’interdiction de le porter désormais. «Même quand nous avons dit que nous enlèverons ce vêtement à l’entrée pour la sécurité, l’administration universitaire a refusé de nous permettre de rester dans les dortoirs en portant le niqab», a déclaré à IPS Amira Hasan, une étudiante de 21 ans, à l’université de Helwan, au Caire.

Selon les observateurs en Egypte, bien qu’il n’y ait pas de chiffres officiels sur le nombre de femmes qui portent le niqab, la pratique est devenue de plus en plus visible et s’est répandue au cours de ces dernières années.

La décision d’interdire le port du niqad a fait les gros titres de la presse égyptienne. Des manifestations de protestations de la part de femmes porteuses de cet habit ont aussi eu lieu au Caire. (apic/ibc/js)

13 décembre 2009 | 14:32
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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