Sénégal : Le cardinal Théodore Adrien Sarr condamne les récents propos du président Wade

Ils sont «insupportables, humiliants, meurtriers et banalisent ce qui fait la foi chrétienne»

Dakar, 31 décembre 2009 (Apic) Le cardinal Théodore Adrien Sarr, archevêque de Dakar, a condamné hier mercredi 30 décembre 2009, «les propos insupportables» du président Abdoulaye Wade, qui, en début de semaine, a déclaré dans les églises : « les chrétiens prie Jésus, au lieu de Dieu.» Le chef de l’Etat lui a présenté ses excuses.

Le chef de l’Eglise catholique du Sénégal qui recevait les vœux de nouvel an du Conseil diocésain du laïcat, de l’Union des religieuses et religieux, ainsi que ceux du conseil épiscopal du pays, a souligné que les chrétiens ont été «meurtris et humiliés» par les propos du président Wade. «Nous l’avons été par les propos insupportables de Monsieur le président de la République, banalisant publiquement devant des éducateurs de nos enfants ce qui fait le cœur de notre foi», a notamment déclaré le prélat. Le président Wade avait tenu les propos lors d’une réunion avec des enseignants venus lui apporter leur soutien pour sa campagne de réélection en 2012.

Pour le cardinal Sarr, le chef de l’Etat manifeste un « désintérêt » pour les catholiques, une « communauté engagée pour le mieux-être de tous les Sénégalais ». «Meurtris et humiliés, nous l’avons été par les risques de divisions que de tels propos (du président Wade) pourraient engendrer dans une communauté nationale caractérisée par une entente exemplaire entre chrétiens et musulmans», a ajouté le cardinal Sarr.

Il a rappelé que «les chrétiens n’adorent pas de statues, mais adorent un seul Dieu». «Je crois en un seul Dieu : tel est notre credo», a-t-il fait remarquer, en parlant d’amalgame que le président Wade a entretenu entre le Monument de la renaissance africaine et les représentations du Christ dans les églises. Le Monument de la renaissance africaine est un œuvre en bronze gigantesque contestée par des islamistes, que le président Abdoulaye Wade est en train de bâtir sur l’une des quatre collines des Mamelles (nord-ouest de Dakar), dédiée à l’Afrique.

Pour le cardinal Théodore Adrien Sarr, les chrétiens veulent que Celui en qui ils croient soit respecté. «Il est scandaleux et inadmissible que la divinité de Jésus Christ, cœur de notre foi, soit mise en cause et bafouée par la plus haute autorité de l’Etat», a-t-il poursuivi, tout en appelant le président Wade «à la retenue dans les propos qui peuvent blesser toute une communauté». Il a invité les catholiques «au calme, au calme, au calme». «Gardons la sérénité qui fait que personne ne pourra se moquer de nous», a-t-il encore dit, tout en demandant aux jeunes catholiques, de «défendre, à tout moment, la laïcité constitutionnelle» du pays, «à respecter la croyance de tous les sénégalais et à vivre, non pas comme nous avons l’habitude de l’entendre, dans la tolérance avec nos frères et sœurs de confessions différentes, mais l’estime avec eux».

Il a enfin, salué le comportement des musulmans du Sénégal qui, selon lui, ont toujours «manifesté estime, soutien et solidarité aux chrétiens». «Je voudrais solennellement leur dire combien nous avons apprécié la spontanéité et la sincérité de leurs réactions», a-t-il affirmé à l’endroit des musulmans.

Excuses officielles du président Wade

A la fin de son intervention, des incidents ont opposé les jeunes catholiques aux forces de l’ordre. Ces affrontements ont éclaté lorsque des jeunes chrétiens voulaient marcher en direction de la présidence de la République, située à environ 300 mètres de la cathédrale. Ils en ont été empêchés par les forces de l’ordre qui ont utilisé des grenades lacrymogènes pour les disperser. Le correspondant de l’APIC a été légèrement atteint au pied et au bras gauche par un éclat de grenade.

Plus tard dans la soirée, le président Abdoulaye Wade a dépêché auprès du cardinal Sarr une délégation officielle, conduite par son fils, Karim Wade, ministre d’Etat, chargé des Infrastructures pour présenter ses excuses à la communauté catholique. La veille, mardi 29 décembre 2009, l’archevêque avait refusé de recevoir une première délégation officielle, composée de membres du gouvernement et de collaborateurs directs du président Wade, qui était allée lui présenter les excuses du chef de l’Etat.

«En aucun cas Monsieur le président de la république n’a voulu offenser ou porter atteinte à la communauté chrétienne», a déclaré Karim Wade, après avoir transmis au cardinal, les excuses du chef de l’Etat. «Le président de la république est très attaché à protéger toutes les communautés religieuses de notre pays, y compris la communauté chrétienne», a-t-il fait noter, tout en ajoutant : «si les propos de Monsieur le président de la république ont porté atteinte ou touché les sénégalais chrétiens, nous présentons nos excuses à la communauté chrétienne sénégalaise et à la communauté chrétienne internationale».(apic/ibc/js)

31 décembre 2009 | 12:19
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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