Annecy : l’Ordre de la Visitation fête ses 400 ans

D’Annecy à Fribourg

Annecy, 29 janvier 2010 (Apic) L’année 2010 marque le 4e centenaire de l’Ordre religieux de la Visitation – dont sont issues les Visitandines, aussi appelées Sœurs salésiennes. Retour sur l’histoire et les motivations de ses fondateurs à Annecy – saint François de Sales et Jeanne-Françoise de Chantal – et sur la naissance de l’Ordre en terre fribourgeoise.

Dimanche 24 janvier, fête de saint François de Sales, le cardinal Paul Poupard, président émérite du Conseil pontifical pour la Culture, a présidé à Annecy la messe solennelle d’ouverture de l’Année jubilaire de la Visitation. Au même moment, à Fribourg, Mgr Farine consacrait le nouvel autel en l’église conventuelle de la Visitation. Il y a 400 ans en effet, le 6 juin 1610, saint François de Sales (1567-1622), évêque de Genève et Docteur de l’Eglise, et Jeanne-Françoise de Chantal (1572-1641) fondaient l’Ordre de la Visitation en Haute-Savoie. Une histoire que relate le diocèse d’Annecy sur son site. (1)

Les fondateurs

Né à en 1567 à Thorens, en Haute-Savoie, d’une famille de noblesse rurale, saint François de Sales était destiné à une carrière juridique. Il abandonne pourtant cette voie en 1593, alors qu’il est docteur en droit civil et canonique, pour se vouer à la prêtrise. Dans une époque troublée par les querelles politico-religieuses, l’évêque de Genève, en exil à Annecy depuis 1564 suite à la réforme protestante, investit saint François d’une mission : ramener la foi catholique aux habitants convertis au protestantisme dans le Chablais, au nord de la Savoie. Cette expérience incitera saint François à élaborer une argumentation étayée de la doctrine catholique, parmi laquelle des articles qu’il placarde ou glisse sous les portes. De son œuvre on peut citer l’Introduction à la vie dévote, des conseils pour vivre en règle avec Dieu sur le plan quotidien, suivie du Traité de l’amour de Dieu, un traité d’ordre spirituel qui présente l’union totale du mystique avec Dieu. Ordonné évêque le 8 décembre 1602, il rencontre Jeanne de Chantal en 1604, lors d’un Carême à Dijon, « une femme forte » selon ses mots, avec laquelle il fonde l’Ordre de la Visitation Sainte-Marie. Il meurt à Lyon le 28 décembre 1622, au retour d’un voyage en Avignon, un des nombreux voyages apostoliques qu’il a entrepris pour annoncer l’Evangile.

Née le 23 janvier 1572 – année du massacre de la Saint Barthélémy – à Dijon d’une famille illustre, Jeanne-Françoise Fremiot épouse à l’âge de 20 ans le baron de Chantal, dont elle a 6 enfants. Suite à la mort accidentelle de son mari à la chasse, Jeanne-Françoise de Chantal, dite Jeanne de Chantal, fait vœu de chasteté et décide de mener une vie austère, sans luxe et dévouée à ses enfants. Pour ne pas manquer à son vœu de chasteté, elle inscrit au fer rouge le nom de Jésus-Christ sur sa poitrine. Sa rencontre avec saint François de Sales est décisive : sous la direction spirituelle de ce dernier, elle fonde la congrégation de la Visitation. Se séparer de ses enfants est pour la sainte un sacrifice, mais elle ne renonce pas à sa mission et parcourt la France entière afin d’édifier les monastères de la Visitation. Non seulement elle participe à la diffusion des ouvrages de saint François, mais elle signe également ses propres écrits qui contribuent à l’élaboration de la pensée salésienne. Jeanne de Chantal meurt le 13 décembre 1641 à la Visitation de Moulins, dans l’Allier.

L’expansion

Le 6 juin 1610 est inaugurée la première maison de l’Ordre de la Visitation Sainte-Marie à Annecy : la « Galerie ». Après la messe à l’Evêché, Jeanne de Chantal et ses compagnes visitent les pauvres et les églises. Un an plus tard, elles reçoivent les « Petites constitutions », écrites par saint François.

L’expansion sera rapide : Lyon, Moulins, Grenoble, Bourges, Paris, Montferrand, Nevers, etc. sont autant de lieux qui verront l’édification de monastères de la Visitation. A la mort de Jeanne de Chantal, on dénombre 87 couvents. A la fin du 18e s., le mouvement dépasse les frontières françaises pour atteindre l’Italie, la Suisse, la Pologne, l’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne, le Portugal et le Liban. Au 19e et 20e s., il s’étend en Amérique et en Afrique et aujourd’hui, en Asie. En 2009, la Visitation comprend 2 communautés en Asie, 7 en Afrique, 21 en Amérique du Nord, 4 en Amérique centrale, 23 en Amérique du Sud, 92 en Europe. Tous les couvents, qui représentent quelque 3000 visitandines dans le monde, se sont confédérés en 1952. Une expansion qui confirme la vision de saint François quelques siècles plus tôt où, rêvant d’un arbre qui croissait par-dessus les montagnes, il avait pressenti que l’Ordre rayonnerait autour de la Terre entière.

Les principes

L’Ordre de la Visitation Sainte-Marie s’établit autour de trois caractéristiques liées à la figure de saint François de Sales : la douceur, l’humilité et la simplicité.

A l’origine, la congrégation devait allier vie contemplative et service auprès des malades et des pauvres. Les fondateurs ne souhaitaient ni vœux ni clôture, ce qui pour l’époque constituait une innovation. Mais Rome s’opposa à ce mode de vie « léger » et à toute activité extérieure. L’archevêque de Lyon, Mgr de Marquemont, imposa donc la clôture en 1615, selon le concile de Trente. La volonté des fondateurs demeure pourtant dans le style de « clôture ouverte », qui fait l’originalité de l’Ordre : les Visitandines peuvent accueillir en clôture des femmes désireuses de vivre un temps de retraite ou de recul, sans engagement.

La visitation et la dévotion

François de Sales a choisi de nommer sa petite congrégation « Visitation Sainte Marie » car le mystère de la Visitation lui était cher. Il y trouvait « mille particularités spirituelles qui lui donnaient une lumière spéciale de l’esprit qu’il désirait établir dans son institut… parce que c’était un mystère caché, et qu’il n’était pas célébré solennellement en l’Église comme les autres, qu’au moins il le serait en notre congrégation ».

« Vraiment, notre petite congrégation est un ouvrage du cœur de Jésus et de Marie. Le Sauveur mourant nous a enfantés par l’ouverture de son sacré Cœur ». Les termes de saint François de Sales mettent en avant le Sacré Cœur dont il s’inspire pour proposer l’emblème de l’Ordre : « Un unique cœur percé de deux flèches », surmonté d’une croix, entouré d’une couronne d’épines et gravé des noms de Jésus et Marie. La dévotion du Sacré-Cœur, propre aux Visitandines, est liée à la figure de sœur Marguerite-Marie Alaloque, de Paray-le-Monial, à qui le cœur de Jésus apparaît à trois reprises au 17e s. Dans un ouvrage dédié à l’Ordre des Visitandines (2), la dévotion au Sacré Cœur passe pour « la parfaite illustration de la piété affective des Visitandines. »

L’Ordre de la Visitation en Suisse

Selon une étude sur les Visitandines en Suisse (3), douze jeunes sœurs du monastère de Besançon arrivent à Fribourg en 1635 afin de fuir la guerre de Trente Ans. Le conseil de Fribourg les tolère à titre de réfugiées, mais interdit une installation définitive. Elles demeurent en dehors des murs de la ville. En 1638, les bourgeois de Bulle proposent aux Visitandines de s’installer chez eux. Comme la peste sévit à Fribourg, la communauté accepte et envoie 4 sœurs et 2 aspirantes, pour décider finalement que l’endroit n’est pas approprié pour une installation définitive. Elles optent alors pour la ville de Gruyères où elles fondent en 1638 une communauté qui sera transférée à Annecy en 1651. Quant aux soeurs restées à Fribourg, elles se séparent du monastère de Besançon. Certaines quittent Fribourg en 1641 pour Soleure, où elle fonderont un monastère aujourd’hui encore existant. Les autres, suite au refus du gouvernement de s’installer dans la résidence épiscopale, louent, à l’intérieur des murs de la ville, la maison d’Affry, actuel couvent sis à la rue de Morat. Malgré l’interdiction du conseil, 23 Fribourgeoises entrent au couvent entre 1641 et 1651. La communauté comptant désormais une majorité de professes locales reçoit enfin, en 1951, la permission de s’installer définitivement et de construire église et monastère. Fribourg figurera parmi les premiers monastères visitandins à introduire le culte du Sacré-Cœur, en 1696.

A la Révolution française, les Visitandines fribourgeoises accueilleront de nombreux nobles, prêtres et religieux exilés de France. Au 19e s., tandis que plusieurs membres de la communauté fribourgeoise séjournent à l’étranger dans d’autres communautés – dont celles de Georgetown et Mobile, aux Etats-Unis -, la guerre du Sonderbund et le régime radical à Fribourg (1847-1856) rendent la vie dure aux sœurs de la Visitation : cantonnement de 60 soldats vaudois dans l’établissement en novembre 1847, biens confisqués par l’administration civile, etc. Mais durant cette période, le pensionnat que dirige la communauté gagne en importance et devient la principale ressource financière du monastère : il ne fermera ses portes qu’en juillet 1922, sous la concurrence des écoles publiques. L’Ordre de la Visitation voit une réforme après le concile Vatican II (1962-1965) : suppression des grilles dans les parloirs, possibilité pour les laïcs de participer aux heures canoniales des sœurs, abandon de l’habit noir en faveur du beige, etc.

Aujourd’hui, la trentaine de Visitandines en Suisse, dont 21 à Fribourg, considèrent que l’essentiel de leur mission, outre la prière et la méditation, réside dans l’accompagnement des personnes qui souhaitent vivre une retraite spirituelle.

Manifestations du jubilaire

Afin de fêter le 4e centenaire des Visitandines, le diocèse d’Annecy propose plusieurs activités au fil de l’année 2010, du 24 janvier, fête de François de Sales, au 13 décembre, anniversaire de la mort de Jeanne de Chantal : concerts, journées d’études, spectacles, expositions, pèlerinages, etc. en lien avec l’office du tourisme. (1)

A Fribourg, des journées portes ouvertes du monastère de la Visitation se tiendront les samedis 4, 11 et 25 septembre 2010. On pourra également retrouver la communauté lors de la « Nuit des couvents » les 23 et 24 avril 2010.LCG

(1) Pour plus d’informations : http://catholique-annecy.cef.fr/

(2) Extrait de Masse, Marilyn, « La visitation et la dévotion au Sacré-Cœur », in Visitation et visitandines aux XVIIe et XVIIIe siècles : actes du Colloque d’Annecy, 3-5 juin 1999, organisé par le Centre d’histoire «Espaces et cultures» (Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand) et le Centre d’anthropologie religieuse européenne (Ecole des hautes études en sciences sociales, Paris), Saint-Etienne, Université Jean Monnet, 2001, p. 482.

(3) Braun, Patrick et al., « Die Augustiner-Eremiten, die Augustinerinnen, die Annunziatinnen und die Visitandinnen in der Schweiz », in Helvetia Sacra, Abt. 4, Die Orden mit Augustinerregel, Band 6, Bâle, Schwabe, cop. 2003, pp. 311-384. (apic/lcg)

29 janvier 2010 | 17:13
par webmaster@kath.ch
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