Eclairage : Le baha’isme: une religion de liberté
Rencontre avec Danièle Bianchi, attachée de presse de la communauté de Genève
Genève, 14 juin 2010 (Apic) Fondée il y a plus d’un siècle et demi, la foi baha’ie compte aujourd’hui quelque 6 millions d’adeptes répartis dans presque tous les pays. C’est la deuxième religion la plus représentée sur le plan géographique après le christianisme. Présent dans plus de 127’000 localités, le baha’isme est attaché à l’idéal de citoyenneté universelle. Son message central est celui de l’unité: il n’y a qu’un seul Dieu, une seule race humaine et toutes les religions du monde constituent des étapes de ce que Dieu a voulu et projeté pour l’humanité. Son centre spirituel est à Haïfa sur le mont Carmel en Israël, lieu du mausolée du Bab, précurseur de la foi baha’ie. Le fondateur de la religion, Bahá’u’lláh, a été contraint à différents exils et a terminé sa vie à Saint-Jean-d’Acre, où il a rédigé ses principaux textes.
Danièle Bianchi, attachée de presse de la communauté de Genève, a reçu l’Apic dans le lieu de rencontre des quelque 120 membres baha’is de la cité de Calvin. Avec enthousiasme, elle a expliqué en quoi consiste le contenu de foi des adeptes de cette religion. Un simple petit studio où les rencontres ont lieu au rythme du bon plaisir des membres.
Pour la responsable, ce qui caractérise en propre la foi baha’ie c’est la liberté: nulle contrainte ne vient obliger les adeptes. Ils sont au contraire libres de pratiquer leur foi comme ils l’entendent. De même, si quelqu’un veut faire partie de la communauté, il peut librement s’y rendre lors des rencontres, tout comme il peut la quitter quand il veut. Contrairement à d’autres religions, le baha’isme n’est pas héréditaire : chaque personne est libre d’y adhérer ou non. Les enfants doivent attendre d’être adolescents pour se déterminer, ce qui évite qu’ils soient sous l’influence des parents ou des adultes.
Une religion au plein sens du terme
Autour d’une tasse de thé, nous avons pu poser toutes les questions qui nous venaient à l’esprit et apprendre à découvrir une religion qui n’a rien d’une secte et qui est trop souvent méconnue. S’attachant à décrire l’histoire du baha’isme, Danièle Bianchi a montré en quoi consiste le sens de l’existence humaine : promouvoir l’unité et le respect de chacun. Aucune hiérarchie n’existe dans la tradition religieuse baha’ie. Sans sacerdoce ni clergé, le système d’administration est constitué d’un réseau de conseils administratifs librement élus pour une année sur les plans local, national et international. Chaque membre de la communauté peut librement prendre la parole ou présider une rencontre. Comme l’égalité est le principe, chacun a les mêmes droits que tous les autres.
La foi baha’ie
Fondée par le Persan Bahá’u’lláh (1817-1892), le baha’isme est une des religions les plus récentes. Ses membres considèrent le fondateur comme le nouveau messager de Dieu pour aujourd’hui. Pour Bahá’u’lláh, le but de la vie d’un être humain est de développer toutes les capacités dont Dieu l’a doté, à la fois pour lui-même et pour le service de l’humanité. Ce qui entraîne pour les baha’is le développement personnel, tant intellectuel que spirituel. Cette religion réaffirme les principes spirituels comme base de la société humaine. Elle insiste aussi sur l’importance de l’éthique dans les affaires humaines. Justice sociale et comportement moral permettent de trouver des réponses judicieuses aux problèmes du temps présent. Pour elle, la famille constitue le fondement de la société humaine. Les écrits de Bahá’u’lláh sont publiés dans plus de 800 langues.
Pour une société mondiale
Le baha’isme désire, selon les vœux de son fondateur, instaurer une société mondiale unique. Cela suppose le respect de certains principes, tels que l’élimination des préjugés, l’égalité des droits de l’homme et de la femme, la reconnaissance de l’unité fondamentale des grandes religions, l’accès à l’éducation, la diminution des écarts entre richesse et pauvreté, etc…
Le baha’isme en Suisse
Dès 1902-1903, on trouve à Sion, à Amriswill, dans le canton de Thurgovie et à Yvorne dans le canton de Vaud, la présence des premiers baha’is de Suisse. En 1933, s’ouvre à Genève un Bureau international d’information baha’i. Une première école d’été a lieu à Zurich en 1942. En 1953 se forme la première « assemblée spirituelle italo-suisse ». La première assemblée spirituelle nationale des bahá’ís de Suisse est constituée en 1962 ; son siège est à Berne. En 1967, la communauté se fait connaître en présentant au gouvernement fédéral et aux différentes personnalités politiques et économiques du pays le livre «La Proclamation de Bahá’u’lláh», qui est une compilation des lettres adressées par le fondateur aux dirigeants et chefs religieux. Les groupes parlementaires des Chambres fédérales signent en 1978 un appel en faveur des baha’is persécutés en Iran. Genève voit, en 1981, l’ouverture d’un bureau comme succursale européenne de la Communauté internationale baha’ie, qui a le statut consultatif auprès du Conseil économique et social de l’ONU. En 1983, la Confédération accorde le droit d’asile à 51 baha’is iraniens persécutés dans leur pays en raison de leurs convictions religieuses. La communauté remet aux autorités, en 1991, le message « L’avenir de la Suisse – une perspective baha’ie » à l’occasion du 700ème anniversaire de la Confédération. Dès 1992, elle est présente à plusieurs sommets et conférences de l’ONU. Les baha’is de Suisse publient en 1994 une déclaration sur les effets pernicieux du racisme en relation avec la modification de l’article du Code pénal sur le racisme.
Selon les statistiques, il y a en 1998 une quarantaine de communautés baha’ies en Suisse, ce qui correspond à environ 1’000 membres. En 2003, c’est la fête du centenaire de la présence de cette religion dans le pays. On dénombre actuellement quelque 9’000 baha’is en Suisse.
La communauté de Genève compte 120 personnes, de tous horizons culturels et sociaux.
La communauté mondiale
La Communauté internationale bahá’íe est accréditée auprès des Nations Unies comme organisation non-gouvernementale depuis 1948. Elle bénéficie d’un statut consultatif auprès du Conseil économique et social (ECOSOC) depuis 1970 et auprès de l’UNICEF depuis 1976. Officiellement associée au programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et au Service de l’Information de l’ONU, elle participe également aux travaux de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de World Wide Fund (WWF).
Des communautés très actives
Les membres des communautés baha’ies sont très actifs dans différents domaines où ils promeuvent et gèrent des projets : éducation (constructions d’écoles ou programmes d’alphabétisation), santé et promotion de l’hygiène, environnement ou encore développement social avec valorisation du rôle de la femme.
Quelques règles de vie
L’âge de la maturité spirituelle est fixé à 15 ans. Dès ce moment l’adepte prie chaque jour en choisissant parmi les trois textes proposés. Un baha’i doit s’abstenir de toute médisance et de répandre des rumeurs. Il doit aussi éviter tous les préjugés. Un jeûne de 19 jours chaque année est prescrit aux adultes en bonne santé. Alcool et drogue sont interdits, sauf sur indication médicale. Les jeux de hasard sont prohibés. Ces interdictions et prescriptions sont destinées à permettre à chacun de vivre le mieux possible.
Le calendrier
Les bahâ’is considèrent le 21 mars 1844 comme le point de départ de leur calendrier annuel. Ce dernier s’articule en 19 mois de 19 jours entre lesquels s’intercalent 4 jours. L’année commence le 21 mars, après l’équinoxe de printemps. Du 2 au 21 mars, un jeûne est observé. La prière, toujours brève et en principe individuelle, peut se faire matin, midi et soir.
Le fondateur de la foi bahâ’ie, Mirzā Husayn ’Ali, est né dans une famille noble dans la province iranienne du Mazanderan en 1817. Il consacre son temps à venir en aide aux opprimées, malades et pauvres. Arrêté en 1852 et envoyé en exil à Bagdad, il y passe 10 ans. En 1863, il déclare à son entourage être celui dont l’avènement est attendu, la manifestation suprême de Dieu. Des disciples le rejoignent rapidement et le fondateur veut donner le jour à une religion mondiale qui représente « le couronnement de toutes les religions ayant jusqu’alors existé ». Il rêve d’un royaume de paix, de justice et de liberté. Contraint de quitter Bagdad pour aller à Constantinople, il se rend finalement à Saint Jean d’Acre en Palestine. Ses prédications sont essentiellement formués par écrit, et il s’adresse aux dirigeants les plus éminents de son temps : le tsar de Russie Alexandre II, l’empereur Guillaume Ier, Napoléon III, le pape Pie IX, entre autres. Il leur demande de tout faire pour construire un monde de justice et sans violence. Il meurt le 29 mai 1892 à Saint-Jean-d’Acre, qui est depuis devenu le plus sacré des lieux saints du baha’isme. (apic/js)