Saint-Maurice: L’Abbaye de Saint-Maurice prépare les 1500 ans de sa fondation par Sigismond, roi des Burgondes

547’875 jours de louange perpétuelle

Saint-Maurice, 13 août 2010 (Apic) L’Abbaye de Saint-Maurice, aux portes du Valais, fêtera en 2015 son 1500ème anniversaire. Elle fut en effet fondée par Sigismond, roi des Burgondes, en l’an 515, pour être plus précis, le 22 septembre. Depuis cette date, elle se dresse au pied de la falaise d’Agaune, là où furent déposés les restes de saint Maurice et de ses compagnons de la légion thébaine, venus d’Egypte. Ils furent tués sur place pour avoir refusé de persécuter d’autres chrétiens, de renier leur foi au Christ et de rendre un culte à l’empereur des Romains.

Présentant vendredi 13 août le programme des festivités de ce jubilé, à quelque 1500 jours de l’année jubilaire de saint Maurice 2014-2015, Mgr Joseph Roduit a rappelé que la célèbre abbaye est la plus ancienne dans le monde occidental à avoir maintenu sans interruption depuis bientôt 15 siècles la «laus perennis», la louange perpétuelle.

Evoquant le temps passé depuis la fondation de l’Abbaye, Mgr Roduit a relevé que le 22 septembre 2015, il y aura «547’875 jours, un demi million de jours, que notre Abbaye n’a jamais fermé ses portes ! Elle est le témoin vivant et vivace, à travers l’histoire, de la vitalité et de l’actualité du message chrétien. C’est l’histoire d’une longue fidélité», a souligné l’Abbé de Saint-Maurice.

«Il y a des monastères plus anciens en Occident qui ont été fermés, en raison de guerres ou d’autres évènements graves, mais nous, nous sommes par miracle passés entre les gouttes. Peut-être que le rocher qui domine l’Abbaye nous protège, même s’il y a de temps en temps des pierres qui sont tombées… », lâche-t-il, un peu énigmatique.

Le pape va être officiellement invité à Saint-Maurice pour le jubilé

Mgr Roduit espère vivement que le pape viendra en visite pastorale à Saint-Maurice à l’occasion du jubilé, «ne serait-ce qu’une journée !» L’Abbé a déjà évoqué oralement cette éventualité devant le pape Benoît XVI, qui lui a laissé entendre que 2015 est «un peu loin pour moi». Mais Mgr Roduit est bien décidé à l’inviter, même si aucune demande officielle n’a encore été faite. Il doit en parler très prochainement à ses confrères de la Conférence des évêques suisses, qui vont sans aucun doute soutenir la démarche.

Certes, a encore admis l’Abbé Roduit, «la diminution du nombre des chanoines nous interpelle tous» – ils furent 120 au début du siècle passé, et ils ne seront probablement plus qu’une vingtaine lors de la célébration du jubilé – «mais l’engagement toujours plus conséquent des laïcs soutient notre espérance !»

Aujourd’hui, l’Abbaye dispose d’un collège qui vient de fêter ses 200 ans et qui a accueilli en 2010 quelque 1’085 étudiant-e-s. Mais le corps professoral ne compte plus que deux religieux pour une centaine de laïcs. A l’heure actuelle, l’Abbaye compte une petite quarantaine de religieux, dont l’âge moyen est de 71 ans, relève Mgr Roduit. «Pratiquement, la moitié a plus de 80 ans. Les vocations, c’est notre grand souci…. Des jeunes viennent, s’intéressent à notre vie, mais peu s’engagent. On a deux personnes qui terminent leur noviciat, dont le plus jeune a 22 ans. Le chanoine le plus âgé a 93 ans. Certes, le problème de la relève n’est pas propre à Saint-Maurice, il concerne l’Europe et le continent nord-américain également, alors que les vocations fleurissent ailleurs, notamment en Afrique et en Asie».

Une année jubilaire du 22 septembre 2014 au 22 septembre 2015

Pour organiser l’année jubilaire, une trentaine de laïcs et 10 chanoines se sont engagés dans les diverses commissions mises sur pied par le Comité d’organisation. Celui-ci est co-présidé par l’ancien conseiller d’Etat valaisan Jean-Jacques Rey-Bellet et l’ancien président du Grand Conseil valaisan Jean-Paul Duroux, assistés par le chanoine Olivier Roduit, en tant que vice-président. Mgr Joseph Roduit lui-même préside la commission «Avenir», qui veut transformer le jubilé en réalité durable, afin qu’il se poursuive d’une façon ou d’une autre au-delà du 22 septembre 2015.

Ce sont les laïcs qui sont chargés de récolter les finances nécessaires – les institutions d’Eglise ne devraient pas être sollicitées directement – et un accent particulier est mis sur le bénévolat. Ainsi tous les membres des commissions et du comité d’organisation travaillent à titre gratuit, a précisé Jean-Jacques Rey-Bellet. Si tous les projets avancés étaient finalement réalisés (l’ancien conseiller d’Etat espère qu’au moins 80% le seront !), le coût des festivités pourrait s’élever à plusieurs millions de francs.

Tout dépendra des ressources humaines et financières que l’on peut mobiliser

Les ressources humaines et financières (notamment grâce au sponsoring) seront déterminantes pour finaliser les projets, a relevé Jean-Paul Duroux. Pour mener à bien ce jubilé, une «charte» a été rédigée par Mgr Roduit, qui relève que la priorité sera donnée à la simplicité et à l’aspect durable des projets à réaliser. Un effort particulier sera fait pour proposer, tant au niveau liturgique (célébrations et pèlerinages) qu’au niveau apostolique des moments forts «en résonance avec le monde et le siècle d’aujourd’hui».

Les organisateurs cherchent également quelque 25 personnes du monde religieux, de la politique, de la culture, de l’économie, pour faire partie d’un comité de haut patronage des festivités. Une quinzaine de réponses positives sont déjà parvenues.

De nombreuses propositions à évaluer

Le catalogue des activités, encore au stade de l’élaboration, proposera des pèlerinages, des journées d’initiation à la prière, des invitations aux villages et paroisses qui portent le nom de Saint-Maurice (une soixantaine de communes en France), l’organisation de colloques, la publication d’ouvrages scientifiques sur l’historique, l’archéologie, l’art sacré (trésor de l’Abbaye).

Des propositions vont encore être évaluées: participation de l’orchestre et de la fanfare du Collège, des chorales, des expositions, du théâtre de rue, des sculptures, création d’une chasse moderne pour les reliques de saint Maurice et de ses compagnons, etc. Les organisateurs pensent également à des jumelages, notamment avec Louxor (l’ancienne Thèbes, en Egypte, d’où venait la Légion thébaine, et avec le monastère grec-orthodoxe de Sainte-Catherine, dans le Sinaï.

L’Abbaye – dont le jubilé est fortement soutenu par la commune de Saint-Maurice, qui en espère de nombreuses retombées – mène parallèlement trois projets indépendants concernant ses archives (numérisation en cours), son trésor et le site archéologique du Martolet jouxtant l’Abbaye (projets de réaménagement et de mise en valeur). Il s’agit pour Saint-Maurice de rendre l’Abbaye «plus lisible» et plus transparente à l’égard de ses nombreux visiteurs, dont une proportion de plus en plus importante vient de l’espace germanophone. JB

Encadré

L’Abbaye de Saint-Maurice doit son origine au sanctuaire élevé sur le tombeau de saint Maurice et de ses compagnons martyrs. Ces soldats venus de la région de Thèbes (aujourd’hui Louxor, en Egypte) sont morts témoins de leur foi vers l’an 300. C’est vers 380 que saint Théodore, dit aussi saint Théodule, évêque d’Octodure (l’actuelle Martigny), dépose les reliques des martyrs dans un sanctuaire au pied de la falaise. Le 22 septembre 515, le roi burgonde saint Sigismond fonde le monastère et inaugure la «laus perennis»‹ — la louange perpétuelle —, sur le tombeau des martyrs. Le monastère d’Agaune ainsi fondé comprend une communauté de moines préposés à la garde du sanctuaire et à l’accueil des pèlerins.

Au IXème siècle, des chanoines succèdent aux moines. En 1128, ils adoptent la Règle de saint Augustin. Le culte des martyrs se développe et se répand dans toute l’Europe. La terre d’Agaune devient un centre spirituel du second royaume de Bourgogne (888), puis de la dynastie des Savoie.

Dès l’origine, l’Abbaye possède son baptistère; des privilèges pontificaux et royaux la placent sous l’immédiate dépendance du Siège apostolique. Les abbés de Saint-Maurice jouissent du pouvoir temporel, et parfois spirituel, sur nombre de bourgades et hameaux. L’Abbaye, exempte de toute juridiction épiscopale, devient nullius dioeceseos (actuellement «abbaye territoriale»).

Les temps de ferveur et de ressourcement alternèrent avec des périodes plus difficiles (Au XVIème siècle, il n’y a plus que sept moines dans l’Abbaye). Mais la pression des autorités civiles, les troubles révolutionnaires, les incendies et éboulements de rochers, n’empêchèrent pas l’Abbaye de poursuivre sa mission multiséculaire. Elle ose ainsi prétendre être le plus ancien monastère de l’Occident continuellement habité. (apic/be)

13 août 2010 | 17:03
par webmaster@kath.ch
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