Congo RDC: Le triste sort des pygmées du pays reste largement ignoré

Ils vivent ente entre déplacement et discrimination, exclus des programmes humanitaires

Kinshasa, 5 septembre 2010 (Apic) Les 300’000 à 500’000 pygmées de la République démocratique du Congo (RDC) vivent le martyr. Laissés pour compte, ils sont considérés comme des demi-citoyens, dans leur propre pays, n’ayant droit ni au strict minimum d’accès à la santé, ni à l’éducation.

Cité par l’agence de presse de l’ONU IRIN, Mark Lattimer, directeur exécutif de l’ONG britannique Minority Rights Group (MRG) affirme que «ce peuple indigène de RDC est le plus marginalisé de tous les peuples marginalisés au monde, auprès desquels j’ai travaillé».

Les pygmées de la RDC ne survivent en grande partie que grâce à l’aide de certaines organisations humanitaires, aux abords des camps de réfugiés à Goma. Ils n’ont ni électricité, ni eau courante, et leurs abris de fortune aux toits de paille les protègent mal des pluies fréquentes. Ils ne reçoivent pas non plus de bâches en plastique, ni d’autres aides matérielles, a reconnu le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Celui-ci, par l’intermédiaire de ses partenaires au sein d’ONU-Habitat et des autorités publiques du Nord-Kivu, plaide sans cesse leur cause.

«Les infirmières nous mettent à la porte»

Dans les structures de santé, «les infirmières nous mettent à la porte», a déclaré à l’IRIN (Réseau d’information régionale intégrée), Hodi Nyiramajambere. Cette femme âgée a été chassée par le gouvernement des alentours d’un parc national protégé, qui abrite diverses espèces d’animaux rares et menacées, notamment des gorilles des montagnes. «Elles (les infirmières) ne nous donnent pas de médicaments, parce que nous n’avons pas d’argent. Nos enfants et nos bébés meurent», a-t-elle ajouté.

Pourtant, les pygmées sont considérés comme étant parmi les plus anciens habitants d’Afrique centrale. Pendant de nombreuses générations, cette ethnie nomade habitait la forêt et vivait de la terre, de la chasse et de la cueillette. D’après Mark Lattimer, la discrimination dont sont victimes les pygmées remonte à plusieurs centaines d’années. «Elle est profonde et solidement ancrée à tous les niveaux de la société congolaise».

Près de 90% des pygmées sont illettrés

Le MRG mène plusieurs programmes destinés à encourager les enfants pygmées à aller à l’école, car jusqu’à 90% des pygmées sont illettrés. Les familles n’ont pas les moyens de payer les frais de scolarité de leurs enfants, ni de leur acheter des uniformes. «Les enfants pygmées n’étudient pas ; parce que nous ne recevons pas d’instruction, nous ne pouvons pas nous considérer comme des personnes comme les autres», a fustigé Mupepa Muhindo, chef des pygmées. Peu de programmes les concernent. Les organisations humanitaires locales et internationales s’intéressent à d’autres situations en RDC, relève Mark Lattimer.

«Un des plus gros problèmes, c’est qu’ils ont beaucoup de difficultés à bénéficier de services publics ou sociaux, quels qu’ils soient… Ils sont systématiquement renvoyés. Les responsables ou toute personne ayant quelque autorité leur disent simplement: tu es un pygmée, va-t-en», déplore le directeur exécutif de l’ONG Minority Rights Group (MRG). En raison de ces attitudes, les parents déclarent rarement les naissances. On ignore le nombre exact de cette population marginalisée.

Les répercussions de la guerre

Bien qu’ils n’aient jamais pris les armes, les «bambutis» (autre appellation des pygmées de RDC) ont été les victimes de presque tous les groupes armés du pays. Des violations graves des droits humains sont fréquemment commises contre eux. En 2004, dans la région de l’Ituri (nord-est), ils ont été victimes d’une campagne de viols, de torture, de massacres et même de cas isolés de cannibalisme, commis par des soldats du Mouvement de libération du Congo (MLC), dirigé par Jean-Pierre Bemba, et du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), rappelle le MRG.

Jean-Pierre Bemba, un ancien vice-président de la RDC, est détenu depuis deux ans à La Haye, aux Pays-Bas, où il attend d’être jugé devant la Cour pénale internationale pour des crimes qu’il aurait commis en République Centrafricaine. Selon l’ONG britannique, toutes ces violences sont liées à des superstitions qui voudraient que pygmées aient des pouvoirs surnaturels. De ce fait, avoir des rapports sexuels avec des femmes bambuties permettrait de guérir d’une maladie. Une excuse fréquemment invoquée pour justifier les viols. «Je doute que les auteurs de ces violences croient vraiment à cela», estime Mark Lattimer. «C’est juste un moyen de se justifier. Le vrai problème, c’est tout simplement l’impunité dont jouissent les individus qui s’en prennent, de quelque façon que ce soit, aux communautés pygmées, et la marginalisation totale de ces communautés au sein de la société congolaise». (apic/ibc/be)

5 septembre 2010 | 16:30
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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