Zagreb: Les évêques d’Europe prient pour la canonisation du bienheureux cardinal Alojzije Stepinac
Prisonnier jusqu’à sa mort sur ordre du régime de Tito
Zagreb, 4 octobre 2010 (Apic) Les évêques catholiques d’Europe, lors d’une messe célébrée dimanche 3 octobre à la cathédrale de l’Assomption de la Vierge Marie à Zagreb, ont demandé la canonisation du bienheureux cardinal Alojzije Stepinac, grande figure de l’Eglise catholique de la Croatie qui a connu les geôles du régime de Tito. Mgr Stepinac, primat de l’Eglise catholique croate à l’époque de «l’Etat indépendant» oustachi (1941-1945) du «duce» pronazi Ante Pavelic, avait été accusé de «collaboration» lors d’un procès monté.
Au cours de la messe de clôture de l’Assemblée plénière du Conseil des Conférences épiscopales d’Europe (CCEE) – qui s’est tenue du 30 septembre au 3 octobre à l’Institut pastoral de l’archevêché de la capitale de la Croatie – les évêques venus des 33 Conférences épiscopales d’Europe, de la Péninsule ibérique à la Fédération de Russie, ont commémoré le 50ème anniversaire de la mort du prélat croate béatifié le 3 octobre 1998 par le pape Jean Paul II.
Archevêque de Zagreb de 1937 à 1960, Alojzije Stepinac fut arrêté le 18 septembre 1946 sur ordre des autorités communistes qui avaient pris le pouvoir en Yougoslavie. En 1945, il avait rejeté une proposition de Tito de séparer son Eglise de Rome et de créer une «Eglise nationale serbo-croate». Au lendemain de la libération, Mgr Stepinac et les autres évêques croates avaient publié une lettre critiquant la politique du régime communiste sur la liberté religieuse, ainsi que la confiscation des biens ecclésiastiques, les persécutions et les meurtres de prêtres (*).
Après un rapide procès politique mis en scène par le nouveau pouvoir communiste de Tito, Mgr Stepinac fut emprisonné à Lepoglava, avant d’être transféré le 5 décembre 1951 à Krasic, dans sa paroisse d’origine située à une cinquantaine de kilomètres de Zagreb. Il subit les arrêts domiciliaires au presbytère de Krasic jusqu’à sa mort le 10 février 1960. Le 14 février 1992, le Parlement croate condamna symboliquement le procès politique et la décision du tribunal de 1946.
«Cyniquement empoisonné», a rappelé dimanche le cardinal hongrois Peter Erdö
Prisonnier jusqu’à sa mort, il a été «cyniquement empoisonné», a déclaré dimanche lors de la cérémonie à la cathédrale le cardinal Peter Erdö, archevêque d’Esztergom-Budapest. Le primat de Hongrie, qui est par ailleurs président du Conseil des Conférences épiscopales d’Europe (CCEE), a prié devant la châsse de verre abritant le corps de cet «évêque martyr» en compagnie des deux autres vice-présidents du CCEE, les cardinaux Josip Bozanic, archevêque de Zagreb, et Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux.
Le cardinal Erdö a souligné que le bienheureux Alojzije Stepinac avait combattu durant la guerre pour les droits des personnes persécutées et discriminées, «suscitant la rage des nazis». C’est pour avoir refusé de renoncer à la communion avec le Saint-Siège qu’il a souffert la prison et la relégation de nombreuses années, a-t-il ajouté. «Et finalement, gravement malade en raison des souffrances subies en prison, cet «intrépide confesseur de la foi» a signé son témoignage avec son propre martyr, et il a été «cyniquement empoisonné», a lancé le primat de Hongrie.
Une «lumineuse borne milliaire» pour l’Eglise croate, et bien au-delà
Auparavant, le cardinal Bozanic, rappelant le 12ème anniversaire de la béatification du cardinal Stepinac et le 50ème anniversaire de sa mort, l’avait qualifié de «lumineuse borne milliaire» pour l’Eglise croate, et bien au-delà. «Nous le considérons comme le protecteur et le guide de nos travaux, qui sont spécialement consacrés à la famille, c’est-à-dire le plus beau et le plus précieux héritage pour l’Eglise et la société». L’Eglise croate rappelle que le cardinal Stepinac, s’il a salué, comme la grande majorité des Croates de l’époque, «l’Etat indépendant de Croatie» (NDH), a également fustigé les crimes de la dictature des «Oustachis» alliés aux nazis, les exécutions d’otages serbes, l’extermination des juifs et des tziganes, la conversion forcée des orthodoxes, et le camp de concentration de Jasenovac qu’il avait qualifié de «tache honteuse» pour la Croatie. JB
Encadré
(*) Dans son ouvrage «Martirologe croate du XX siècle» qui recense les martyrs de l’Eglise en Croatie, le prêtre croate Anto Bakovic, qui a lui-même passé dix ans en prison, a comparé les pertes subies par le clergé dans sept pays d’Europe de l’Est (Pologne, Tchéquie, Slovaquie, Hongrie, Allemagne de l’Est, Slovénie et Albanie). Il arrive à la conclusion que c’est l’Eglise catholique croate (pas seulement en Croatie, mais dans toutes les paroisses croates de l’ex-Yougoslavie) qui a subi le plus de martyrs – prêtres, religieux et religieuses, séminaristes – de la part des régimes communistes en place après la Seconde Guerre mondiale.
Selon ses recherches, durant la guerre et dans la période d’après-guerre, que ce soit en Croatie ou en Bosnie-Herzégovine, 664 ecclésiastiques, religieuses et séminaristes catholiques ont trouvés la mort, dont 4 évêques et 506 prêtres. Certains d’entre eux n’ont pas été tués par les partisans communistes de Tito ou l’Armée populaire yougoslave, mais par les monarchistes serbes («Tchetniks»), l’armée allemande, l’armée italienne, les «Oustachis» pronazis, l’armée soviétique, les groupes armés irréguliers serbes et musulmans en Bosnie-Herzégovine, sans compter ceux qui sont morts du typhus en prison ou sous les bombes anglo-américaines. Ce martyrologe est le fruit d’un travail de recherche de plus de 17 ans mené par un prêtre à la retraite, Don Anto Bakovic. Il s’est basé sur quelque 6’000 documents, un abondant matériel d’archives dépouillé en Croatie, en Bosnie-Herzégovine, en Voïvodine (Serbie) et à Belgrade, sans compter les témoignages de survivants de cette époque sanglante. (apic/be)