Philippines : Assassinat d’un pasteur protestant
Les parrains des jeux illégaux d’argent sont les premiers suspects
Quezon City, 15 octobre 2010 (Apic) Le pasteur baptiste Joseph Saliba, qui avait dénoncé les jeux d’argent illégaux, a été abattu au volant de sa voiture, à Quezon City, Philippines, le 13 octobre. Le tueur n’a pas été identifié. L’assassinat coïncide avec la comparution des parrains présumés de la loterie locale illégale.
Selon l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris (MEP) « Eglises d’Asie », Joseph Saliba est mort sur le coup, criblé de balles (au moins sept douilles de calibre 45 ont été retrouvées par la police sur les lieux du crime). Le tueur a profité des difficultés de circulation qui immobilisaient le véhicule pour s’approcher du pasteur et tirer plusieurs fois à bout portant, avant de revenir sur ses pas et de s’enfuir à motocyclette, « comme s’il ne s’était rien passé », selon les témoins qui ont assisté à la scène.
Le Révérend Saliba, âgé de 42 ans, était pasteur de l’Eglise baptiste de Dagupan City, dans la province de Pangasinan (dans le Nord des Philippines). Joseph Saliba, connu pour son action en faveur de la justice, des droits de l’homme, ainsi que pour son engagement contre la corruption et la criminalité, et notamment les jeux illégaux d’argent, était très apprécié et respecté au sein de sa communauté.
Dans sa province de Pangasinan, où la mafia des jeux d’argent est très implantée – particulièrement dans le « jueteng », une loterie illégale populaire – des groupes d’évêques, de prêtres et de laïcs de toutes confessions chrétiennes luttent pour dénoncer les ravages causés par les jeux d’argent, surtout parmi les populations les plus pauvres.
Selon les sources locales de l’agence vaticane Fides et les communautés chrétiennes de la région, le combat du pasteur contre les jeux illégaux est sans aucun doute la raison de son assassinat, lequel « s’ajoute à la longue liste des exécutions extrajudiciaires qui se pratiquent en toute impunité aux Philippines ». Les sources dénoncent les escadrons de la mort d’anciens soldats ou membres d’unités paramilitaires, responsables de nombreuses exécutions et assassinats commandités du temps de l’ancienne présidente Gloria Arroyo. « C’est justement au sujet de cette impunité que le peuple philippin attend beaucoup du gouvernement de Benigno Aquino », a déclaré à Fides le Père Sebastiano d’Ambra.
La police n’exclut cependant pas d’autres pistes. Le pasteur baptiste travaillait comme responsable des ressources humaines dans une entreprise agro-alimentaire, ce qui pourrait expliquer les mobiles du meurtre.
Les parrains présumés étaient appelés à comparaître
Il est difficile de ne pas remarquer la coïncidence entre l’assassinat, le 13 octobre, du Révérend Saliba, ardent détracteur des jeux de hasard et tout particulièrement du « jueteng », et l’audience, le 14 octobre, devant le Sénat philippin de hautes personnalités accusées d’être des parrains de ce jeu d’argent très lucratif.
Le 14 octobre, des fonctionnaires de l’Etat, des membres de l’administration provinciale, des fonctionnaires d’Etat et des officiers de police soupçonnés d’avoir reçu des pots-de-vin de la mafia contrôlant les jeux d’argent illégaux devaient en effet comparaître devant le Senate Blue Ribbon Committee, chargé de traiter et de réprimer les fraudes. Les noms des fonctionnaires corrompus ont été livrés en septembre dernier par Mgr Oscar Cruz, archevêque émérite de Lingayen-Dagupan, dans une liste établie par le People’s Crusade Against Jueteng, un groupe dont le prélat est le co-fondateur. Mgr Cruz est connu pour son engagement dans la lutte anti-corruption, notamment dans le domaine des jeux d’argent. Depuis l’arrivée au pouvoir de Noynoy Aquino III, le prélat, appuyé par d’autres évêques des Philippines, n’a de cesse de réclamer au président de la République qu’il tienne ses promesses d’éradiquer la corruption au sein de la machine d’Etat.
Parmi les personnages influents dénoncés par le prélat figurent Rico Puno, sous-secrétaire du gouvernement, l’ancien chef de la police nationale Jesus Verzosa, ainsi que Lilia « Baby » Pineda, gouverneur de Pampanga, et Amado Espino, gouverneur de Pangasinan.
Le 14 octobre, les « parrains supposés du jueteng » ont refusé de se rendre à la convocation du Sénat, une attitude jugée sévèrement par le Blue Ribbon Committee : « Le fait de ne pas donner leur version des faits ainsi que leur non-présentation ne joue pas en leur faveur, a déclaré à l’ouverture de l’audience le sénateur Teofisto Guingona III, qui préside le comité. La Cour jugera en conséquence et établira ses conclusions sur les faits qu’elle a rassemblés. » (apic/eda/amc)