«L’euthanasie est loin d’être une mort douce»

France: Autoriser l’euthanasie instaurerait un régime de peur, selon Mgr Barbarin

Lyon, 26 janvier 2011 (Apic) Alors que le Sénat français a finalement voté contre l’instauration d’une «assistance médicalisée pour mourir», dans le nuit du mardi 25 janvier 2011, le cardinal Philippe Barbarin – Primat des Gaulles – avait exprimé son inquiétude sur les conséquences que pourrait entraîner l’autorisation de la «mort assistée» (l’euthanasie). Il l’a fait dans une tribune libre, publiée par le journal français «Le Figaro», le 25 janvier.

Selon le cardinal Philippe Barbarin, la loi sur la fin de vie ne reconnaît aucun droit à donner la mort et propose de bons repères, insistant sur les soins palliatifs et le refus des traitements disproportionnés. Cet avis n’était pas partagé par la commission sociale du Sénat, qui a ouvert la voie à l’euthanasie en cas de «souffrance physique ou psychique ne pouvant être apaisée ou jugée insupportable», lit-on dans une tribune libre du «Figaro». La commission s’est appuyée pour cela sur des cas extrêmes, omettant de mettre en valeur le travail accompli dans les unités de soins palliatifs, a insisté l’archevêque de Lyon. Il a poursuivi: «On essaie d’introduire une idée uniformisée de mort douce, alors que l’euthanasie est loin d’être douce, pour les soignants comme pour le malade et sa famille».

Pourquoi voter non?

S’appuyant sur une citation de Dominique Schnapper (*), le cardinal a affirmé que «la légalisation de l’euthanasie briserait la confiance entre soignants et soignés». A ses yeux, «La médecine est un lieu où il serait terrible d’attenter à l’amitié entre les hommes». Car dans le cas d’une légalisation de l’euthanasie, le patient risquerait d’avoir peur, même lors d’interventions thérapeutiques légitimes.

La légalisation de l’euthanasie pousserait à l’exclusion des personnes les plus vulnérables, a précisé le Primat des Gaulles. Si un homme est seul, sans personne qui le protège, et si le recours à la mort légale lui est offert, le voici en danger, à la merci des fluctuations de sa sensibilité.

La légalisation de l’euthanasie serait contradictoire avec le développement des soins palliatifs – a jugé le cardinal Barbarin –, qui permettent de répondre à la plupart des douleurs des grands malades. Il s’interroge: «Pourquoi 80% du budget des soins palliatifs ne leur est-il pas encore alloué? Est-il vrai que de renoncer aux opérations chirurgicales réalisées ’in extremis’ sans espoir de guérison, dégagerait une part de cet argent? Il a encore rappelé la fin de Jean Paul II, en février 2005». Et de conclure: «Avec la mort, la vie n’est pas détruite, elle est transformée.»

Mgr Barbarin partage l’avis de Robert Badinter, qui notait qu’un droit à la mort assistée revient à aider ceux qui prendraient la décision de se suicider (**). Or, a soutenu l’archevêque, «la mort est une peine toujours injustifiable, pour un coupable, à plus forte raison pour un innocent.»

Voir en l’euthanasie «la dernière liberté» constituerait un piège, a considéré le prélat français. D’une part, parce que cet acte ne serait pas pleinement libre. D’autre part, parce que la violence du suicide traverse tout le corps social et que sa mémoire reste vive dans le cœur des proches.

A l’objection faite que la proposition de loi ne vise que des cas où la mort naturelle surviendrait en toute hypothèse, et dans de brefs délais, le cardinal s’est demandé alors pourquoi ne tendons-nous pas la main, comme le font les soignants des services de soins palliatifs, qui font honneur à la médecine? Et de rappeler que dans les pays où l’euthanasie est établie, elle touche également des personnes qui ne sont pas en situation de mort imminente, comme les dépressifs.

Au reproche de dolorisme adressé à l’Eglise catholique, l’archevêque de Lyon a répondu que ce soupçon pèse peu, en comparaison des nombreux saints qui ont répété les attitudes du Christ envers les malades: «J’étais malade et vous m’avez visité». Pour mémoire, il a cité les figures de Mère Térésa de Calcutta et de Vincent de Paul. De plus, la contemplation du Christ mourant en croix empêche, selon le Primat, un cœur vraiment chrétien de se détourner de celui qui meurt, au contraire de la société, où l’on voit les enfants absents des funérailles de leurs grands-parents, a-t-il souligné.

Citant la Bible: «Le véritable amour chasse la crainte», Mgr Barbarin a évoqué l’expérience partagée par bien des malades et des familles, qui ont traversé une maladie douloureuse. S’appuyant sur son expérience de malade et de croyant, l’archevêque de Lyon a soutenu que cela a été possible grâce à l’amour, qui a permis de dépasser la peur. Il a conclu en s’adressant aux sénateurs en ces termes: «Ne doutez pas de l’amour!»

(*) «La société moderne repose sur la confiance objective entre les individus grâce aux relations politiques et économiques, le droit, l’argent, les institutions. Mais les relations directes entre les personnes ne sauraient être oubliées, qui demeurent au cœur de la vie humaine.»

(**) «J’aurais la crainte d’une forme d’incitation, je n’ose pas dire de provocation au suicide. L’être humain est fragile. L’angoisse de mort est présente. Chez certains, face à une épreuve, il y a une tentation de mort inhérente à la condition humaine.» (apic/com/pb/ggc)

26 janvier 2011 | 11:50
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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