Vatican: une «charte» pour les universités catholiques (250990)

«Constitution apostolique sur les universités catholiques»

Rome, 25septembre(APIC) Doter les universités catholiques d’»une grande

charte» qui les stimule à «une fidélité courageuse, créatrice et rigoureuse»: ce projet, qui tenait à coeur à Jean Paul II, vient de se concrétiser

avec la publication, mardi 25 septembre à Rome, d’une «Constitution apostolique sur les universités catholiques». Il s’agit d’un document de 48 pages

comportant une introduction, deux parties consacrées repectivement à

l’identité et à la mission de l’université catholique et à des normes, et

une brève conclusion.

Le document, en chantier depuis huit ans, a été élaboré sur la base d’un

schéma d’une soixantaine de pages préparé par la Congrégation romaine pour

l’Education catholique et mis au point en 1988 après consultation des épiscopats, des Congrégations religieuses et des universités catholiques à travers le monde. Le dicastère avait une nouvelle fois soumis un projet de

texte à l’analyse des 175 participants, pour la plupart des représentants

des Conférences épiscopales et des universités catholiques, au Congrès international qu’il avait organisé à Rome en avril 1989. Sur la suggestion

de nombreux délégués, le projet a fait l’objet d’une ultime concertation, à

travers une Commission de quinze membres.

Ce long processus a permis d’aboutir à un texte écrit dans un langage

vivant et dynamique, et dont quelques affirmations très appuyées ne peuvent

que réjouir les communautés académiques catholiques: insistances sur l’autonomie institutionnelle de l’université, qui garantit à ses membres la liberté académique (y compris des théologiens), respect du pluralisme des

personnes, invitations à affronter les grandes questions de l’heure sans

craindre de «déranger», importance accordée au dialogue entre la foi et la

culture, insistance sur le service rendu à l’Eglise par l’université catholique…

La seconde partie, qui ramasse en une dizaine de pages une série de normes de caractère juridique, sera sans doute accueillie avec plus de circonspection. Comment l’autonomie des activités académiques, affirmée à plusieurs reprises, sera-t-elle appréciée au fil du temps par la Congrégation

pour l’Education catholique? Les normes transitoires n’apportant pas tous

les éclaircissements sur le rôle dévolu au dicastère romain.

Le service désintéressé de la vérité

Dans l’introduction, Jean Paul II dit le prix qu’il attache aux universités catholiques, qui lui procurent «l’espérance fondée d’un nouvel épanouissement de la culture chrétienne dans le contexte riche et varié de

notre époque en mutation». L’université catholique, poursuit-il, a l’honneur et la responsabilité de se consacrer sans réserve à la cause de la

vérité. C’est sa manière à elle de servir à la fois la dignité de l’homme

et la cause de l’Eglise, qui possède l’intime conviction que la vérité est

sa véritable alliée…» Ce qui caractérise l’université catholique, c’est

«sa libre recherche de toute la vérité relative à la nature, à l’homme et à

Dieu. Notre époque, en effet, souligne le pape, a un urgent besoin de cette

forme de service désintéressé qui consiste à proclamer le sens de la vérité, valeur fondamentale sans laquelle la liberté, la justice et la dignité

de l’homme sont étouffées».

Jean Paul II insiste à ce sujet sur la nécessité d’une réflexion sur la

signification des conquêtes scientifiques et technologiques. L’université

catholique, dit-il, «est spécialement appelée à répondre à cette dimension

morale, spirituelle et religieuse et d’évaluer les conquêtes de la science

et de la technique dans la perspective de la totalité de la personne humaine». Dans ce contexte, le pape appelle les universités catholiques à un renouvellement spirituel «autant parce qu’elle sont universités que parce

qu’elles sont catholiques», car c’est, en définitive, le sens même de

l’homme qui est en jeu. Ce renouvellement «exige donc d’avoir clairement

conscience que son caractère catholique rend l’université plus capable de

s’adonner à la recherche désintéressée de la vérité – recherche qui n’est

donc pas subordonnée ni conditionnée par des intérêts particuliers de quelque genre que ce soit.

Fidélité au message chrétien

La première partie (plus de la moitié du document) traite de l’identité

et de la mission de l’université catholique. Le pape désigne à ce propos

cinq caractéristiques essentielles: une inspiration chrétienne de la part

des individus, mais aussi de la communauté universitaire; une réflexion

continuelle, à la lumière de la foi, sur le trésor croissant de la connaissance; la fidélité au message chrétien tel qu’il est présenté par l’Eglise;

l’engagement institutionnel «au service du peuple de Dieu et de la famille

humaine dans leur itinéraire vers cet objctif transcendant qui donne son

sens à la vie».

L’université catholique, c’est «le lieu où les spécialistes examinent à

fond la réalité avec leurs propres méthodes dans les diverses disciplines»,

dont chacune est étudiée de façon systématique pour dialoguer avec les autres. La recherche comprend donc nécessairement, ajoute le pape, la poursuite de l’intégration de la connaissance, le dialogue entre la foi et la

raison, une préoccupation éthique et une perspective théologique. Dans ce

processus, la théologie joue un rôle important, dans la mesure où elle «apporte une contribution à toutes les autres disciplines dans leur recherche

d’une signification», tout en étant à son tour enrichie par cette interaction. D’où la nécessité pour toute université catholique de posséder une

Faculté où, au moins, une chaire de théologie.

Jean Paul II insiste sur le rapport, «essentiel à son identité institutionnelle», que l’université catholique maintient avec l’Eglise. De là dérive sa fidélité, «en tant qu’institution», au message chrétien, l’adhésion

au magistère de l’Eglise en matière de foi et de morale. La responsabilité

de promouvoir les universités catholiques, de les encourager et de les aider «à maintenir et à renforcer leur identité catholique» par rapport aux

autorités civiles, notamment, incombe aux évêques.

La Constitution fait droit à «la légitime autonomie de la culture humaine et en particulier des sciences», comme elle reconnaît «la liberté académique de chaque professeur dans la discipline de sa propre compétence, en

accord avec les méthodes et les principes de la science à laquelle elle se

réfère, dans les limites des exigences de la vérité et du bien commun». Cela vaut aussi pour la théologie qui, en tant que science, occupe une place

légitime à l’université. Les évêques, dit le pape, encouragent le travail

créatif des théologiens.

Des vérités qui dérangent

C’est à la lumière de ses caractéristiques et finalités spécifiques que

l’université catholique participe à la mission spécifique de toute université. Tout d’abord par son «indispensable contribution» à l’Eglise: former

des chrétiens mûrs et responsables, qui seront capables d’occuper des postes à responsabilité dans l’Eglise; de même, grâce à la recherche scientifique, aider l’Eglise à répondre aux problèmes et aux exigences du temps.

Fait également partie intégrante de cette mission spécifique, à côté de

la pastorale universitaire, du dialogue culturel et de l’évangélisation,

le service à rendre à la communauté humaine, par l’étude des graves problèmes de l’heure: la dignité de la vie humaine, la promotion de la justice,

la qualité de la vie personnelle et familiale, la protection de la nature,

la recherche de la paix, le partage plus équitable des ressources, un nouvel ordre économique et politique…

«La recherche universitaire, précise le document romain, sera orientée

vers l’étude en profondeur des racines et des causes des graves problèmes

de notre temps, en accordant une attention particulière à leurs dimensions

éthiques et religieuses. En l’occurence, l’université catholique devra

avoir le courage de dire des vérités qui dérangent, vérités qui ne flattent

pas l’opinion publique, mais qui sont nécessaires pour sauvegarder le bien

authentique de la société». Une priorité spécifique sera donnée à l’évolution des valeurs et normes dominantes de la culture moderne, ainsi qu’à «la

responsabilité de communiquer à la société d’aujourd’hui ces principes

éthiques et religieux qui donnent tout son sens à la vie humaine».

La seconde partie du document contient des normes générales, que

complètent des «normes transitoires».

L’article I indique que «ces normes générales sont basées sur le droit

canon, dont elles constituent le prolongement, et sur la législation complémentaire de l’Eglise, sans rien retirer du droit d’intervention du

Saint-Siège, lorsque cela s’avère nécessaire». Elles seront appliquées au

niveau local par les Conférences épiscopales. Chaque université catholique

est tenue d’y conformer ses statuts et de soumettre ceux-ci à l’approbation

de l’autorité ecclésiastique compétente.

L’article II précise la nature d’une université catholique. Celle-ci est

unie à l’Eglise «soit à travers un lien constitutif et statutaire formel,

soit en raison d’un engagement pris par ses responsables»; à moins d’en

être dispensée, elle manifestera son identité catholique propre par une déclaration de sa mission ou tout autre document public approprié. L’enseignement catholique et la discipline catholique «doivent influencer toutes

les activités de l’université, tout en respectant pleinement la liberté de

conscience de chaque personne», est-il précisé. De même, «une université

catholique possède l’autonomie nécessaire au développement de son identité

spécifique et à la poursuire de sa mission spécifique. La liberté de recherche et d’enseignement est reconnue et respectée selon les principes et

les méthodes propres à chaque discipline, en préservant toujours les droits

des individus et de la communauté, dans les limites de la vérité et du bien

commun».

Le respect de l’identité catholique exige le recrutement d’un personnel

disposé à promouvoir celle-ci. L’article IV précise que «tous les professeurs catholiques doivent accueillir fidèlement, et les autres professeurs

doivent respecter, la doctrine et la morale catholiques dans leur recherche

et leur enseignement». L’univerisité catholique doit «entretenir la communion avec l’Eglise universelle et avec le Saint-Siège, et être en communion

étroite avec l’Eglise particulière et spécialement avec les évêques diocésains de la région ou de la nation où elle est située. Pour en préserver le

bon fonctionnement, chaque évêque a le droit et le devoir de veiller à la

préservation et au renforcement de son caractère catholique. Si des difficultés surgissent, l’évêque local prendra les initiatives nécessaires, en

accord avec les autorités académiques compétentes, selon les procédures

établies, «et – si besoin était – avec l’aide du Saint-Siège.

L’article VII enourage la collaboration entre toutes les universités

catholiques, ainsi qu’entre celles-ci et les autres universités et institutions d’enseignement, tant privées que publiques. Il leur recommande de même de collaborer, lorsque cela est possible et en accord avec les principes

et la doctrine catholiques, aux projets des organisations nationales et internationales en faveur de la justice, du développement et du progrès.

Les normes transitoires fixent l’entrée en vigueur de la présente Consitution apostolique à la rentrée académique 1991. L’article IX stipule que

son application «est déférée à la Congrégation pour l’Education catholique,

à laquelle il reviendra d’établir et d’adopter les directives nécessaires à

cette fin». Il appartiendra à la même Congrégation, ajoute l’article X,

«quant le temps aura passé et que les circonstances l’exigeront, de proposer des changements à introduire dans la présente Constitution, afin que

celle-ci soit toujours adaptée aux nouvelles exigences des universités catholiques. (apic/cip/pr)

25 septembre 1990 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 7  min.
Partagez!