«Elaborer un ’livre blanc’, qui définirait les caractéristiques de l’école catholique»
Rome: Interview de Mgr Bruguès, secrétaire de la Congrégation pour l’éducation catholique
Rome, 18 février 2011 (Apic) Quelques jours après l’Assemblée plénière de son dicastère (7-9 février 2011), dans une interview accordée à l’agence I.MEDIA, le secrétaire de la Congrégation pour l’éducation catholique, le Français Mgr Jean-Louis Bruguès, évoque une «version moderne» des anciens petits séminaires et l’élaboration d’un «livre blanc», qui présenterait les défis et menaces que doit affronter l’école catholique dans le monde entier.
Question: Votre congrégation va bientôt publier un document sur Internet et la formation des séminaristes. Quel en est l’enjeu?
Mgr Bruguès: L’adoption de ce projet a été la décision la plus importante prise concernant les séminaires au cours de l’Assemblée plénière. Il s’agit d’abord d’accepter les aspects positifs de cette révolution. C’est un instrument, une technique, mais il ne faut pas que la technique domine la personne. Il y a toute une éducation à la maturité personnelle et à la liberté, qui doit conduire le séminariste, puis le prêtre, à considérer Internet comme un instrument et ne pas en devenir «addict», soit dépendant. Dans la formation dispensée au séminaire, il y aura une sensibilisation à Internet.
Question: Les petits séminaires pour la formation des adolescents ont-ils totalement disparu dans le monde?
Mgr Bruguès: Dans un certain nombre de pays, les anciens petits séminaires ont disparu. En même temps, nous voyons, un peu partout dans le monde, s’exprimer le besoin de former des jeunes, des adolescents qui, pour certains, pourraient un jour franchir la porte d’un séminaire. Il existe aussi des formations, qui ne sont pas la résurrection pure et simple des anciens petits séminaires. On constate cela dans plusieurs pays, comme au Mexique. Enfin, dans certains pays, la question ne se pose pas, compte tenu des scandales qui s’y sont produits. L’idée nous est aussi venue de rédiger un «livre blanc», que l’on mettrait à la disposition de tous. Je parle de la version moderne des anciens petits séminaires: faut-il développer par exemple des foyers de vocations, l’année propédeutique, des écoles d’adolescents qui se posent la question des vocations dans la société d’aujourd’hui?
Question: Quels sont les défis concernant les universités catholiques?
Mgr Bruguès: Pendant l’Assemblée plénière, nous nous sommes demandé comment une université catholique peut être une université – avec tout ce que cela suppose de diversité de l’enseignement et de recherche scientifique -, et se dire en même temps catholique. Nous voyons bien qu’il y existe une tension dans les universités catholiques du monde entier. Certaines, souvent prestigieuses, sont reconnues pour leurs compétences professionnelles et jouissent d’une bonne réputation. Elles ont parfois pu prendre une certaine distance critique vis-à-vis de l’Eglise ou de sa morale, au niveau de l’enseignement ou même dans les pratiques, comme par exemple en matière de bioéthique, dans des hôpitaux qui dépendent de l’université. D’un autre côté, des universités, souvent de création récente, mettent l’accent sur la dimension confessionnelle. Notre congrégation doit accompagner ce mouvement de synthèse entre ces deux aspects.
Question: D’aucuns regrettent que l’école catholique ne soit justement pas assez catholique. Est-ce le cas à vos yeux et dans quels pays en particulier?
Mgr Bruguès: Les écoles catholiques, ce sont 50 millions de jeunes et 250’000 établissements dans le monde entier. A partir des actes du Congrès international sur l’école dans le pluralisme culturel et religieux de mars 2008, nous souhaitons arriver à un texte qui définirait les caractéristiques de l’école catholique. Nous avons évoqué l’idée d’un «livre blanc» dressant un panorama mondial varié. En Amérique latine, par exemple, le danger existe que l’Etat veuille imposer ses vues aux écoles catholiques, pour des questions idéologiques. Dans des pays comme la France, l’interprétation drastique de la laïcité veut reporter l’adhésion à une religion au domaine privé. Au Québec, enfin, s’est imposée l’idéologie selon laquelle la religion confessée est un facteur de division sociale, peut-être de violence et en tout cas d’obscurantisme. Mais cette idéologie existe sur d’autres continents, comme en Europe, où il y a des lobbies qui cherchent à la promouvoir, notamment au Parlement européen. Pour aider l’école à se redéfinir dans sa spécificité catholique, il faut une proposition catéchétique, mais cela ne suffit pas. Je milite pour que, dans toutes les écoles catholiques, il y ait obligatoirement pour tous, quelle que soit la religion de la famille de l’enfant, une formation à la culture catholique. (apic/imedia/cp/nd)