Lausanne: Le 500ème anniversaire de Pierret Viret mobilise le canton de Vaud

Un réformateur au cœur des rapports entre l’Etat et la religion

Lausanne, 25 mars 2011 (Apic) Le 500e anniversaire de la naissance de Pierre Viret a débuté le 21 mars en présence des responsables du monde politique et de l’Eglise réformée du canton de Vaud. La suite du programme dédié à la vie du réformateur annonce une franche collaboration entre le canton et l’Eglise. Pourquoi pareil intérêt pour un réformateur quasi-absent du paysage des figures historiques du canton? Le point avec Antoine Reymond, coordinateur des manifestations qui vont durer jusqu’en novembre.

Pierre Viret est né à Orbe, dans le canton de Vaud, il y a 500 ans. Il a été un pilier de la réforme, aussi actif que Jean Calvin et Guillaume Farel. Pourquoi ne figure-t-il que par un bas-relief très discret sur le Mur des réformateurs à Genève? Pourquoi Lausanne ne lui a offert qu’un bas-relief sur un simple mur au pied de la cathédrale? A travers une série d’activités pour célébrer sa naissance, l’Eglise réformée, le canton et la commune de Lausanne sont déterminés à tirer le réformateur de l’oubli.

Cette semaine, les autorités politiques et religieuses ont coupé le ruban pour marquer l’aboutissement des travaux de restauration du mur de l’ancienne cure de la Madeleine, où le réformateur vécut jusqu’en 1544. La ville de Lausanne a pris en charge la facture évaluée à 290’000 francs. Le profil du réformateur et sa phrase restent toujours peu visibles. Mais le public aura désormais droit à un panneau qui porte ces mots dont le sens témoignent du patriotisme de Pierre Viret: «Si je dois souhaiter que Dieu soit glorifié entre les hommes, où dois-je désirer qu’il le soit plus et plus tôt qu’au pays de ma naissance?»

Pour les nombreuses autres activités, le canton a à son tour manifesté son intérêt pour le réformateur, notamment par l’octroi d’une enveloppe de 200’000 francs sur un total de 650’000 francs. Face à tous ces efforts, le pasteur Antoine Reymond, coordinateur des manifestations du 500ème anniversaire de Pierre Viret, ne cache pas sa satisfaction de voir tout le canton mobilisé pour redonner sa place au célèbre prédicateur. «Il a parcouru le pays de Vaud et a étendu son apostolat à Grandson, Payerne et Avenches. Ensemble avec d’autres réformateurs comme Guillaume Farel et Jean Calvin, il fit basculer le pays de Vaud dans la réforme après une victoire issue de la Dispute de Lausanne», indique le Lausannois, en précisant que les discussions de l’époque étaient centrées sur l’interprétation des Ecritures.

C’est sa volonté effrénée de comprendre librement la Bible qui lui attire des ennuis. Le courant entre leurs Excellences de Berne et Pierre Viret ne passe plus. Le réformateur souhaite une Eglise indépendante des institutions politiques mais placée sous la protection de l’Etat. Il demande de pouvoir examiner préalablement la foi et les mœurs de ceux qui se présentent à la communion, ce que refusent les autorités Bernoises, estimant que le contrôle leur revient. Il y aura aussi d’autres divergences qui vont détériorer ses relations avec le monde politique, surtout en matière de catéchisme et de liturgie. «Cela lui vaut la destitution de ses fonctions», analyse le pasteur Reymond, qui ajoute que Pierre Viret finit par s’installer à Genève. Malheureusement, même le bout du lac ne lui est pas favorable. Il s’exile à Nîmes en France, officiellement pour des raisons de santé.

La réforme de Viret, moteur du protestantisme vaudois

Après plusieurs années de travail comme professeur de théologie et de nombreuses responsabilités, il va à Lyon ou il préside en 1963 le Synode national des Eglises réformées de France. Expulsé de France, il y restera sous la protection de Jeanne d’Albret, reine de Navarre, favorable à l’implantation de la réforme protestante. «Il y meurt en en 1971 en laissant aux Vaudois la question que la société n’a jamais cessé de se poser», observe Antoine Reymond, qui constate que l’homme moderne s’interroge toujours sur le rapport entre le religieux et le politique. «Comme Pierre Viret, l’homme cherche aujourd’hui encore la réponse dans l’interprétation des Ecritures, ce qui suscite des malentendus parfois vifs», fait-il remarquer.

Pour le pasteur Reymond, il est aujourd’hui important de se pencher sur la pensée du réformateur. «L’actualité liée au débat sur la laïcité en Suisse comme ailleurs ne cesse de nous confronter à cette problématique qui est de nos jours loin d’être close. Nous voulons que Pierre Viret soit connu et reconnu», conclut-il, en considérant que les Vaudois sont aussi les fruits lointains du réformateur. Le pasteur rappelle que la réforme conçue par Pierre Viret est restée le moteur du protestantisme vaudois jusque dans les années 1940. DNG

Encadré:

Destiné à la prêtrise

Pierre Viret naît d’une famille d’artisans catholiques. Son père, Guillaume Viret, bourgeois d’Orbe, est tailleur et retondeur de drap. Les parents le destinent à la prêtrise. Après avoir effectué ses classes dans la région, il étudie au Collège de Montaigu à Paris. A la lecture des œuvres de Martin Luther, il entre en contact avec les idées de la Réformation. C’est Guillaume Farel qui va le convaincre de devenir prédicateur au moment de son retour à Orbe en 1530, après ses études. En 1537 il est enseignant à l’Académie de Lausanne (Schola Lausannensis), actuelle Université de Lausanne, où il prend la place de premier pasteur.

Le 500ème anniversaire donnera lieu à la publication de deux ouvrages importants:

– «Calvinism’s First Battleground. Conflict and Reform in the Pays de Vaud, 1528 – 1559» de Michael W. Bruenning, (Springer, 2005) Traduction française en cours sous le titre «Le premier champ de bataille du Calvinisme», aux Editions Antipodes.

– «La Cathédrale Notre Dame de Lausanne: Monument européen et temple vaudois». Editeur: Bibliothèque des Arts, Lausanne, Sous la Direction du Prof. P. Kurmann. Parution prévue en septembre 2012.

Plus d’information : www.vd.ch/fr/themes/culture/evenements/annee-pierre-viret/

(apic/dng/bb)

25 mars 2011 | 17:07
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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