«On ne jette des pierres qu’à l’arbre chargé de fruits»

Mgr Jean-Claude Périsset, nonce apostolique à Berlin, sur la visite du pape en Allemagne

Traduction et adaptation Maurice Page agence Apic
Berlin, 22 août 2011 (Apic) Un mois avant la 1ere visite officielle du pape Benoît XVI en Allemagne, Mgr Jean-Claude Périsset, nonce apostolique à Berlin se montre confiant quant au succès de ce voyage et à la situation de l’Eglise catholique dans le pays.

Dans une interview à l’agence de presse catholique KNA, l’archevêque suisse, originaire d’Estavayer-le-Lac, défend la présence et le discours du pape au Bundestag, la chambre basse du parlement allemand.

Après les Journées mondiales de la jeunesse à Cologne en 2005 et un voyage dans sa Bavière natale en 2006, Benoît XVI fera une première visite officielle en Allemagne. Que cela signifie-t-il ?

Mgr Jean-Claude Périsset: La désignation «visite officielle» touche les relations diplomatiques. Comme 179 autres Etats dans le monde, l’Allemagne entretient des relations diplomatiques le chef de l’Eglise catholique c’est-à-dire avec le Saint-Siège. Ce caractère officiel s’exprime dans le fait que le pape, en tant que chef de l’Eglise universelle, rendra visite au président fédéral, au parlement et au gouvernement ainsi qu’à la Cour constitutionnelle fédérale, qui sont les plus hauts organes de l’Etat.

Des voix s’élèvent pourtant pour critiquer son intervention au Parlement, car le chef d’une Eglise ne devrait pas s’exprimer dans ce forum.

Mgr J.-Cl. P.: Il faut savoir deux choses. Premièrement c’est bien le Bundestag qui a invité le pape et il n’y pas été forcé. Deuxièmement les relations diplomatiques sont établies avec le Saint-Siège c’est-à-dire l’organe qui dirige l’Eglise universelle et non pas avec la cité de l’Etat du Vatican. Ce statut particulier est un cadeau de l’histoire et donne la possibilité unique pour le pape de représenter, au niveau des Etats et des organisations internationales, un héritage déterminé de valeurs. Si d’autres chefs religieux avaient des relations diplomatiques avec les Etats, ils bénéficieraient de cette même possibilité.

Etes-vous inquiet face aux manifestations de protestations annoncées ?

Mgr J.-Cl. P.: Les gens ont le droit de manifester, c’est pourquoi je suis opposé à une interdiction. Je souhaiterais qu’ils n’insultent pas les valeurs religieuses des autres, mais respectent le fait que l’Eglise catholique croit autre chose. Nous exigeons exactement le même respect que l’on porterait à un autre responsable religieux ou politique. Ce n’est pas inutilement que l’usage international veut qu’un Etat hôte traite les insultes, le manque de respect ou l’atteinte à un chef d’Etat étranger avec exactement la même rigueur que s’il s’agissait d’action contre ses propres autorités.

Lorsque vous êtes arrivé en Allemagne, vous aviez déclaré que l’Eglise y était très vivante. Voyez-vous la chose autrement après les récentes crises ?

Mgr J.-Cl. P.: En tout cas, les débats après l’affaire Williamson, les scandales d’abus sexuels et aujourd’hui autour du processus de dialogue engagé au sein de l’Eglise, montrent combien l’Eglise est vivante en Allemagne. La critique envers l’Eglise est aussi un signe positif. En Suisse romande, d’où je viens, un proverbe dit: «On ne jette des pierres qu’à l’arbre chargé de fruits.» Il en est exactement ainsi avec l’Eglise. Ce n’est que parce qu’elle est vivante et apporte quelque chose qu’elle s’attire la critique. A travers chaque critique, la société remarque combien l’Eglise est importante pour elle.

Jusqu’à quel point le pape connaît-il vraiment l’évolution de l’Eglise en Allemagne ?

Mgr J.-Cl. P.: Il est beaucoup mieux informé que certains ne le pensent. Outre les rapports de la nonciature, il a de nombreux contacts personnels, notamment avec les évêques qui lui rendent visite. Il a aussi d’autres sources d’information comme la presse allemande et beaucoup de conversations.

Le nombre élevé de personnes annoncées pour la messe du pape à Berlin vous a-t-il surpris ? On dit même que le Stade olympique serait trop petit ?

Mgr J.-Cl. P.: J’ai toujours compté avec une très grande foule. Le fait que beaucoup de catholiques d’autres Länder et de l’étranger viennent à la messe du pape à Berlin est un signal positif de l’unité de l’Allemagne. Il montre aussi que Berlin n’est pas une ville païenne comme certains les disent, mais que l’Eglise est dans la capitale et que sa présence est acceptée.

Après Berlin, le pape visitera Erfurt et Fribourg-en-Brisgau. Quels en seront les points forts ?

Mgr J.-Cl. P.: Ce programme de voyage, montre que le pape visite toute l’Allemagne réunifiée : la capitale, puis un diocèse de l’ancienne RDA et enfin l’ouest avec Fribourg. Dans le diocèse d’Erfurt, l’Eglise a préservé sa foi sous la dictature. Il s’y trouvait le seul grand séminaire que précisément le professeur Joseph Ratzinger a visité à l’époque de la RDA.

A Erfurt et à Eichsfeld, Benoît XVI veut remercier et encourager les catholiques qui ont gardé leur fidélité à l’Eglise. Il faut aussi souligner la rencontre avec l’Eglise évangélique dans le couvent même des Augustins d’Erfurt où vécu Martin Luther lorsqu’il était moine. Ne peut-on pas y voir un signe d’espérance pour une prochaine réconciliation des Eglises en Occident ? L’espérance est une vertu théologale !

A Fribourg, à côté du président de la Conférence épiscopale, il rencontrera un maire Vert et le premier Ministre-Président Vert d’Allemagne !

Mgr J.-Cl. P.: Lorsque Dieu a crée le monde, il l’a fait avec toutes les couleurs. C’est comme un arc-en-ciel. Pour l’Eglise, que l’on soit rouge, jaune ou vert n’a pas d’importance. Il ne s’agit pas de partis, mais de valeurs, d’une foi à proclamer. Et il y a aussi des catholiques chez les Verts.

Quelle est pour le pape l’aspect le plus important de sa visite ?

Mgr J.-Cl. P.: Benoît XVI veut donner à l’Eglise d’Allemagne espérance et force pour la nouvelle évangélisation. L’Eglise doit proclamer le message du Christ, sans contrainte, comme une offre. Si les hommes écoutent et répondent c’est leur affaire. Le pape veut encourager l’Eglise à remplir cette tâche. Je suis confiant qu’il y réussira parce qu’il a de bons collaborateurs ici et à Rome et que l’Esprit-Saint l’aidera. En Allemagne, il pourra en outre se faire comprendre dans sa propre langue sans besoin d’un interprète.

Avis aux rédactions : des photos sont disponibles auprès de KNA-Bild : www.kna-bild.de

(apic/kna/Ludwig Ring-Eifel/Albert Steuer/mp)

22 août 2011 | 15:19
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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