Egypte: L’Eglise protestante d’Alexandrie, une page d’histoire suisse et un petit coin d’Afrique
Louer le Seigneur au son des tamtams
Alexandrie, 1er octobre 2011 (Apic) L’Eglise protestante d’Alexandrie, vieille de plus d’un siècle et demi, est une véritable page d’histoire suisse en terres égyptiennes. C’est aussi un petit coin d’Afrique noire. Financée par «DM-échange et mission», le service de mission des Eglises protestantes de Suisse romande, elle accueille aujourd’hui dans ses murs des paroissiens venus du Burkina Faso, de Centrafrique, du Congo, du Cameroun et du Bénin. Visite guidée.
Malgré son haut clocher, l’église paraît toute petite au milieu des immeubles. A quelques mètres seulement du front de mer, elle ouvre ses portes sur la rue Abaas Mahmoud el Akkab, juste en face de l’imposant building de l’Université francophone internationale Senghor. Un kiosque, débordant sous le papier brillant de ses marchandises, et une petit guérite, abandonnée par son policier, se sont greffés sur le mur d’enceinte gris.
Derrière la solide grille de métal et la lourde porte de bois, un baptistère de marbre et des armoires remplies de bibles anciennes en allemand et en français. Vestiges d’un passé lointain que seules Ella, Elise, Noémie et Rose évoquent encore. «A l’époque, il y avait près d’une centaine de paroissiens dans l’église», racontent les quatre femmes, d’origine suisse (ou autrichienne). C’était la grande période du coton à Alexandrie. Commerçants, ingénieurs et industriels affluaient de toute l’Europe.
L’édifice fût longtemps plus qu’une église…
Profondément remanié sous l’impulsion des pasteurs précédents, l’édifice comprend aujourd’hui deux étages. Au rez-de-chaussée, deux salles de classes, vides. Des tables rangées dans un coin, une carte du monde contre le mur. C’est ici que dans les années nonante, les enfants des réfugiés soudanais recevaient des cours d’anglais, de religion, de sciences sociales et de sciences naturelles. Depuis, les écoliers ont suivi leurs parents sur les chemins de l’exile. «L’enseignement devait leur permettre de mieux s’intégrer dans leur pays d’accueil. Sans papier, ils n’avaient pas le droit d’entrer dans des écoles égyptiennes», relate Samuel Majak, ancien professeur d’anglais et actuel pasteur de la communauté soudanaise.
Aujourd’hui une nouvelle patrie spirituelle
Au deuxième étage, en haut du grand escalier, le cœur de l’église, très dépouillé avec ses murs blancs et sa croix de bois. Le grand orgue au fond de la salle est aujourd’hui muet. «Il est abîmé. De toute façon, plus personne ici ne sait en jouer», témoigne Daniel Konan, pasteur de l’Eglise évangélique francophone du Caire et de l’Eglise protestante d’Alexandrie. Cela ne semble pas déranger les paroissiens réunis au premier rang: Jacob, Thaï, Willy, Christian et Diluce préfèrent louer le Seigneur au son des tamtams.
Les étudiants de l’Université Senghor ont trouvé dans les murs de la vieille église une nouvelle patrie spirituelle. «Quand je suis arrivé à Alexandrie au début, à tout moment je rêvais du Congo. Entrer dans cette communauté m’a enlevé l’absence du pays», confie Willy. Pour le pasteur Konan, ce n’est pas par hasard que «les portes de l’église s’ouvrent sur l’Université. Dieu vous tend la main, vous ouvre les bras.»
Vaincue par l’âge, les dernières «Suissesses» de la communauté protestante ont renoncé à se déplacer pour le culte. Mais l’Eglise protestante d’Alexandrie n’est pas morte. Elle résonne aujourd’hui des accents d’une nouvelle francophonie, une francophonie africaine.
Encadré:
Fondée en 1856 par des immigrés européens sous la protection du Consulat de Prusse, l’Eglise protestante d’Alexandrie a d’abord eu un pasteur allemand. Dès 1896, nombre de pasteurs suisses se sont relayés à la tête de la communauté, devenue alors francophone. Aujourd’hui, c’est le pasteur Daniel Konan, originaire de Côte d’Ivoire, qui célèbre le culte à la rue Abaas Mahmoud el Akkab. «Lors du départ de Christian Mairhofer (prédécesseur de Daniel Konan), nous n’avons pas trouvé de pasteur suisse acceptant de reprendre le poste d’Alexandrie, aujourd’hui lié à celui du Caire. Le pasteur Konan est membre de l’Eglise méthodiste unie de Côte d’Ivoire, avec laquelle nous entretenons des liens. Lorsqu’il était étudiant au Caire, il faisait partie de cette paroisse. D’autre part, il est formé au dialogue islamo-chrétien, ce qui pour nous est important», remarque Jacques Küng, secrétaire général de «DM-échange et mission».
Depuis quelques années, l’Eglise protestante d’Alexandrie – et sa sœur, l’Eglise évangélique du Caire – ont amorcé un virage important. Auparavant, elles rassemblaient essentiellement quelques familles européennes célébrant le culte en français. Aujourd’hui, elles se sont ouvertes aux migrants et surtout aux étudiants d’Afrique sub-saharienne. Désireux d’honorer une page d’histoire suisse et de soutenir les communautés chrétiennes en Egypte, «DM-échange et mission» a choisi de poursuivre son financement. «Nous voulons également offrir un accompagnement pastoral à ces étudiants, un lieu pour vivre leurs convictions et leur spiritualité. Il nous tient à cœur que les communautés d’Alexandrie et du Caire ne soient pas repliées sur elles-mêmes, mais ouvertes aux autres Eglises protestantes, en Egypte et plus largement en Afrique», déclare Jacques Küng. (apic/amc)




