Venezuela: Ismaël et les saints voyous, le dernier espoir des pauvres de Caracas
Au coeur de la violence, les derniers saints sont armés
Caracas, 2 octobre 2011 (Apic) Dans les rues de Caracas, les Vénézuéliens prient un nouveau saint. Ismaël, le «bon voyou» tué par un «mauvais flic» revient chercher la rédemption en aidant aussi bien les criminels que les victimes, indique le quotidien britannique «The Guardian» dans son édition du 30 septembre 2011.
Le nouveau saint du Venezuela est tout sauf vertueux. La preuve? Il porte des pistolets à sa ceinture. Ismaël et ses saints voyous font partie du culte de Maria Lionza, une religion qui croit en la coexistence des morts et des vivants. Ce curieux mélange de spiritisme et de culte du héros a sa propre iconographie: ici, point de rosaire ni d’auréole, les figurines tape-à-l’œil sont coiffées de casquettes de baseball et fument des cigarettes.
14’000 meurtres par année
D’après l’anthropologue Daisy Barreto de l’Université centrale du Venezuela, les saints voyous – Santos Malandros – ont commencé à gagner des croyants après les «Caracazo», ces trois jours d’émeutes qui ont dévastés les rues de Caracas en 1989 et menacé de renverser la plus vieille démocratie de la région. «Contrairement au catholicisme, le culte de Maria Lionza n’est pas statique. Il incorpore continuellement de nouveaux ’saints’ qui reflètent la situation du pays», souligne la chercheuse.
Or la situation du pays n’est pas bonne. Chaque lundi, les habitants de Caracas découvrent le lugubre décompte des morts du week-end. Dans le pays, on compte en moyenne 14’000 meurtres par année. Les Vénézuéliens en viennent à plaisanter, prétendant qu’il serait plus sûr de vivre à Bagdad.
Ismaël aide le criminel comme la victime
Criminels comme victimes recherchent la protection d’Ismaël. «En un jour, je peux recevoir une mère qui veut qu’Ismaël détourne son fils de la drogue ou du crime et un garçon qui veut qu’Ismaël l’aide à trouver un flingue», confie Santiago Rondon, un prêtre du culte. Et d’ajouter: «Ismaël était un voyou mais ce n’était pas un mauvais voyou. Il volait pour donner aux autres, jamais pour lui, ce qui lui donne la possibilité de se connecter avec les deux côtés.»
Pour Ricardo Bolivar, chef du quartier de Guarataro, un des plus pauvres et dangereux de Caracas, il n’est pas étonnant que les gens se tournent vers Ismaël: «Il peut répondre à nos prières parce qu’il a marché dans les mêmes rues que nous. Il connaît nos vie, ce dont nous souffrons.» Selon lui, les gens se tournent vers Ismaël quand la loi et les structures de l’Etat n’ont plus aucune influence, quand chacun est forcé de s’en sortir par ses propres moyens. (apic/theguardian/amc)