Bernard Miserez

Cher Thomas,

Tu as sans doute été le premier à entendre l’incroyable nouvelle de la part des disciples. Déboussolés après la mort tragique de leur Maître, ils se sont enfermés, à leur tour, dans le tombeau de la peur. La mort les a saisis. Les voilà dans l’abîme. Soudain, comme par effraction, Jésus, le Seigneur se tint au milieu d’eux. Mais, ce jour-là, tu n’étais pas là, Thomas, occupé à d’autres choses. D’ailleurs, comment se fait-il que le Ressuscité n’ait pas attendu le moment propice pour se montrer vivant à ses disciples rassemblés?

Cette visite de Jésus auprès de tes amis ne semble pas t’émouvoir. D’accord, tu n’étais pas là, mais leur joie et leur enthousiasme n’ont eu aucun impact sur toi. Le deuil de ton Maître est trop douloureux. N’est-ce pas toi qui incitait tes amis à suivre Jésus dans ce lieu risqué de Béthanie, au moment de la mort de Lazare, en leur disant: «Allons et mourrons avec lui!» Normal que tu résistes à cette annonce bouleversante.  Elle n’est pas recevable comme ça. C’est presque trop beau, trop facile. Une «happy end» qui console tout le monde. «Non, je ne croirai pas si je ne mets pas la main dans son côté et mon doigt dans la marque des clous.» lanceras-tu à tes amis.

Ils auront beau te dire avec tous les mots de la terre ce qu’ils ont vu, te décrire sûrement les détails de cette rencontre avec le Ressuscité, rien n’y fera. Je te comprends, Thomas. L’imagination collective, les hallucinations post traumatiques créent parfois des sortes de revers illusoires au malheur non consenti. Et une semaine, c’est long quand les autres disciples, tes amis, tentent de te partager l’inexprimable avec autant de conviction.

«La foi au Ressuscité ne nous fera jamais vivre dans un monde sans souffrance»

Au fond de toi, Thomas, ce n’est pas tant le Ressuscité que tu cherches à voir. C’est plutôt le Crucifié, Celui qui portes les traces de la Passion, ressuscité. Si c’est vraiment Lui le Crucifié qui est ressuscité, alors, tout change. Tout s’éclaire. Si c’est le Crucifié qui est ressuscité, alors Dieu a quelque chose à dire sur la souffrance, non pas avec des mots, mais en manifestant par son silence et sa présence sa victoire sur le mystère du mal.

N’est-ce pas cela, la question la plus redoutable? Si Dieu existe vraiment, pourquoi n’agit-il pas contre le mal? Et les guerres, les cancers, les horreurs? La voilà, la question de Thomas. La foi en Dieu n’est pas une échappée mystique qui ferait de nous des résignés aguerris. La foi au Ressuscité ne nous fera jamais vivre dans un monde sans souffrance. Thomas, tu nous ouvres le chemin et, obstiné comme tu es, tu nous apprends à croire que Dieu aime tellement l’homme qu’il a consenti à être, en Son Fils, victime jusqu’au bout de l’injustice et du mépris pour nous dire sa puissance sur le mal. La victoire de Pâques nous dit la compassion de Dieu qui n’est vaincue par aucune mort. Ce monde meurtri par la violence provoque au contraire la foi. Devant ce mystère du mal assumé totalement par Dieu et manifesté dans la Résurrection de Jésus, nous aimerions crier comme toi, Thomas. «Mon Seigneur et mon Dieu!» «Parce que tu as vu, tu crois» te dira Jésus en ajoutant cette seule béatitude que l’on croise dans l’Évangile de Jean: «Heureux ceux qui croient sans voir vu!»

Merci Thomas! Tu nous fais vivre de Pâques.

Bernard Miserez | Vendredi 14 avril 2023


Jn 20, 19-31

C’était après la mort de Jésus.

        Le soir venu, en ce premier jour de la semaine,

alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples

étaient verrouillées par crainte des Juifs,

Jésus vint, et il était là au milieu d’eux.

Il leur dit :

« La paix soit avec vous ! »

    Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté.

Les disciples furent remplis de joie

en voyant le Seigneur.

    Jésus leur dit de nouveau :

« La paix soit avec vous !

De même que le Père m’a envoyé,

moi aussi, je vous envoie. »

    Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux

et il leur dit :

« Recevez l’Esprit Saint.

    À qui vous remettrez ses péchés,

ils seront remis ;

à qui vous maintiendrez ses péchés,

ils seront maintenus. »

    Or, l’un des Douze, Thomas,

appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau),

n’était pas avec eux quand Jésus était venu.

    Les autres disciples lui disaient :

« Nous avons vu le Seigneur ! »

Mais il leur déclara :

« Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous,

si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous,

si je ne mets pas la main dans son côté,

non, je ne croirai pas ! »

    Huit jours plus tard,

les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison,

et Thomas était avec eux.

Jésus vient,

alors que les portes étaient verrouillées,

et il était là au milieu d’eux.

Il dit :

 « La paix soit avec vous ! »

    Puis il dit à Thomas :

« Avance ton doigt ici, et vois mes mains ;

avance ta main, et mets-la dans mon côté :

cesse d’être incrédule,

sois croyant. »

    Alors Thomas lui dit :

« Mon Seigneur et mon Dieu ! »

    Jésus lui dit :

« Parce que tu m’as vu, tu crois.

Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »

    Il y a encore beaucoup d’autres signes

que Jésus a faits en présence des disciples

et qui ne sont pas écrits dans ce livre.

    Mais ceux-là ont été écrits

pour que vous croyiez

que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu,

et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom.

L'incrédulité de saint Thomas par Le Caravage (1603) | © sdlary/Flickr/CC BY-NC 2.0
14 avril 2023 | 17:00
par Bernard Miserez
Temps de lecture: env. 4 min.
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