Jean-Jacques Friboulet

Economie privée et bien commun: un antagonisme à dépasser

L’économie privée s’intéresse aux biens marchands qui sont appropriables comme les voitures. Elle considère que le bien commun, c’est-à-dire l’ensemble des biens qui appartiennent à la fois à tous et à chacun comme la paix, la langue ou le climat ne la regarde pas mais qu’il est le fait du politique donc de l’Etat.

Certes le bien commun contrevient à deux règles fondamentales de la propriété privée. Sa consommation par l’un ne diminue pas celle de l’autre. Si j’utilise une langue, je ne diminue pas son usage par mon voisin, au contraire je l’enrichis. Idem pour l’éducation personnelle qui profite à tous ou pour les soins de santé primaire. Un deuxième caractère conforte le sens du mot commun. Dans une société donnée, tous et toutes doivent y avoir accès. Cette généralisation de l’accès aux biens dits communs est garantie par la Constitution.

«Les entreprises ne peuvent prétériter volontairement le bien commun»

Mais cette exclusion du bien commun du champ de l’activité privée est erronée. Les entreprises comme tout un chacun bénéficient du bien commun. Elles profitent de la paix assurée par la police et l’armée, de l’éducation assurée par les écoles ou des services publics de justice. Elles profiteraient également de la stabilité du climat, si elle pouvait être établie. Elles y contribuent donc par leurs impôts. Mais cette contribution ne suffit pas. Comme tout citoyen, les entreprises ne peuvent prétériter volontairement le bien commun.

Deux exemples récents sont illustratifs à cet égard. Le premier concerne les ventes d’armes. Par une nouvelle ordonnance, le Conseil fédéral a autorisé les ventes d’armes aux pays en conflit. Cette nouvelle autorisation a fait réagir à juste titre le Conseil national. Vendre des armes à des pays en conflit c’est saper la paix, qui est une composante essentielle du bien commun. Que deviennent alors la réputation de neutralité de la Suisse et le crédit accordé à l’étranger à sa tradition humanitaire? Ils sont mis en cause. Il n’est pas possible de saboter la paix en armant les belligérants. Certes, la Suisse l’a fait pendant la seconde guerre mondiale, mais elle était alors sous la menace de l’Allemagne nazie.

«Il faut multiplier par 5 nos investissements dans les énergies renouvelables»

Le deuxième exemple est le réchauffement climatique. Dans ce domaine, il est vain d’attendre de la Confédération des mesures qui s’opposeraient fortement aux intérêts de l’économie privée. Celle-ci est face, comme chaque citoyen, à ses responsabilités. Le dernier rapport du GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur le changement climatique), publié ces jours, insiste fortement sur ce point. Pour stabiliser la hausse des températures à 1°5 à la fin du siècle, il faut multiplier nos investissements dans les énergies renouvelables par 5 par rapport à ce qui se fait aujourd’hui. Comment imaginer que cela puisse se faire sans que l’économie privée y contribue fortement? Il faut plafonner nos émissions de gaz à effet de serre dès 2020 et les réduire de 80% d’ici 20 ans. Outre la pollution des sols, de l’air et de l’eau, le réchauffement menace directement notre pays à travers la diminution des ressources en eau potable et les chaleurs excessives pour l’activité agricole.

Notre planète et son climat sont notre bien commun. Si nous ne les protégeons pas alors que nous savons, nous sommes coresponsables de non-assistance à planète en danger. En tant que bénéficiaire de ce bien, nous devons agir. En rencontrant plusieurs chefs d’entreprise, j’ai été frappé de leur sensibilisation à la numérisation de notre société. Ils investissent beaucoup dans ce domaine. Ils doivent faire le même effort pour le climat.

Jean-Jacques Friboulet

10 octobre 2018

Le climat fait partie du bien commun | © KarinKarin2/Flickr/CC BY 2.0
9 octobre 2018 | 14:31
par Jean-Jacques Friboulet
Temps de lecture: env. 2 min.
Partagez!