Sœur Anne-Sophie

Évangile de dimanche: À l’image du Fruit il les créa

«Demeurez en moi comme je demeure en vous; hors de moi vous ne pouvez rien faire». Voilà, si j’ose dire, un programme pas très tendance… Notre temps a la bougeotte et préfère le mouvement au «demeurer». Il préfère aussi l’autonomie et l’indépendance et se méfie farouchement de toute emprise et intrusion dans la sacro-sainte sphère privée. À juste titre souvent.

Mais s’agit-il de cela dans la jolie allégorie de la vigne dont se sert Jésus pour signifier notre relation à Dieu? Non. Peut-être n’y avez-vous d’ailleurs jamais pensé. Et pour cause. La force d’une image, son pouvoir, c’est de toucher plus profond que notre épiderme, que nos psychologies et que nos conceptions intellectuelles. L’image allégorique atteint en nous l’image originelle: l’image de Dieu selon laquelle nous avons été créés et que nous sommes appelés à devenir. Elle touche à ce pour quoi nous avons été faits.

«La vigne nous dit de ce pour quoi nous avons été faits: porter du fruit»

Or voilà ce que l’image de la vigne nous dit de ce pour quoi nous avons été faits: porter du fruit. C’est dans ce but que nous sommes reliés à Jésus comme le sarment au cep, que nous demeurons dans un lien de dépendance à lui, que nous laissons son Père, le vigneron, nous émonder, que nous devenons canal par lequel la sève du Christ peut nous traverser. Quand nous recevons au fond de nous la force d’évocation de cette image, nous découvrons qu’elle rejoint notre aspiration humaine et chrétienne la plus vitale, la plus désirable: être reliés à ce qui nous engendre afin d’engendrer à notre tour.

Dans le premier testament, la vigne du Seigneur c’est Israël. Dieu prend soin d’elle mais son fruit déçoit, au point qu’il menace de l’abandonner. «J’attendais de beaux raisins, pourquoi en a-t-elle donné de mauvais?» (Is 5,4). Le bon fruit que Dieu attend de son peuple c’est le fruit de l’alliance qu’il a scellée avec lui. Il est donné quand Dieu et l’homme œuvrent de concert. Peut-être était-ce cela que garantissait le fameux fruit à ne pas prendre dans le jardin de la Genèse: la vie commune du Créateur et de ses créatures, un fruit à porter ensemble bien que tout entier donné d’avance. Fructifier n’est-il pas le premier appel que Dieu a adressé à sa créature?

«Jésus se présente comme la vraie vigne… C’est ainsi que le désigne Élisabeth quand Marie la visite: ‘Béni le fruit…’»

Dans le contexte de la vigne décevante qu’est Israël, Jésus se présente comme la vraie vigne parce qu’il est celui qui demeure dans le Père et ne fait rien sans lui. Il est toute disponibilité à l’amour du Père qui œuvre en lui et par lui. Mais il est surtout le vrai fruit. C’est ainsi que le désigne Élisabeth quand Marie la visite: «Béni le fruit de tes entrailles». C’est ainsi qu’il apparaît aussi suspendu à la croix, comme fruit à l’arbre, réalisant par le don de lui-même cette alliance éternelle qui rétablit l’image de Dieu en l’homme.  

La force d’une image est toute d’évocation. Mais quand l’image devient Parole de Dieu dans la bouche même de celui qui est le Verbe de Dieu, elle réalise ce qu’elle signifie. Et quand dans le sacrement de l’Eucharistie nous buvons au fruit de la vigne se réalise pour nous la communion à Celui qui demeure en nous. Nous pouvons alors tout faire en lui.

Sr Anne-Sophie Porret OP | Vendredi 26 avril 2024


Jn 15, 1-8

En ce temps-là,
Jésus disait à ses disciples :
« Moi, je suis la vraie vigne,
et mon Père est le vigneron.
Tout sarment qui est en moi,
mais qui ne porte pas de fruit,
mon Père l’enlève ;
tout sarment qui porte du fruit,
il le purifie en le taillant,
pour qu’il en porte davantage.
Mais vous, déjà vous voici purifiés
grâce à la parole que je vous ai dite.
Demeurez en moi, comme moi en vous.
De même que le sarment
ne peut pas porter de fruit par lui-même
s’il ne demeure pas sur la vigne,
de même vous non plus,
si vous ne demeurez pas en moi.

Moi, je suis la vigne,
et vous, les sarments.
Celui qui demeure en moi
et en qui je demeure,
celui-là porte beaucoup de fruit,
car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire.
Si quelqu’un ne demeure pas en moi,
il est, comme le sarment, jeté dehors,
et il se dessèche.
Les sarments secs, on les ramasse,
on les jette au feu, et ils brûlent.
Si vous demeurez en moi,
et que mes paroles demeurent en vous,
demandez tout ce que vous voulez,
et cela se réalisera pour vous.
Ce qui fait la gloire de mon Père,
c’est que vous portiez beaucoup de fruit
et que vous soyez pour moi des disciples. »

«Tout sarment qui porte du fruit, il le purifie en le taillant, pour qu’il en porte davantage.» | © Flickr/chb1848/CC BY-SA 2.0
26 avril 2024 | 17:00
par Sœur Anne-Sophie
Temps de lecture: env. 3 min.
Partagez!