
Évangile de dimanche: du Cœur au cœur
C’est connu, les dialogues dans l’évangile de Jean ressemblent parfois à des dialogues de sourds entre Jésus et ses interlocuteurs. Pensons à Nicodème, à la Samaritaine, à Pilate même. Ils lui posent des questions et Jésus semble répondre à côté.
Déroutant n’est-ce pas? Est-ce une raison pour supprimer les questions? Non.
C’est pourtant ce que fait notre lectionnaire pour l’évangile de ce dimanche. En effet, notre passage est immédiatement précédé d’une question de l’apôtre Jude, qu’hélas, nous n’entendrons pas dans la liturgie: «Seigneur, comment se peut-il que tu doives te manifester à nous et non pas au monde?»
«Par Jésus, Dieu se révèle être une intimité qui se communique»
La question n’est pas simplement rhétorique. Elle est au contraire très utile pour comprendre la réponse. Elle nous en donne la clé. Jude s’étonne d’une manifestation quasi privée et non publique. Peut-être qu’il sent la tension monter entre les autorités religieuses et Jésus. La passion est toute proche. Ce serait plus prudent que Jésus se manifeste par les voies officielles de la religion, non?
En réalité, c’est impossible. En Jésus, et par lui, Dieu se révèle être une intimité qui se communique. Or, le «monde» n’a pas d’intimité. Seules les personnes ont une intimité, un cœur, une conscience, une âme. Dieu s’est révélé d’abord à un peuple avec qui il a scellé une alliance, au milieu duquel il demeure par la présence de la loi et du culte. Mais en Jésus, la proximité de Dieu à ses enfants fait un pas de géant: il les rejoint à l’intime de leur être personnel. Il y demeure, selon le mot si cher à l’évangéliste Jean.
«Se communiquer de personne à personne, c’est l’essence même de Dieu»
Se communiquer de personne à personne, c’est l’essence même de Dieu. Il n’est en effet que relation interpersonnelle entre le Père, le Fils et l’Esprit-Saint dans un mouvement incessant d’amour qui réalise l’union des Personnes entre elles. Il est ce «Dieu qui se danse parmi» selon l’expression d’un prédicateur traduisant ainsi plaisamment le terme théologique de «périchorèse» ou «circumincession». Et nous sommes invités à la danse!
Mais pour que cela soit possible, il y faut au moins, de notre côté, une toute petite brèche ouverte à l’amour: «Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole; mon Père l’aimera, nous viendrons (…) chez lui». Cette ouverture est la condition de possibilité de la venue de Dieu en nous et elle n’est pas qu’une histoire de sentiment.
«D’emblée, l’amour engage à garder la parole de Jésus qui nous transmet celle du Père»
D’emblée l’amour engage à garder la parole de Jésus qui nous transmet celle du Père. C’est par cette parole, le Verbe, que nous touchons à l’intimité de Dieu. C’est l’Esprit du Verbe que cette parole nous enseigne et qui nous maintient dans la mémoire de Jésus.
Comme Jude a bien fait de poser sa question. Certes la réponse reçue l’aura bien dérouté. Pourvu qu’elle l’ait déplacé, projeté à l’intérieur de lui-même où Dieu se manifeste. Ainsi débarrassé du souci des circonstances humaines de la manifestation de Jésus, il pourra goûter cette paix qui n’est pas celle du monde. Avec lui, ne pensons pas l’annonce de l’Évangile à notre monde qui en partie l’ignore, sans ce déplacement vers notre propre cœur et de là vers le Cœur de notre cœur: la Trinité.
Sr Anne-Sophie Porret OP | Vendredi 23 mai 2025
Jn 14, 23-29
En ce temps-là,
Jésus disait à ses disciples :
« Si quelqu’un m’aime,
il gardera ma parole ;
mon Père l’aimera,
nous viendrons vers lui
et, chez lui, nous nous ferons une demeure.
Celui qui ne m’aime pas
ne garde pas mes paroles.
Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi :
elle est du Père, qui m’a envoyé.
Je vous parle ainsi,
tant que je demeure avec vous ;
mais le Défenseur,
l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom,
lui, vous enseignera tout,
et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.
Je vous laisse la paix,
je vous donne ma paix ;
ce n’est pas à la manière du monde
que je vous la donne.
Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé.
Vous avez entendu ce que je vous ai dit :
Je m’en vais,
et je reviens vers vous.
Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie
puisque je pars vers le Père,
car le Père est plus grand que moi.
Je vous ai dit ces choses maintenant,
avant qu’elles n’arrivent ;
ainsi, lorsqu’elles arriveront,
vous croirez. »
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