Sœur Anne-Sophie

Evangile de dimanche: Guidés, déplacés, dépassés…

Qu’est-ce qui nous guide? Un astre, plus lumineux que les autres étoiles, comme celui qui guida les mages? Des émotions, qui manifestent notre peur d’être destitués de nos positions, comme celles qui secouent Hérode? L’Écriture, dans laquelle nous cherchons l’assurance des promesses de Dieu et les indices de leur réalisation, comme le font les prêtres et les scribes du peuple?

Si la question vaut la peine d’être posée, il convient de la compléter par une deuxième: ce qui nous guide nous déplace-t-il vraiment? Si oui, est-ce dans la bonne direction?

Dans le récit de l’Épiphanie, le grand déplacement semble bien être celui des mages: loin d’Israël géographiquement, ils le sont aussi politiquement et religieusement. Quel intérêt pour eux que ce Roi nouveau-né? Quoique guidés par une étoile, ces sages astronomes semblent bien tomber du ciel!

N’empêche qu’Hérode leur accorde crédit et se met à manigancer à l’encontre du concurrent au trône que leur quête a soudainement agité devant ses yeux. Mais c’est bien plutôt Hérode qui s’agite d’une agitation qui ne le déplace pas. Pire! Pour défendre sa position et asseoir son immobilisme, il fait courir les autres. À sa demande, les prêtres et les scribes daignent ouvrir les Écritures et y trouvent la destination cherchée par les mages. Ils ne bougent pas pour autant: «Va-t-on apprendre des étrangers ce qui nous concerne et dont nous avons le dépôt? Attendons pour voir.»

«Tous nos chemins peuvent être chemin vers Bethléem s’ils nous mettent en route vers un ailleurs que nous-même.»

Seuls les mages se laissent déplacer, guidés par une étoile. C’est que Dieu se fait étoile pour ceux qui scrutent les étoiles. Il se fait prophétie pour le peuple avec qui il a choisi de faire alliance. On pourrait continuer: il se fait beauté pour les amants de la beauté, vérité pour ceux qui font de la philosophie ou de la science, amour pour ceux qui aiment. Il est le désir de ceux qui cherchent et il est le terme de leur quête.

Si la quête est vécue dans une disponibilité à un continuel dépassement, elle mènera chacun à Bethléem. Tous nos chemins peuvent être chemin vers Bethléem s’ils nous mettent en route vers un ailleurs que nous-même, vers un Autre qui a lui-même fait le plus grand des déplacements: le Verbe de Dieu venu dans la chair, du sein de la Trinité à la petite cité de Bethléem.

Alors, ce qui nous guide nous déplace-t-il vraiment?

Notre petit berger couché pour l’heure dans une mangeoire réussit-il à nous mener dans ses pâturages? L’herbe grasse dont il nous nourrit (sa Parole, les sacrements, la vie en communauté ecclésiale, les appels du prochain …) transforme-t-elle nos cœurs, nos pensées et nos actes? Serons-nous les destinataires indifférents de tant de grâces?

Ne boudons pas les cadeaux des mages que l’Enfant nous destine. Ce sont eux qui nous déplacent. L’or nous fait rois et avec le Christ nous gouvernons nos vies et le monde. L’encens est le signe de notre divinisation par le Verbe de Dieu qui a pris notre chair mais ne l’élèvera pas sans nous. Sa myrrhe nous plonge dans le Mystère de la mort et la résurrection de Jésus et nous déplace dans un suprême dépassement: celui qui nous mène, en Christ, dans le sein du Père.

Sr Anne-Sophie, op | Vendredi 5 janvier 2024


Mt 2, 1-12

Jésus était né à Bethléem en Judée,
au temps du roi Hérode le Grand.
Or, voici que des mages venus d’Orient
arrivèrent à Jérusalem
et demandèrent :
« Où est le roi des Juifs qui vient de naître ?
Nous avons vu son étoile à l’orient
et nous sommes venus nous prosterner devant lui. »
En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé,
et tout Jérusalem avec lui.
Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple,
pour leur demander où devait naître le Christ.
Ils lui répondirent :
« À Bethléem en Judée,
car voici ce qui est écrit par le prophète :
Et toi, Bethléem, terre de Juda,
tu n’es certes pas le dernier
parmi les chefs-lieux de Juda,
car de toi sortira un chef,
qui sera le berger de mon peuple Israël.
»
Alors Hérode convoqua les mages en secret
pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ;
puis il les envoya à Bethléem, en leur disant :
« Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant.
Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer
pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. »
Après avoir entendu le roi, ils partirent.

Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient
les précédait,
jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit
où se trouvait l’enfant.
Quand ils virent l’étoile,
ils se réjouirent d’une très grande joie.
Ils entrèrent dans la maison,
ils virent l’enfant avec Marie sa mère ;
et, tombant à ses pieds,
ils se prosternèrent devant lui.
Ils ouvrirent leurs coffrets,
et lui offrirent leurs présents :
de l’or, de l’encens et de la myrrhe.

Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode,
ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.

Rétable de Saluces, détail, vers 1500. Scène sculptée en bois polychrome et doré, peinture à l’huile sur panneau de bois | © Jijuc/Wikimedia/CC BY-SA 4.0 Deed
5 janvier 2024 | 17:00
par Sœur Anne-Sophie
Temps de lecture: env. 3 min.
Partagez!