Chantal Reynier

Evangile de dimanche: l’un et l’autre

Voilà une parabole que nous connaissons bien. Ce jeune homme, aventureux, désireux de quitter la maison pour une vie facile que lui assure son père en lui donnant sa part d’héritage, se trouve bien vite confronté à la famine. Lui qui a dépensé sans compter ressent soudain un manque vital. La faim qui le tenaille lui fait prendre conscience de sa situation. Ne faut-il pas être privé de l’essentiel pour découvrir à quel point nous ne dépendons pas de nous-mêmes et nous recevons d’autres ce qui nous fait vivre?

Les Hébreux, eux aussi, savent ce qu’est la faim, eux qui doivent leur survie à la manne que Dieu leur a donnée généreusement. Parvenus dans la plaine de Jéricho, ils célèbrent la Pâque et peuvent se passer de cette manne descendue du ciel car ils bénéficient désormais des fruits de leur récolte. Au cours de leur traversée du désert, ils ont appris, à leurs dépens, le prix de la liberté, impossible à acquérir par soi-même.

Le fils prodigue a fait sa traversée du désert, lui qui était en quête de paradis verdoyants. Et quel désert! Il y avait tout à foison, la nourriture, la boisson, la vie facile, les loisirs. Mais aussi le vide et le non-sens. Le regard du jeune homme change lorsqu’il éprouve cette faim de nourriture et ce besoin infini d’autre chose qu’il ne parvient pas encore à nommer. Le premier pas posé en direction du père, c’est le père en personne – lui qui n’a jamais perdu de vue son fils – qui vient combler la distance et le vide.

«Il ne dépend pas de nous de nous réconcilier, en fonction de notre décision posée au moment choisi par nous.»

Il en va de la réconciliation comme de la nourriture: elle est donnée. Saint Paul nous rappelle que ce n’est pas nous qui cherchons la réconciliation. Nous en ressentons le besoin, parce que nous sommes affamés de relations et ne savons plus vers qui nous tourner, ou plutôt parce que Celui qui peut tout réconcilier nous a déjà rejoints. Il ne dépend pas de nous de nous réconcilier, en fonction de notre décision posée au moment choisi par nous. C’est Dieu qui nous réconcilie avec lui dans son Fils parce que Celui-ci prend sur lui notre charge.

A nous de «nous laisser réconcilier» avec Dieu. Cela n’est pas si simple comme le montre la réaction du fils aîné. Lui, il n’a jamais éprouvé la faim ou le manque; il n’a pas besoin, pense-t-il, de réconciliation. Ne serait-il pas finalement étranger au père, considérant le bien du père comme n’étant pas le sien, par contraste avec l’avidité du frère cadet qui s’en accapare? Le père ne lui dit-il pas: «tout ce qui est à moi est à toi»? Qu’a fait le fils aîné, qui est depuis le début auprès de son père et qui n’a rien réclamé ? Il n’a pas vécu mieux que le cadet. Sa vie actuelle est loin d’être en cohérence avec l’amour du Père.

Ces deux fils nous ressemblent. A certains moments de notre vie, nous sommes plus proches de l’un ou de l’autre. Aujourd’hui laissons-nous interroger par l’exigence que représente la vie en communion avec ce «Père qui a tout remis entre les mains du Fils» (Jn13,3)!

Chantal Reynier | Vendredi 29 mars 2019


Lc 15, 1-3.11-32

 En ce temps-là,
les publicains et les pécheurs
venaient tous à Jésus pour l’écouter.
Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui :
« Cet homme fait bon accueil aux pécheurs,
et il mange avec eux ! »
Alors Jésus leur dit cette parabole :
« Un homme avait deux fils.
Le plus jeune dit à son père :
›Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.’
Et le père leur partagea ses biens.
Peu de jours après,
le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait,
et partit pour un pays lointain
où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre.
Il avait tout dépensé,
quand une grande famine survint dans ce pays,
et il commença à se trouver dans le besoin.
Il alla s’engager auprès d’un habitant de ce pays,
qui l’envoya dans ses champs garder les porcs.
Il aurait bien voulu se remplir le ventre
avec les gousses que mangeaient les porcs,
mais personne ne lui donnait rien.
Alors il rentra en lui-même et se dit :
›Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance,
et moi, ici, je meurs de faim !
Je me lèverai, j’irai vers mon père,
et je lui dirai :
Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi.
Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.
Traite-moi comme l’un de tes ouvriers.’
Il se leva et s’en alla vers son père.
Comme il était encore loin,
son père l’aperçut et fut saisi de compassion ;
il courut se jeter à son cou
et le couvrit de baisers.
Le fils lui dit :
›Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi.
Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.’
Mais le père dit à ses serviteurs :
›Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller,
mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds,
allez chercher le veau gras, tuez-le,
mangeons et festoyons,
car mon fils que voilà était mort,
et il est revenu à la vie ;
il était perdu,
et il est retrouvé.’
Et ils commencèrent à festoyer.

Or le fils aîné était aux champs.
Quand il revint et fut près de la maison,
il entendit la musique et les danses.
Appelant un des serviteurs,
il s’informa de ce qui se passait.
Celui-ci répondit :
›Ton frère est arrivé,
et ton père a tué le veau gras,
parce qu’il a retrouvé ton frère en bonne santé.’
Alors le fils aîné se mit en colère,
et il refusait d’entrer.
Son père sortit le supplier.
Mais il répliqua à son père :
›Il y a tant d’années que je suis à ton service
sans avoir jamais transgressé tes ordres,
et jamais tu ne m’as donné un chevreau
pour festoyer avec mes amis.
Mais, quand ton fils que voilà est revenu
après avoir dévoré ton bien avec des prostituées,
tu as fait tuer pour lui le veau gras !’
Le père répondit :
›Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi,
et tout ce qui est à moi est à toi.
Il fallait festoyer et se réjouir ;
car ton frère que voilà était mort,
et il est revenu à la vie ;
il était perdu,
et il est retrouvé ! »

Le retour du fils prodigue. Détail d'un vitrail de la basilique du Sacré-Coeur de Paray-le-Monial | © Flickr/Lawrence OP/CC BY-NC-ND 2.0)
29 mars 2019 | 17:15
par Chantal Reynier
Temps de lecture: env. 4 min.
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