Nicole Lechanteur

Évangile de Dimanche: savoir se laisser ajuster

Tout disciple, qu’il soit «bon pratiquant» ou «pécheur type», peut se sentir visé par l’Évangile de ce dimanche. Jésus s’adresse d’abord à ceux qui se confient en eux-mêmes parce qu’ils s’estiment justes. Être sûr d’être juste, n’est-ce pas l’obstacle principal à la confiance en Dieu et donc à la prière?

Prier suppose d’entrer en relation, d’accueillir une altérité. Être sûr de son intégrité morale rend impossible l’accueil du Royaume. La parabole d’aujourd’hui bouleverse toute prétention ou justification. La parabole d’aujourd’hui invite à cela.

L’un était Pharisien. Placé debout, priant à l’adresse de lui-même: «O Dieu, Je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les restants des hommes – rapaces, injustes, adultères ou même comme ce publicain».

«Le pharisien se sait ou se croit juste. Peut-il accueillir la grâce?»

L’action de grâces du pharisien, on en trouve un exemple dans les écrits rabbiniques: «je te rends grâce, Seigneur mon Dieu, de m’avoir donné part avec ceux qui siègent dans la maison du savoir et non pas avec ceux qui sont assis dans les rues». Prière ou comparaison et jugement de l’autre ?

Oui, il vit une observance minutieuse décrite avec complaisance: il est donc un juste dans les catégories bibliques. Mais on peut dire aussi qu’il calcule bien son coup!

Le pharisien met Dieu au centre de sa prière et en loue l’action dans son propre comportement, mais son attitude est pleine d’ego; il est dans la comparaison et se croit supérieur! Le pharisien se sait ou se croit juste. Peut-il accueillir la grâce?

L’autre est publicain. Se tenant debout de loin. Ne voulant pas même lever les yeux vers le ciel, mais battant sa poitrine en disant: «O Dieu, sois favorable à moi, le pécheur».

«Le publicain se présente à Dieu en position d’humilité. Le salut advient par l’humilité.»

La confession du publicain – collecteur d’impôts – s’adresse à Dieu. Le publicain est pécheur et se présente à Dieu en position d’humilité. Le salut advient par l’humilité, tout l’Évangile de Luc le montre, à commencer par le Magnificat: le pharisien y est accordé.

 Et nous, savons-nous prier? Un se croit à la hauteur; l’autre se croit misérable.

Le Pharisien s’écoute prier: «il priait à l’adresse de lui-même». Il est enfermé sur lui. Son attitude apparaît comme une voie sans issue dont il devra revenir. Son manque à lui est de se croire juste. Même s’il rend grâce à Dieu et que c’est pour Dieu qu’il peine, il s’en attribue le mérite et se présente à Dieu avec une garantie.

N’est-il pas un peu comme certains «bons pratiquants» d’aujourd’hui, sûrs d’eux-mêmes… et ne sachant pas accueillir… Dieu et les autres?

«Dieu souhaite nous introduire dans sa justice! Cela demande à chacun un ajustement à Dieu et à l’autre»

Le publicain, à partir de sa misère regarde le ciel. Même s’il revient de loin – un peu comme un «recommençant» dans la foi aujourd’hui -, il est en bonne voie: son ouverture au Salut divin permettra à Dieu de «le rendre juste», de l’ajuster: par pure grâce et non par ses efforts.

Le publicain, à côté de lui, est justifié: d’une gratuité manifeste car il n’a pas fait les œuvres de la grâce. L’expression «ekeinen», «à côté de celui-là» ou «différemment de celui-là», invite chacun à accueillir la prière de l’autre. Nous n’avons aucun l’exclusivité de la justice: Dieu seul est …le juste par excellence. Il souhaite nous introduire dans sa justice! Cela demande à chacun un ajustement à Dieu et à l’autre.

Au lieu de nous comparer et de justifier nos manières de faire, laissons-nous introduire dans la justice de Dieu – par l’accueil de l’autre, des autres et du Tout-Autre – qui fait de nos différences une grâce.

Nicole Lechanteur | Vendredi 24 octobre 2025


Lc 18, 9-14

En ce temps-là,
à l’adresse de certains qui étaient convaincus d’être justes
et qui méprisaient les autres,
Jésus dit la parabole que voici :
« Deux hommes montèrent au Temple pour prier.
L’un était pharisien,
et l’autre, publicain (c’est-à-dire un collecteur d’impôts).
Le pharisien se tenait debout et priait en lui-même :
›Mon Dieu, je te rends grâce
parce que je ne suis pas comme les autres hommes
– ils sont voleurs, injustes, adultères –,
ou encore comme ce publicain.
Je jeûne deux fois par semaine
et je verse le dixième de tout ce que je gagne.’
Le publicain, lui, se tenait à distance
et n’osait même pas lever les yeux vers le ciel ;
mais il se frappait la poitrine, en disant :
›Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis !’
Je vous le déclare :
quand ce dernier redescendit dans sa maison,
c’est lui qui était devenu un homme juste,
plutôt que l’autre.
Qui s’élève sera abaissé ;
qui s’abaisse sera élevé. »

«Le publicain, lui, se tenait à distance et n’osait même pas lever les yeux vers le ciel.» | © Blog La Simandre
24 octobre 2025 | 17:00
par Nicole Lechanteur
Temps de lecture : env. 3  min.
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