Foi
Calendrier oblige, le lendemain de la mise en ligne de ce blog, nous serons le 31 octobre. Une des rares fêtes protestantes qui véritablement est fondatrice. Puis-je encore évoquer brièvement cet évènement célèbre qu’est la Réformation? Le moine Martin Luther placarde le 31 octobre 1517 ses 95 thèses sur les portes de l’église de Wittenberg.
Pamphlet exhortant l’Église catholique à une réforme plus conforme, selon Martin Luther, à la Bible et à son message. La critique sera mal reçue, la diatribe amère entre les deux parties et l’excommunication du docteur Martin Luther le bannira de son Église mère. L’histoire rapporte que face à ses contempteurs, Martin Luther ne pouvant se désavouer au risque de trahir sa propre foi et ses propres convictions intimes a prononcé les mots suivants: «Hier stehe ich, ich kann nicht anders.» Que je me permettrais de traduire très librement ainsi: «C’est là ce que je crois, je ne peux autrement.» Il a tenu obstinément à camper sur ses positions au péril d’être définitivement rejeté par son Église, démis de ses fonctions, seul contre tous. Ce genre d’attitude me bouleverse toujours car je soupçonne la pusillanimité dont je ferai preuve dans le même cas. Mais quelle est la source d’une telle détermination, d’un tel cran?
Face aux dragons du roi Louis XIV, les huguenots français du XVIème siècle ont aussi renoncé au confort et à la paix, à la sécurité et à la vie pour, à l’instar de Martin Luther, vivre leur foi et n’en pas changer. Mais d’où ont-ils tiré cette persévérance et cette confiance? Quel est ce secret qui les a rendus aptes à mourir pour ce qu’ils croyaient?
«Une guerre des versets serait vaine et dérisoire pour définir la foi»
Ce sont les questions qui m’ont incitée à poursuivre mes études de théologie. Je voulais découvrir quels tenants et aboutissants pouvaient permettre à un être humain de se laisser tuer, annihiler, déposséder au nom de quelque chose que cette personne croyait profondément et fermement. Assez prosaïquement, je dépeignais à mes catéchumènes, que, personnellement, si aujourd’hui l’on venait à me menacer de perdre mes biens matériels si je ne renonçais pas à ma foi, je craignais fortement de tout lâcher sur le champ. Et je n’imaginais pas ma réaction si mon intégrité physique était menacée. Je serais une lâche, indigne d’avoir eu la chance d’exercer le ministère pastoral consacré par l’Église protestante.
Autres temps, autres mœurs! L’expression de la violence de la répression religieuse s’est atténuée dans nos contrées européennes même si l’accalmie est loin d’être atteinte. Demeure cependant ma recherche sur l’origine de la force de foi de Martin Luther et de tous les huguenots. De celles et ceux prêts à se laisser au mieux brutaliser ou pire assassiner au nom de leur conviction. De celles et ceux ne cherchant ni à convertir ni à évangéliser. De celles et ceux souhaitant uniquement vivre leur foi telle qu’ils l’ont saisie.
«Dans la Bible, à son habitude, il est possible de lire autant de versions que d’opinions sur le sens de la foi»
La foi pour moi, pour vous, qu’est-ce ?
Dans la Bible, à son habitude, il est possible de lire autant de versions que d’opinions sur le sens de la foi. Un verset tel que celui trouvé dans le livre de Jacques amène à croire que la foi est indissociable de nos bonnes actions. «Comme le corps sans âme est mort, de même la foi sans les œuvres est morte.» Martin Luther lui a opposé le verset de l’épître aux Romains: «Le juste vivra par la foi.» Une guerre des versets serait vaine et dérisoire pour définir la foi.
Alors qu’est-ce que la foi ?
L’argumentation qui m’a convaincue repose sur un verset de l’épître aux Éphésiens: «Car c’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu.» S’il y a un quelque chose que l’on appelle Dieu. Un quelque chose qui avant le Big-Bang initie le dynamisme de vie. Un quelque chose qui dépasse tout ce que l’on peut comprendre. Un quelque chose pour qui le temps n’est pas le nôtre. Un quelque chose qui ne se laisse pas détenir par nos logiques et pensées les plus spéculatives et pointues. Si ce quelque chose préside à la vie et donc à chacune de nos vies. Alors la foi qui permet d’outrepasser notre instinct de survie primaire, la foi qui permet d’espérer au-delà de la certitude du monde qui nous entoure, cette foi, cette force-là ne vient pas de nous. Je la vois comme une étincelle ou un grain de poussière déposé par ce quelque chose en chacun.e de nous: un don de Dieu. Et nous avons une vie entière pour la découvrir.
Nadine Manson
30 octobre 2024
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