Jean-Jacques Friboulet

François Fillon: le piège de l’argent

Le candidat à l’élection présidentielle, M. F. Fillon, voit sa candidature compromise pour avoir employé sa femme et ses enfants en tant que collaborateurs parlementaires.

Tout d’abord il faut signaler une particularité bien française. Les députés et les sénateurs ont le droit d’embaucher pour leur activité un membre de leur famille ce qui est interdit dans la plupart des pays européens. Il faut noter ensuite que le montant des salaires versés (environ 5000 euros mensuels) est le double de la rémunération normale pour ce poste. Celui-ci est égal à deux fois le salaire d’un professeur de Lycée ou d’une infirmière et on comprend que les Français en soient choqués. Enfin pèse sur ces emplois le soupçon de travail fictif, puisque Mme Fillon a déclaré à une télévision anglaise qu’elle n’était en aucun cas une collaboratrice de son mari.

faites-vous des amis de l’argent trompeur (Luc, 16,9)

Cette affaire serait anecdotique si elle ne révélait deux maux profonds et n’avait de graves conséquences sur la vie politique de nos voisins. Le premier mal est l’accent inconsidéré mis sur la forme au détriment du fond dans la communication politique. M.Fillon s’est présenté à la primaire qui devait désigner le candidat de la droite française. Il a participé à des dizaines d’émissions radio ou télé. Les journalistes se sont intéressés à la taille de ses sourcils et à son amour pour les voitures rapides. Pas un ne l’a interrogé sur son rapport à l’argent, rapport qui est pourtant essentiel pour un futur président. Trop de communication tue la communication et empêche le citoyen d’avoir une véritable information sur les personnes qu’il doit élire. La Suisse est heureusement à l’abri de ce fléau grâce à son système parlementaire mais ce mal atteint par contre la grande puissance que sont les Etats-Unis.

Ce qu’il faut bien appeler l’affaire Fillon illustre également la faiblesse intrinsèque d’un système d’élections primaires. Celui-ci était censé permettre aux citoyens français de désigner directement leur candidat à l’élection présidentielle. Or on a pu constater que les postulants, pour être élus, construisaient un programme censé plaire à leur électorat en oubliant le reste de la population. M.Fillon a présenté un programme très à droite qui était inapplicable en l’état, de même pour M.Hamon avec son programme très à gauche. Les candidats ayant construit un programme plus centriste ont tous été éliminés. Le système des primaires favorise une polarisation dont la France souffre déjà à cause de sa difficulté à négocier des compromis.

Enfin cette affaire Fillon nous touche en tant que chrétien. Le leader conservateur s’est présenté comme chrétien lors d’un journal télévisé. Cette qualité de chrétien est difficile à affirmer. Elle doit s’appuyer sur une foi profonde, ce dont je ne doute pas pour le leader français. Mais elle doit également se fonder sur la recherche des vertus cardinales que sont la prudence, la justice, la tempérance et le courage. La tempérance, en particulier le rapport juste à l’argent, doit toujours être construite pas à pas par le croyant qui veut être fidèle au Christ. Pour cela il possède le référent essentiel des Evangiles et en particulier cette phrase: faites-vous des amis de l’argent trompeur (Luc, 16,9). C’est le mieux que l’on peut souhaiter au politicien français.

«L'affaire Fillon serait anecdotique si elle ne révélait des maux profonds»
5 février 2017 | 17:58
par Jean-Jacques Friboulet
Temps de lecture: env. 2 min.
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