Jean-Jacques Friboulet

Grèce: L’heure de vérité

L’heure de vérité a sonné dans les rapports qu’entretient la Grèce avec ses créanciers européens. Soit ce pays obtient de restructurer sa dette, donc de l’alléger, soit il devra sortir de la zone euro, ce que le les commentateurs appellent le «Grexit».

Pour y voir plus clair, rappelons quels sont les moyens à disposition d’un pays pour réduire sa dette publique. Le premier est bien sûr le remboursement. C’est celui qui est hors de portée de la Grèce. Pour rembourser, un pays ne doit pas seulement dégager un excédent budgétaire, il doit surtout avoir une croissance supérieure au taux d’intérêt. Or en 2014 la Grèce avait un taux de croissance négatif de 1,3% et subissait un taux d’intérêt moyen sur sa dette de + 2,5%. Autant dire que sa dette continuait d’augmenter alors que la production pour la rembourser continuait de se rétrécir (elle a diminué de 25% en cinq ans). Le gouvernement Tsipras veut sortir de cette logique vicieuse de l’austérité en obtenant des marges de manœuvre économiques et budgétaires. Il veut réduire la misère qui s’est installée en augmentant par exemple progressivement le salaire minimum, ce dont les créanciers ne veulent pas entendre parler.

Le deuxième moyen pour sortir de dette est de la dénoncer. C’est le plus mauvais car la Grèce serait immédiatement exclue de la Zone euro, mais également de l’ensemble des marchés financiers, ce qui mettrait ses Banques en faillite. Le troisième moyen est la monétisation des dettes. Il s’agit de faire acheter par les Banques nationales une partie des dettes publiques en créant de la monnaie. Cette voie, pratiquée par les U.S.A et le Japon, a été ouverte par la Banque centrale européenne aux grands pays européens (nous en avons parlé dans une chronique précédente) mais pas à la Grèce car les créances de cet Etat sont jugées de trop mauvaise qualité.

Pour rembourser la dette, il reste donc le moyen de la restructuration. Les créanciers publics de la Grèce peuvent reporter les échéances auxquelles celle-ci sera remboursée, réduire le montant du capital emprunté ou diminuer les intérêts. Cette demande de restructuration a été formulée par le gouvernement Tsipras. La réponse est dans les mains des gouvernements de la zone euro, donc dans celles de leurs parlements en particulier en Allemagne.

En mettant en place une monnaie unique, ceux-ci n’ont pas compris qu’ils construisaient non seulement un instrument économique mais aussi un instrument politique qui exige une solidarité des pays. Ils sont maintenant au pied du mur. Soit ils pratiquent cette solidarité en restructurant la dette grecque, soit ils condamnent ce pays à émettre sa propre monnaie. Dans cette hypothèse la période de transition serait très brutale car la drachme serait fortement dévaluée et les créanciers publics devraient passer une partie de leurs créances par pertes et profits. Mais certaines élites ultralibérales européennes (pas seulement allemandes) jugent que le problème de la Grèce serait enfin résolu et que cette solution radicale ôterait à d’autres pays (l’Espagne, l’Italie, La France) l’idée de demander le même traitement.

Ce faisant, elles font preuve d’un grave aveuglement. Nos économies sont interdépendantes et il est certain que cette solution ferait replonger l’Europe et le monde dans la crise financière. S’ils veulent maintenir la monnaie unique, les pays européens n’ont d’autre choix que de réduire la valeur de leurs créances comme ils l’ont fait massivement vis-à-vis de l’Allemagne en 1953.

Jean-Jacques Friboulet

l'Euro, un instrument économique mais aussi un instrument politique qui exige une solidarité des pays
16 mars 2015 | 17:18
par Jean-Jacques Friboulet
Temps de lecture: env. 2 min.
Euros (11), Grèce (63), Tsipras (3)
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