
«Je ne suis pas digne de te recevoir»
10e dimanche Ordinaire C (Lc 7, 1 – 11)
Nous sommes à Capharnaüm, une ville portuaire de près de 1’700 habitants au nord-ouest du lac de Tibériade, juste à côté de Bethsaïde, là d’où viennent Pierre et André. C’est une des bases de la mission de Jésus. Cette ville était une ville frontière, un lieu de passage pour les caravanes des marchands, à la frontière de la Galilée. Elle avait donc logiquement une douane et des soldats pour défendre la frontière. Une garnison dont le romain de l’Evangile était un centurion, i.e. le chef de la centaine d’hommes de la ville. Ces hommes étaient pour la plupart des mercenaires gaulois, germains ou syriens. Bref, pas des gens du coin, des étrangers occupants. St Luc qui rédige la page d’Evangile de ce jour était un compagnon de Paul. Il a vu de ses yeux la mission s’étendre dans ces terres païennes. Et il veut souligner avec force combien Jésus avait les idées larges et ouvertes, en totale contradiction avec l’attitude courante de son temps. Il veut nous montrer aussi ce que sont certains païens étrangers.
«Le centurion avait entendu parlé de Jésus, alors il lui envoya quelques notables juifs pour le prier de venir sauver son esclave».
L’esclave était sur le point de mourir. Un problème de santé sans doute. De tous les temps et de tous les lieux, le bien le précieux est la santé. Ce pauvre esclave était en train de la perdre. Un ancien me disait avec sagesse, quand on a la santé, on désire beaucoup de choses, mais quand on perd la santé, on ne désire plus qu’une seule chose. Cela est très vrai. Déjà du temps de Jésus. Très vrai et très concret pour l’esclave et son maître.
La souffrance est un mal étonnant. Elle ne va pas à sens unique, car elle engendre souvent un bien, la compassion. Ici le maître donne une belle leçon de bonté. Il veut sauver son esclave et s’adresse à Jésus avec beaucoup de respect et délicatesse: il lui envoie une délégation. Il sait que, pour un juif, le contact avec un païen est source d’impureté. Alors il utilise des intermédiaires, comme des médiations entre lui et Jésus. Cela est très beau. Cet homme croit donc que Jésus peut sauver un malade, même si le malade est mourant. Il a conscience de la grandeur de Jésus sans trop savoir qui il est. Je pense qu’il a surtout conscience de la grandeur de sa parole. Vous le savez, pour un soldat, une parole est d’honneur. Quand le chef commande, il faut obéir sans discuter. Le centurion le sait. Il obéit et il commande en maître. Alors combien plus pour Jésus?
Et c’est pour cela qu’il dit, et là est le nœud: «dis seulement une parole et mon serviteur sera guérit!».
Entendez comme à partir de son expérience de commandant militaire cet officier comprend la parole comme une parole puissante, capable d’opérer ce qu’elle prononce, capable de faire ce qu’elle dit. Il a dû en faire l’expérience bien souvent. Quand il donne un ordre, il se réalise. Voilà une «Parole efficace».
Cela nous renvois bien sûr à la Genèse, Dieu dit: que la lumière soit… et lumière fut. La parole de Dieu est créatrice. Elle réalise ce qu’elle dit. Ce qui est vrai fondamentalement pour le Verbe, la Parole de Dieu, notre Seigneur Jésus. Oui, Jésus peut faire un miracle à distance par sa seule parole. C’est d’ailleurs ce qui se passe lors de chaque sacrement. Jésus agit par le prêtre qui dit la Parole que l’Eglise lui commande.
Croyons-nous en cette Parole-Sacrement qui opère notre salut?
Seigneur je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri. Cette parole nous est familière. Nous la disons chaque fois à la messe. Nous aussi, nous sommes indignes d’avoir Dieu en nous. Il est sacré, trois fois saints. Et nous, nous sommes des pécheurs, par action et par omission. La différence de nature est totale. Pourtant, Dieu est si bon, qu’il veut planter sa tente en nous. Se faire l’hôte de notre cœur. Être intime à nous-mêmes. Et il fait tout dépendre de notre oui, de notre libre adhésion. Comme c’est beau!
Et Jésus s’étonna de la foi du centurion. Il fut même dans l’admiration. Ce qui est suffisamment rare pour être relevé. L’autre fois, ce fut pour la cananéenne. Aussi une étrangère. Entendez comme pour Jésus les frontières sont abolies. En Christ, il n’y a plus d’étrangers. Car Christ est tout en tous.
Je vous le dis: même en Israël je n’ai pas trouvé une telle foi.
Oui, St Luc ne veut pas nous raconter un miracle. Il veut nous montrer une foi exemplaire. La foi d’un étranger. Un païen romain. Un homme libre… libre d’accueillir la nouveauté de Jésus.
Seigneur, nous croyons, mais fait grandir en nous la foi.
Amen.
Père Jérôme Jean
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