Damien Savoy

La publicité, la modernité et la musique

Une récente publicité d’un grand constructeur automobile français prend pour sujet la musique, et l’orchestre en particulier. Son message: «Changez d’époque». Petit aperçu de comment l’industrie publicitaire peut dénigrer la culture à des fins mercantiles…

Le spot commence dans le silence d’une salle de concert. L’orchestre est prêt, le chef lève les bas et… le rock-métal commence. Visuellement, c’est un orchestre classique que l’on voit jouer, mais la bande sonore fait entendre un style diamétralement opposé. Le résultat est excellent. Les gestes du chef et des musiciens correspondent presque au rythme que l’on entend. J’avoue que j’en ai bien ri la première fois. Le tout est réellement bien fait et le décalage est carrément comique. La douche froide vient à la fin de cette séquence. Un texte s’affiche à l’écran: «Changez d’époque». Certes, le message est clair et efficace. L’automobile vantée est clairement montrée comme moderne, fruit du progrès et de l’avancée technologique.

 

Pourtant, cette publicité égratigne la musique dite classique. Si l’on devrait préférer la voiture présentée comme moderne à un modèle vu comme appartenant au passé, de même les «musiques actuelles» sont glorifiées, au détriment des oeuvres classiques, décrites comme appartenant à une autre époque. On rejoint alors les personnes qui qualifient ces dernières de «musique de vieux». Or, des jeunes aujourd’hui encore étudient dans des conservatoires, pratiquent un instrument, jouent dans un orchestre ou chantent dans un choeur, fréquentent des concerts classiques. Et cette musique leur parle. Ce n’est pas parce qu’un compositeur est mort depuis longtemps que sa musique est dépassée. Elle peut continuer à toucher l’auditeur contemporain, plus que le métal entendu dans la publicité…

 

D’autre part, relève dans ce spot un louange du Progrès, ce concept si populaire dans l’opinion commune. Si la voiture est meilleure parce que plus moderne, les musiques d’aujourd’hui devraient, selon la logique de cette publicité, être supérieures à celles d’il y a deux cents ans. Une évolution placerait donc Marilyn Manson, Lady Gaga et Britney Spears au sommet du progrès, surpassant Wagner, Beethoven, Mozart, Haydn, Bach ou Palestrina. Et que dire alors de ces pauvres compositeurs médiévaux que l’on s’acharne à jouer encore?  C’est comme si l’on disait qu’un HLM du XXe siècle est supérieur à une cathédrale gothique ou à un temple grec, ou que l’on considérait que la nourriture des fast-food américains était meilleure que les recettes de nos grand-mères…

 

Je pense que les concepteurs de la publicité n’ont pas réfléchi à toutes les conséquences de leur message. Ils ont probablement pensé à l’impact immédiat du spot sur le consommateur. Mais une pub réussie peut parfois comporter un message contraire au bon goût.

 

Damien Savoy

1 mai 2012 | 12:31
par Damien Savoy
Temps de lecture: env. 2 min.
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