
La pute, le pharisien et Jésus. Homélie du 11e dimanche Ordinaire C (Lc 7, 36. 8, 3)
Un des drames de notre société est d’imaginer qu’il suffit de faire le mal pour être pardonné. Ce n’est pas vrai! On n’est pas simplement pardonné une fois que le mal est fait, mais seulement une fois que l’on a confessé le mal et pris la droite résolution de mieux faire, en s’appliquant à réparer ce qui a été mal fait. Le pardon n’est pas automatique, encore faut-il se convertir!
Voici Jésus à table avec un riche, allongé sur un divan à la mode de l’Orient. Nous sommes à un repas de fête dans un cadre confortable, une maison ouverte selon la coutume pour un jour gras, chacun allant et venant librement. On retrouve au pied de Jésus une femme sensuelle, mêlant ses cheveux à ses larmes et caressant les pieds de Jésus.
Disons-le sans pudibonderie, cette image choque. D’abord que fait Jésus chez un riche? Pourquoi n’est-il pas plutôt chez un pauvre? La réponse est connue mais mérite un rappel. Jésus a vécu au contact de tous les hommes, sans mépriser personne. Le riche n’est donc pas exclu. Nous aussi, n’excluons personne si nous voulons être les disciples de Jésus!
Ensuite il y a la prostituée. En Orient, jour de fête, maison ouverte, tout le monde entre et sort comme cette femme, entrée parce qu’elle savait que Jésus se trouvait là. Elle apporte un vase rempli de parfum, elle offre une odeur agréable et pénétrante aux voyageurs fatigués par de longues marches. C’est un rafraichissement et une marque d’hospitalité de luxe.
Elle est touchante, elle pleure. Elle qui a dû en voir de toutes les couleurs, elle pleure à chaudes larmes. Elle pleure en public. Elle est dégoûtée d’elle-même. Et pourtant elle pose un geste d’amour. Elle manifeste, sans aucune vulgarité, tout l’amour qu’elle ressent pour Jésus. Je suis certain que cette femme n’avait jamais connu le grand amour. Devant Jésus, elle retrouve quelque chose de la jeune fille qu’elle était. Elle aime de «tout son cœur de pute».
«Je te le dis, si ses péchés, ses nombreux péchés sont pardonnés, c’est à cause de son grand amour»…. «Ta foi t’a sauvé. Va en paix.»
Jésus pardonne. Quelle merveille que le pardon de Dieu! L’amour vrai sait ceci: moi aussi j’ai été pardonné d’une infinité de fautes. Et si je ne suis pas un voleur et un assassin, c’est uniquement parce que Dieu m’a préservé.
Interrogeons-nous, jusqu’où Dieu veut-il nous pardonner? Est-ce qu’il y a une limite, un seuil à partir duquel le pardon n’est plus possible?
La première lecture entendue, l’une des plus belles catéchèses quant au pardon. Le grand Roi David, celui que Dieu a honoré, à qui Il a tout donné, va pourtant faire ce qui est très mal. Pour cacher l’enfant de l’adultère et de la passion, le Roi assassine un innocent, lui vole sa femme et sa vie.
Dans l’ordre du mal, le meurtre est un couronnement, c’est le dernier mot du mal (comme le don de sa vie est le dernier mot du bien!).
Mais Dieu ne reste pas impassible, Il envoie le prophète communiquer à David le jugement divin: Le comportement de David, en toute justice, mérite la mort.
Dans la vie ordinaire, quand un jugement tombe, c’est le dernier mot, sans recours; quand l’instance la plus élevée s’est prononcée, alors tout est dit. La sentence est appliquée. Quand Dieu juge, on pourrait aussi imaginer la même chose. Or la merveille de cette première lecture est que Dieu donne encore un espace de conversion entre le jugement et l’application de la peine!
Entendez la bonne nouvelle! Le jugement, même de Dieu, n’est pas le dernier mot! Car Dieu ne veut pas la mort du coupable, mais qu’il se convertisse et qu’il vive!
Et David dit sincèrement: «j’ai péché contre le Seigneur». Et la reconnaissance de sa faute lui permet de recevoir le pardon. Entendez bien! C’est l’aveu de la faute qui change tout du rapport au mal!
Un des drames de notre société est d’imaginer qu’il suffit de faire le mal pour être pardonné. Ce n’est pas vrai! On n’est pas simplement pardonné une fois que le mal est fait, mais seulement une fois que l’on a confessé le mal et pris la droite résolution de mieux faire, en s’appliquant à réparer ce qui a été mal fait. Le pardon n’est pas automatique, encore faut-il se convertir! Pour nous, catholiques, il n’y pas de pardon sans confession.
La bonne nouvelle, tout à fait étonnante, est que, pour Dieu, il n’est jamais trop tard de se convertir. Même après le jugement, l’homme peut encore se convertir. Jésus n’est pas venu pour des justes, comme le pharisien Simon de l’évangile, mais pour des pécheurs comme la prostituée en larmes aux pieds de Jésus.
Alors Jésus, comme un vrai prophète qui lit dans les cœurs, veut faire réfléchir Simon par une parabole étonnante: Un créancier, devant l’incapacité que ses débiteurs ont à le rembourser, décide de renoncer à sa créance! Jésus, avec beaucoup de délicatesse, fait comprendre à son Simon, qu’il est lui-même un des débiteurs de la parabole, l’autre étant la femme pécheresse.
Dieu le Père annule la dette de ses enfants pécheurs afin qu’ils puissent l’aimer en découvrant la gratuité de sa miséricorde. Car «rien ne suscite davantage l’amour chez celui qui est aimé, que de réaliser combien celui qui l’aime désire fortement son amour.» Plus on découvre combien l’amour de Dieu nous précède, combien cet amour est gratuit et miséricordieux, plus on est capable d’aimer en retour. Pour le dire autrement, c’est dans la mesure toute concrète où l’on réalise la miséricorde de Dieu que l’on peut aimer à son tour!
Merci Seigneur, parce que pour toi, il n’est jamais trop tard.
Seigneur, nous voulons aimer avec plus d’intensité.
Nous voulons rendre grâce en confessant nos péchés.
Nous voulons verser
et les larmes de notre repentir
et le parfum de notre amour sur les pieds du Fils de Dieu.
Seigneur, je le crois dans la foi:
plus je me reconnaitrais pécheur,
plus ton amour pourra me relever,
plus je réaliserai combien je suis digne d’amour,
et plus je pourrais aimer en retour comme tu nous aimes.
Seigneur, dans le sacrement du pardon, tu viens transformer ma boue en lumière.
Amen.
Père Jérôme Jean
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