Thierry Collaud

L’Église en attente de qui?

L’entre-deux-papes, que nous vivons actuellement dans l’Église catholique, nous pousse à réfléchir aux liens entre cette figure d’autorité spirituelle et la communauté ecclésiale. Qui attendons-nous sur le balcon de Saint-Pierre, vendredi ou samedi, à l’issue du conclave?

Quelqu’un qu’on désignerait avec une infinie révérence comme «Souverain Pontife», un «Pontifex Maximus», titre porté par les empereurs romains et repris par les papes au VIIe siècle? Un homme investi par la grâce divine d’une puissance qui l’élève au-dessus des mortels et qui lui confère une autorité spirituelle et un pouvoir juridictionnel sur la catholicité entière?

Ou plutôt un simple pontife, terme qui avant l’ère impériale désignait, à Rome, un responsable religieux qui était chargé d’entretenir un pont d’une grande signification symbolique (le pont Sublicius) qu’il fallait régulièrement reconstruire à cause des crues du Tibre. Aujourd’hui, un baptisé, homme pour un temps encore, appelé par ses frères cardinaux pour, inlassablement, réparer les ponts que le péché s’obstine à détruire. Une grâce, un ministre donné par le Seigneur à la communauté ecclésiale pour veiller sur sa foi et son unité.

«Renforcer la fraternité, une mission qu’à bien illustré le pape François»

L’injonction de Jésus à Pierre en Lc 22,32: «Affermis tes frères» renvoie à cette figure de gardien du pont. Il ne s’agit pas de parader sur une chaise à porteur, mais d’être, marchant au milieu de ses frères et de ses sœurs, un catalyseur pour que l’Église fasse corps christique. L’affermissement par le lien, par ce qui relie, l’image est belle. Renforcer la fraternité, une mission qu’à bien illustré le pape François.

Les pontifes de l’ancienne Rome ne devaient pas utiliser d’éléments en métal pour réparer le pont sacré. On peut imaginer que cela devait les pousser à être des artisans créatifs plus que des donneurs d’ordre haut perchés. Nous sommes redevables à François d’avoir travaillé à déconstruire la sacralité de la figure papale pour la réhumaniser, pour lui redonner un certain côté artisanal. Elle redevient un ministère confié à un homme avec ses forces et ses faiblesses.

«La vraie autorité n’est pas la toute-puissance»

Dans le passage de l’Évangile de Luc cité ci-dessus, Jésus institue Pierre comme soutien de ses frères juste avant d’évoquer son prochain reniement. Il n’y a pas là de surhomme inoxydable et intouchable, mais un frère parmi les frères qui, malgré son charisme, a besoin lui aussi d’être averti, corrigé, affermi et pris dans les bras. «Priez pour moi», disait inlassablement le pape François.

L’Église a besoin de figures d’autorité. Mais, il faut constamment le rappeler, la vraie autorité n’est pas la toute-puissance. Elle est ce rapport à l’autre, individu ou communauté, qui le fait naître et croître. Elle se réjouit de cette croissance. Elle favorise la prise d’indépendance de ceux qui, grâce à elle, grandissent et peuvent s’autonomiser tout en préservant le lien.

Le processus synodal qui se cherche encore est un bel exemple de la collaboration fructueuse entre l’autorité inspirante de l’Esprit-Saint et les hommes et les femmes que Celui-ci enrichit en vue du bien commun (1 Co 12,7) avec au milieu d’eux un pontife attentif à ce que les différences soient créatives et non sources de séparations.

Qu’attend l’Église catholique au sortir du conclave? Non pas un souverain, mais une authentique figure d’autorité: un frère qui l’affermisse, chez qui on aura discerné le charisme du pontonnier. Ce qu’elle attend, n’est-ce pas alors, toujours reçue du Seigneur, la capacité de pouvoir être elle-même c’est-à-dire d’être Église, accompagnée par la bienveillance d’un pasteur qui sait trouver sa juste place?

Thierry Collaud

7 mai 2025

Qui sera le prochain chef spirituel de l'Église catholique? | © Barbara Provenzano/Unsplash
7 mai 2025 | 10:31
par Thierry Collaud
Temps de lecture : env. 2  min.
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