Thierry Collaud

L’espérance c’est aujourd’hui!

Quand tout va vraiment mal dans nos vies, dans l’Église ou dans le monde, grande est la tentation de désespérer ou de céder au cynisme désabusé. L’espérance est là pour entretenir notre quête d’une vraie vie. Sa réalité est attestée ne serait-ce que par un seul témoin.

Le 15 novembre, à l’occasion du Dies academicus, la faculté de théologie de l’Université de Fribourg a remis un doctorat honoris causa au cardinal Pierbattista Pizzaballa, patriarche latin de Jérusalem, reconnaissant en lui une voix chrétienne forte, en Terre sainte, qui parle pour la justice et la paix. Dans une conférence donnée la veille, le cardinal a évoqué sa ville de Jérusalem et son présent tragique où aucune solution ne semble se faire jour. Les mots sont forts: «tsunami d’hostilités», «une douleur incapable de reconnaître la douleur des autres», «on ne voit pas le début d’une réconciliation». Il y a un sentiment de lassitude à entendre cette description. N’en sortirons-nous jamais? Situation chaotique qui nous renvoie aussi à nos propres chaos, à toutes nos impasses désespérantes.

L’évêque de Jérusalem reconnaît humblement et lucidement qu’il ne voit pas de solutions, mais qu’il a de l’espérance. Comment comprendre cela? Une naïveté crasse? Une utopie qui fait divertissement? Ou une projection dans l’au-delà? Comment concilier l’état désespérant du monde et l’espérance?

De manière interpellante, Pierbattista Pizzaballa nous a dit nourrir son espérance avec les deux derniers chapitres de l’Apocalypse qui annoncent la venue de la «nouvelle Jérusalem», ville resplendissante qui descend du Ciel avec Dieu qui vient pour être «Dieu-avec-eux».

«Attention de bien comprendre le sens de l’espérance chrétienne telle qu’exprimée par saint Jean»

Comme si, quand on est dans le désespoir le plus profond parce qu’on réalise qu’on habite la Jérusalem impure et sanguinaire dénoncée déjà par les prophètes (Lm 1,17, Ez 24,6), la seule espérance à laquelle on pouvait se rattacher est celle, la plus folle, d’une cité lumineuse, pacifiée et pacifiante qui nous est donnée d’en haut et d’un Dieu qui vient l’habiter avec nous.

Mais attention à bien comprendre le sens de l’espérance chrétienne telle qu’elle est exprimée par saint Jean. Il ne s’agit pas de belles images pour nous faire rêver à une vie qui serait après et ailleurs, au Paradis, ou comme le dit Bonhoeffer dans sa prison, «d’une dernière échappatoire vers l’éternité pour fuir les difficultés et les tâches terrestres». Il s’agit de la venue dans notre monde d’une réalité transformante qui confère à nos vies leur plénitude d’humanité.

Ce que nous espérons c’est, à l’image de la Transfiguration du Seigneur, la transfiguration de nos vies et de nos villes pour que les humains qui les habitent soient de vrais vivants, se recevant de la grâce de Dieu, et pour qui la vie éternelle est déjà commencée, comme le dit une préface du missel romain.

«L’espérance que nous portons c’est celle d’être aujourd’hui des humains vraiment vivants»

Le cardinal Pizaballa n’a pas de solution politique au conflit israélo-palestinien. Il a cependant quelque chose de beaucoup plus précieux. Il porte l’espérance, il empêche la fermeture du désespoir. Par son témoignage d’homme de paix, il rejoint tous les témoins qui rendent crédible cette espérance d’une transformation de notre vie sur la terre et la différencient d’une utopie fantasmatique. Ils sont petits et cachés. Ils ne font pas la Une des journaux. À nous de les repérer et de nous en inspirer.

L’espérance que nous portons c’est celle d’être aujourd’hui des humains vraiment vivants pour, peu à peu, contredire, dans ce monde, la haine, la mort et le chaos et l’ouvrir à l’éternité. Espérance, tension, désir qu’à bien su décrire Maurice Zundel: «Si nous étions vivants avant la mort, en effet, s’il y avait en nous cette grandeur, cette puissance de rayonnement où s’atteste une valeur, s’il y avait en nous une source jaillissante, si notre vie portait partout la lumière, si elle était un dialogue avec l’Éternel, si nos actions n’étaient pas limitées, si elles avaient toute l’ampleur et toute la portée que l’amour leur peut conférer, la mort serait progressivement vaincue, le temps en nous s’éterniserait». Toute notre espérance tient dans ce «si». 

Thierry Collaud

19 novembre 2025

Le cardinal Pizzaballa, patriarche de Jérusalem, est venu parler d'espérance, le 14 novembre 2025 à Fribourg | © Bernard Hallet
19 novembre 2025 | 08:58
par Thierry Collaud
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