
Nouveau pouvoir à Damas: naïveté occidentale?
Les chancelleries européennes s’empressent d’adouber le nouveau maître de la Syrie, Ahmed Hussein al-Charaa, qui a désormais troqué son nom de guerre, Abou Mohammed al-Joulani, qui signifie ‘du Golan’ (hauteurs du Golan, en Syrie, dont la famille avait été chassée lors de l’invasion israélienne de 1967).
L’ancien islamiste radical a combattu contre les envahisseurs américains en Irak et fut enfermé par eux en 2005 en tant que terroriste pendant cinq ans à Camp Bucca. Il a maintenant troqué sa parka contre un costume civil – costard cravate et barbe bien soignée – et prétend vouloir respecter les minorités.
Ursula van der Leyen, présidente de la Commission européenne, comme d’autres responsables occidentaux, veut rapidement intensifier sa relation avec le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS) dont il est le chef.
Cet ancien d’Al-Qaïda est le fondateur du Front al-Nosra. Il fut allié du groupe État islamique (EI), avant de le combattre. En 2014, le sunnite al-Joulani parlait d’une future Syrie régie par la loi islamique, la charia, excluant les minorités alaouites, chiites, druzes et chrétiennes. Serait-il devenu un démocrate adepte du pluralisme ou serait-il plutôt fidèle à la dissimulation – la taqîya, qui a un fondement coranique, notamment dans la sourate 3:28?
«Plusieurs lieux de culte chrétiens ont en effet été vandalisés en Syrie depuis la prise de pouvoir par les islamistes»
J’ai personnellement vu, lors d’un reportage à Maaloula, à 55 km au nord de Damas, au cœur de l’îlot chrétien du Qalamoun où l’on parle encore l’araméen (la langue de Jésus), les ravages causés par le Front al-Nosra. Là, les chrétiens ont vécu le martyre. «Ils ont brûlé l’iconostase, défiguré les icônes, martelé les visages sur les fresques…». Le Père Taher Youssef dans son église grecque-melkite catholique Saint-Georges, me montrait son «musée de la honte». Il y avait rassemblé les vestiges sacrés profanés par al-Nosra, qui avait occupé la bourgade de septembre 2013 à avril 2014. «Les œuvres d’art dérobées dans les églises – icônes, croix, rares manuscrits religieux – étaient vendues au marché noir au Liban. Les djihadistes avaient enlevé 13 religieuses du monastère grec-orthodoxe de Sainte-Thècle qu’ils avaient profané. Doit-on croire qu’ils ont désormais changé? On note déjà plusieurs incidents contre des lieux de culte, notamment chrétiens depuis la chute du régime de Bachar Al-Assad.
Des djihadistes masqués – officiellement on prétend que ce sont des ›étrangers’ – ont incendié le sapin de Noël de la ville à majorité chrétienne orthodoxe de Souqaylabiya, près de Hama. Plusieurs lieux de culte chrétiens ont en effet été vandalisés en Syrie depuis la prise de pouvoir par les islamistes. Le 18 décembre, des hommes armés non identifiés ont ouvert le feu sur une église grecque orthodoxe dans la ville de Hama, pénétrant dans l’enceinte et tentant de détruire une croix, et brisant des pierres tombales dans un cimetière, selon le quotidien libanais L’Orient-Le Jour. Ce ne seraient que des «incidents isolés»? A voir!
Jacques Berset
30 décembre 2024
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