Jérôme Jean Hauswirth

Pardon-s'il te plaît-merci

Homélie du 28e dimanche C (Lc 17, 11 – 19) Peu importe de bénéficier d’un miracle extraordinaire, pour être sauvé il faut dire merci à Jésus, rendre gloire à Dieu. Reconnaître que ce qui est bon vient de Dieu.

Jésus marche vers Jérusalem. Il ne faut pas s’imaginer Jésus flânant, une fleur entre les dents, en ballade avec ses disciples. Ce n’est pas une promenade d’école d’un maître avec ses élèves, mais la marche du Fils de Dieu vers le lieu où il fera don de sa vie: Jérusalem, là il sera suspendu au bois de la Croix pour nous sauver de la mort et du péché. Elle est donc sérieuse cette marche, elle qui donne sens à toute la vie de Jésus!

En regardant la carte, on s’aperçoit que Jésus fait un petit détour par l’est, afin de rejoindre la vallée du Jourdain. Etonnement, il ne descend pas plein sud. Ce qui explique que nous allons bientôt rencontrer un samaritain.

 

Deux mots sur ce peuple. 8 siècles avant Jésus-Christ, lors de la déportation à Babylone, cette région avait été repeuplée par le conquérant assyrien. Il y avait laissé tout un ramassis d’esclaves, de toutes origines et de toutes contrées, bref, un mélange de races et de religions, un vrai fourre-tout. Le nouveau peuple de cette région continua à pratiquer une certaine forme de judaïsme (la religion d’avant) en observant ce qu’on appelle le Pentateuque de Samarie (les 5 premiers livres de la Bible). Mais pour les juifs de l’époque de Jésus, les samaritains étaient haïs et profondément détestés! Ils représentaient, par tous ces mélanges de culture et de religion, la caricature de l’impureté.

 

Et voici que ce sont justement des impurs qui arrivent vers Jésus. Dix lépreux. Vous le savez combien la lèpre, cette maladie infectieuse et contagieuse, est une horreur. C’est un mal qui s’étend et gagne de proche en proche. Pour les hommes de l’Ancien Testament, la lèpre était un châtiment divin, la punition du péché. Pour le dire autrement, la lèpre était vue comme le signe extérieur de la réalité intérieure que le péché avait blessé. Le lépreux était un damné, une espèce de mort-vivant, un homme dont on avait peur et qu’il fallait isoler à tout prix. D’ailleurs on trouve à ce propos dans la Loi de Moïse ce passage, afin d’éviter la propagation de la maladie: «Le lépreux doit déchirer ses habits laisser ses cheveux de sa tête flotter au vent en désordre, se voiler la barbe, et crier: «impur, impur!» (Lv 13, 45). Par le son, ils devaient prévenir et protéger de tout contact ceux qui avaient la santé.

Ici le récit devient intéressant; que crient les dix lépreux à Jésus? Impurs, impurs? Non, au contraire: «Jésus, maître, prend pitié de nous». Jésus, cela veut dire «Dieu sauve». En appelant l’homme qui marche vers Jérusalem par son nom, ces hommes reconnaissent en lui celui qui peut guérir, soigner et relever. Ainsi, par ces simples paroles, ces hommes reconnaissent-ils et leur faiblesse et leur confiance en Jésus. Soulignons l’importance de ce double mouvement, reconnaître sa faiblesse et avoir confiance en Jésus! De fait nous aussi, à chaque messe nous disons: Jésus prend pitié! Kyrie Eleison.

 

La pointe du récit n’est pourtant pas la guérison! Que Jésus puisse faire des miracles, cela faisait longtemps que nous le savions. D’ailleurs, Jésus ne réalise pas tout de suite le miracle attendu. Il leur dit: «allez vous montrer aux prêtres». A l’époque un lépreux se montre aux prêtres seulement pour que ce dernier atteste de la guérison. C’est seulement une fois guéri que l’on va voir le prêtre. Donc Jésus fait une promesse de guérison et non pas une guérison immédiate. De prime abord, cela ne parait pas très sympa, il a l’air dur ce Jésus. N’aurait-il pas pu faire ce miracle tout de suite? Eh bien non! Jésus éprouve la foi en ne donnant pas de suite ce qui est demandé. Souvent l’attente est vraie pour nous aussi. Une foi éprouvée doit avancer dans la nuit, sans rien voir et souvent aussi sans rien comprendre, faisant alors confiance sur parole.

Les lépreux ont justement été guéris parce qu’ils ont obéi à la parole de Jésus. La confiance en la Parole de Jésus les a disposés à bénéficier du miracle. Car le miracle est un encouragement à la foi et une récompense pour la foi. C’est un signe, juste un signe, mais il doit encore conduire à une signification.

Le but du miracle, dans ce cas particulier, n’est pas de guérir le corps du lépreux mais bien plutôt de disposer son âme à croire en Jésus le Fils de Dieu. Entendez bien! Le but est de croire que la vie et la guérison viennent de Dieu. Ainsi, le résultat advient-il après la purification et va illustrer la différence qu’il y a entre guérison et salut.

 

Vous l’avez entendu, seul le lépreux samaritain revient vers Jésus «en glorifiant Dieu à pleine voix. Il se jeta la face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce». Entendez bien! Cet homme a fait demi-tour pour donner à Jésus les marques de respect et de déférence que l’on donne à Dieu seul! (se prosterner jusqu’à terre). Cet homme rend gloire à Dieu, non pas en allant au Temple de Jérusalem, mais en se prosternant devant Jésus. Par ce demi-tour, cet homme a signifié son retournement: il s’est converti. C’est pour cela que Jésus va lui dire: relève-toi et va: ta foi t’a sauvé.

La guérison des neuf autres n’a pas changé leur perception de Dieu ou de Jésus; ils sont certes ravis d’être purifiés, mais leur relation à Dieu reste inchangée. Et Jésus reproche à ces neuf autres de n’avoir pas rendu gloire à Dieu. Ainsi, peu importe de bénéficier d’un miracle extraordinaire, pour être sauvé il faut dire merci à Jésus, rendre gloire à Dieu. Reconnaître que ce qui est bon vient de Dieu.

Voici la pointe! Le «s’il te plaît» doit conduire au «merci». Et ce qui donne du poids au «s’il te plaît»… eh bien c’est le «pardon». Voyez la belle triade, pardon-s’il te plaît-Merci. Le Salut est bien plus que la guérison physique, comme la foi de celui qui revient est bien plus grande que la confiance qui avait poussé les neuf autres à se montrer aux prêtres. La guérison ne débouche sur le salut complet de l’être humain que si ce dernier reconnaît l’initiative gratuite de Dieu à son égard et s’il y répond en s’engageant dans une vraie relation avec Jésus: telle est la foi plénière.

Les neuf n’ont pas perçu que leur guérison physique était simplement l’invitation que le Seigneur leur adressait à ne pas rester à distance, mais à s’approcher de lui pour recevoir davantage: son amour et le salut que lui seul peut nous offrir. Or, précisément la foi qui sauve est un acte d’abandon de tout notre être au Christ, reconnu comme Seigneur et Sauveur.

 

Seigneur, sur dix lépreux purifiés, un seul va aller jusqu’au bout de sa guérison,
pour obtenir le salut.

Tu offres Seigneur le salut à tous les hommes,
de toutes cultures et toutes conditions.

Aides-nous Seigneur à te dire régulièrement  «pardon», «s’il te plaît» et «merci».
Ce sont les mots tout simples de l’Amour.

Seigneur, tu es l’unique Sauveur, le Dieu fait homme, Jésus-Christ, le fils de Dieu.
Amen.

 

Père Jérôme Jean

11 octobre 2013 | 10:04
par Jérôme Jean Hauswirth
Temps de lecture : env. 5  min.
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