
Pentecôte: Babel à l’envers ou l’Amour à l’endroit.
Homélie du 8e dimanche Pâques C (Jn 15, 26-27; 16, 12-15)
Nous vivons à l’époque de la communication de masse. Les «moyens de communication» sont les grands acteurs du moment, et l’actualité toute récente nous le rappelle incessamment. Tous ces moyens marquent un immense progrès mais comporte également un risque. Car en fait, de quelle communication s’agit-il? Beaucoup trop souvent, malheureusement, il s’agit d’une communication exclusivement horizontale, superficielle, souvent manipulée et vénale, c’est-à-dire utilisée pour gagner de l’argent.
Le sens de la Pentecôte est entièrement contenu dans la phrase des Actes des Apôtres que nous avons entendue en première lecture: «Alors ils furent tous remplis de l’Esprit Saint». Que signifie: ils furent «remplis de l’Esprit Saint»? Et qu’éprouvèrent les apôtres à ce moment-là?
Eh bien, ils firent une expérience bouleversante de l’amour de Dieu. Ils se sentirent inondés par l’amour, comme un fleuve qui se jette dans l’océan. C’est ce qu’affirme saint Paul: «l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné» (Rm 5, 5).
L’Esprit Saint est l’Amour du Père et du Fils.
L’Esprit est «relation d’amour» qui unit le Père et le Fils.
Tous ceux qui ont fait une forte expérience de l’Esprit Saint le confirment. Le premier effet produit par l’Esprit Saint, lorsqu’il vient sur une personne, est de la faire se sentir aimée de Dieu d’un amour infini, rempli d’une immense tendresse. Et fondamentalement, c’est de cela dont nous avons tous besoin, réaliser que nous sommes aimés, aimés d’un amour infini, d’un amour gratuit, d’un amour immense se donnant sans jamais reprendre. Un amour tendre qui adoucit et rend meilleur celui qui est aimé.
Dans le récit des actes des apôtres, il se passe quelque chose de tout à fait étonnant: un feu se partage en langues et se pose sur la tête de chacun, puis, dès que les disciples reçurent cette flamme, ils se mirent à parler en d’autres langues. Dans la vie ordinaire, le fait de parler des langues différentes empêche de se comprendre. Et voici que le jour de la pentecôte, l’inverse se produit; le fait de parler en «d’autres langues», au lieu d’engendrer la confusion, crée au contraire une merveilleuse entente et une unité nouvelle. Tous se comprennent alors qu’ils ne parlent pas la même langue!
De cette manière l’Ecriture a certainement voulu souligner le contraste entre la tour de Babel et la Pentecôte. Vous vous rappelez de la tour de Babel. Tous parlaient la même langue et, à un moment donné, plus personne ne comprenait l’autre et ce fut la grande confusion des langues. A la Pentecôte, c’est l’exact contraire, tous parlent des langues différentes et tous se comprennent! Comment cela se fait-il? Comment comprendre cette différence?
Il suffit de se rappeler de quoi parlaient les constructeurs de Babel et de quoi parlent les apôtres à la Pentecôte. Les artisans de Babel se disaient entre eux: «Allons! bâtissons une ville, avec une tour dont le sommet soit dans les cieux. Nous travaillerons à notre renommée, pour n’être pas dispersés sur toute la terre» (Gn 11, 4). En clair, ces hommes de Babel étaient animés par une volonté de puissance. Ils veulent se faire «une réputation», ils recherchent leur propre gloire.
Au contraire, à la Pentecôte, les apôtres proclament «les grandes œuvres de Dieu». Entendez bien! Ils ne pensent pas à travailler à leur renommée mais à celle de Dieu. Ils ne cherchent pas à s’affirmer personnellement, mais à affirmer Dieu. C’est pour cette raison très précise que tout le monde les comprend. Ils sont compris parce que Dieu est revenu au centre. La volonté de puissance a fait place à la volonté de servir, la loi de l’égoïsme à celle de l’amour.
Il y a là un message d’une importance vitale pour le monde d’aujourd’hui. Nous vivons à l’époque de la communication de masse. Les «moyens de communication» sont les grands acteurs du moment, et l’actualité toute récente nous le rappelle incessamment. Tous ces moyens marquent un immense progrès mais comporte également un risque. Car, bien souvent malheureusement, il s’agit d’une communication exclusivement horizontale, superficielle, et souvent encore manipulée et vénale, c’est-à-dire utilisée pour gagner de l’argent. La communication aujourd’hui devient échange de pauvretés, d’angoisses, d’insécurités et d’appels à l’aide non entendus, ou pire encore, de fantasmes, de fausses bonnes nouvelles, de médisances, de calomnies, de ragots ou autres bavardages malveillants. Bref, ce que l’on appelle communication est souvent un dialogue de sourds.
Paradoxalement, plus la communication se développe et plus on fait l’expérience de la difficulté à communiquer. Plus il y a de natels, d’internet, de journaux gratuits, de blog, de facebook moins les gens arrivent à se parler et à se dire. Combien de couples incapables d’échanger autrement que sous la violence de la colère?
La sainte communication devrait être un échange bienveillant, une relation vivante, créative, reliée à la source, et qui aide à creuser en profondeur en nous-mêmes et dans les événements.
Pour le dire clairement, si Dieu n’est pas au centre, il n’est pas à sa place. Si Dieu n’est pas présent dans nos relations, alors nous sommes toujours à Babel, incapable de communiquer en vérité.
Chacune de nos initiatives civile ou religieuse, privée ou publique se trouve devant un choix: elle peut être de Babel ou de Pentecôte.
Elle est Babel si elle est dictée par l’égoïsme et la recherche du pouvoir.
Elle est Pentecôte si elle est dictée par l’amour et le respect de la liberté de l’autre.
Amen.
Père Jérôme Jean
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