Jean-Jacques Friboulet

Le poison de la division en Catalogne

La société espagnole est profondément divisée. Cela n’est pas nouveau en Europe. N’oublions pas, par exemple, le conflit qui a longtemps ensanglanté l’Irlande du Nord. Mais cette fracture est nouvelle par plusieurs aspects.

Elle est tout d’abord une conséquence de la crise économique qui a frappé l’Espagne, à la suite de la débâcle financière de 2007. A cause d’une spéculation immobilière effrénée, la production s’était effondrée. Elle vient tout juste de retrouver son niveau d’avant la crise.

Le taux de chômage reste très élevé et frôle les 20 %. Le pays a dû s’endetter jusqu’à un montant de 100% du produit intérieur brut (PIB), soit trois fois l’endettement de la Suisse, ce qui provoque un déficit de L’Etat et des collectivités publiques trop élevé (4,5 % du PIB). Cette situation explique que les marges financières du gouvernement central soient extrêmement réduites.

Une tradition historique d’autonomie est née au Moyen âge.

La crise économique, en raison de l’affaiblissement de l’Etat, a augmenté les forces centrifuges visant à l’autonomie des régions plus riches que les autres. Ce phénomène a été constaté en Flandre et en Ecosse. Ces régions estiment qu’elles sont appauvries par la redistribution effectuée par le pouvoir central et qu’elles s’en sortiraient mieux toutes seules. Cette force centrifuge est aggravée en Espagne par des phénomènes culturels (la spécificité de la langue catalane) et une tradition historique d’autonomie qui est née au Moyen âge et s’est renforcée aux 19e et 20e siècles.

Trois éléments récents sont venus compliqués la donne. D’une part, la réaction du gouvernement qui, face à la menace de l’indépendance, veut supprimer l’autonomie de la Province. D’autre part, la prise de position publique d’une partie de la société civile catalane qui ne souhaite pas l’indépendance et veut une négociation entre les dirigeants de la région et le pouvoir de Madrid. Enfin la détermination de l’Union européenne qui ne peut accepter le démembrement d’un de ses Etats et se verra donc obligée, en cas de déclaration d’indépendance, d’exclure la Catalogne de l’Union et de l’Euro.

La sortie de cet imbroglio suppose une négociation. Mais celle-ci est rendue compliquée par la faiblesse politique du gouvernement actuel qui ne possède pas la majorité absolue à l’assemblée et doit son pouvoir au soutien des centristes. Se trouvent donc face à face un pouvoir central faible politiquement et économiquement, et un pouvoir catalan dont la majorité est fragile et qui n’a pas l’appui d’une grande partie de la société civile. Deux pouvoirs dont la majorité n’est pas assurée ont toujours de la difficulté à négocier.

A travers ce conflit, l’Espagne s’est éloignée du bien commun

A travers ce conflit, l’Espagne s’est éloignée du bien commun. La première question que doivent se poser les citoyens et citoyennes d’un pays est de savoir ce qui les réunit (qu’est-ce qu’ils ont en commun) et non ce qui les divise. Or cette question n’est pas celle que formulent actuellement les dirigeants espagnols et les principaux médias. La deuxième question est celle de la réforme des institutions de façon à permettre un meilleur vivre ensemble en excluant a priori l’indépendance. Le séparatisme des régions riches ne sera pas accepté par l’Union européenne. Il est contraire à l’éthique car il exclut toute forme de solidarité à l’intérieur d’une communauté. La Suisse a accepté une péréquation financière entre cantons. Elle a fait de même entre ses communes C’est la voie de la sagesse. Il faut souhaiter que les Espagnols la retrouvent et quittent le chemin de la division qui ne peut qu’affaiblir ce grand pays.

Jean-Jacques Friboulet | 20 octobre 2017

Catalogne: la société espagnole est profondément divisée. (Pxhere/DDP)
20 octobre 2017 | 16:12
par Jean-Jacques Friboulet
Temps de lecture: env. 3 min.
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