Jean-Jacques Friboulet

Un Accord donnant-donnant

Le peuple britannique ayant décidé de quitter l’Union européenne en 2016, il a fallu détricoter 700 accords signés en commun par les deux parties depuis plus de 40 ans. C’est à ce résultat qu’aboutit le texte de 1’200 pages accepté des deux côtés de la Manche la veille de Noël.

Cet accord est une bonne nouvelle pour l’ensemble des pays européens. Il évitera d’ajouter une crise des échanges à la pandémie actuelle. Ni la Grande-Bretagne, ni les pays européens n’étaient prêts pour une rupture dans les productions industrielle et agricole. Ils étaient encore moins prêts en termes de transports, comme l’a illustré la situation à Douvres ces derniers jours. Mais en réalité quel est le résultat obtenu par la Grande-Bretagne et quelle est sa contrepartie pour l’Union européenne ?

Les Britanniques ont décidé la fin de la libre circulation des travailleurs et des étudiants. Les premiers  devront obtenir une autorisation de séjour réservée à certains emplois et les seconds devront payer des droits d’inscription très élevés dans les Hautes Ecoles. Le Royaume-Uni sort du programme Erasmus.

La Grande-Bretagne garde l’accès au Marché unique européen pour les biens agricoles et industriels sans taxe ni quota. Elle garde la maîtrise de ses ressources halieutiques à raison de 25% pour les six prochaines années.

En contrepartie les Européens gardent l’accès à 75% de ces ressources pour la même période. Mais surtout, ils ont imposé des déclarations douanières pour tous les produits échangés, déclarations qui devront certifier le respect des règles internes à l’Union qu’elles soient sociales, sanitaires et environnementales. Ces déclarations vont ralentir les échanges et soumettre ceux-ci à la menace de taxes si les règles ne sont pas respectées.

«Au-delà des idéologies, la raison a fini par l’emporter»

Dans le même ordre d’idées, et pour ne pas fausser la concurrence, les aides d’Etat à l’industrie britannique devront respecter certaines limites. Enfin, l’accord n’inclut pas les services, domaine où l’économie britannique est particulièrement forte. Il met fin à l’espace aérien commun et ne permet pas à la City d’avoir un passeport financier au sein de l’Union.

Au total l’accord est équilibré. Il accorde l’accès au grand Marché moyennant de fortes contraintes et des compensations financières. Mais il exclut certains domaines-clés de l’activité économique et supprime la libre circulation. Un dernier exemple dans ce domaine est la nécessité pour les Européens de posséder un passeport pour entrer en Grande-Bretagne à partir de l’automne 2021.

Peut-on parler, comme l’a affirmé Boris Johnson, d’une restauration de la souveraineté britannique? Un pays souverain est un pays qui ne se soumet pas aux règles d’un autre Etat pour des activités essentielles. Ce qui est énoncé ci-dessus montre que ce n’est pas le cas. Les économies sont trop interdépendantes pour que s’applique un concept de souveraineté datant du 19e siècle. Les réalités se sont imposées et la Grande-Bretagne n’était pas prête à limiter son accès à certaines ressources européennes. L’Union européenne souhaitait de son côté un accord pour son industrie, son agriculture et ses pêcheurs. Au-delà des idéologies, la raison a fini par l’emporter.

Jean-Jacques Friboulet

30 décembre 2020

30 décembre 2020 | 07:40
par Jean-Jacques Friboulet
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