Jean-Jacques Friboulet

Un traumatisme salvateur

Loin de moi l’idée de sous-estimer les souffrances et les deuils engendrés par les attentats de Paris mais il me semble que cet évènement peut provoquer un réveil de nos sociétés sur une question essentielle: la liberté de pensée, de conscience et de religion telle qu’elle figure à l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Tout d’abord il faut rappeler que les catholiques ne peuvent être des donneurs de leçon sur ce sujet. La liberté religieuse et de conscience n’a été reconnue qu’au cours du Concile Vatican II c’est-à-dire il y a 50 ans. Cette reconnaissance a été un évènement majeur qui a ouvert une nouvelle page de l’œcuménisme. Depuis les papes et en particulier Jean Paul II n’ont cessé de rappeler son importance pour le devenir de l’humanité et on découvre, à l’occasion des évènements de Paris, son rôle dans le contexte de la mondialisation.

«Cette liberté implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou ses convictions en public et en privé par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites» (article 18). Dans nos sociétés démocratiques cette liberté doit se matérialiser dans des lois votées par le parlement et acceptées par le peuple. C’est à ce niveau que surgissent les impasses que nous ont rappelées les attentats de la semaine dernière. La première consisterait à ne pas accepter la coexistence des différentes religions et leur présence sur la scène publique. D’aucuns imaginent une Europe sans Islam, comme d’autres   imaginent des pays sans chrétiens. Cette vision est meurtrière et les chrétiens doivent s’y opposer de toutes leurs forces. Nos règles et nos convictions nous demandent de dialoguer et de respecter les droits et les devoirs de chacun.

La seconde impasse serait a contrario de ne pas prendre en compte la liberté de conscience et la règle de l’égalité des droits. Ces règles valent pour tous y compris nos frères musulmans. Ils devront accepter dans nos pays la liberté de changer de religion, l’égalité des droits des femmes et des hommes et la nécessité de s’intégrer dans les pratiques politiques et sociales démocratiques. Rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Cela leur est plus difficile parce qu’ils viennent souvent de pays ou l’Islam est religion d’Etat et où la charia sert de base à la législation civile. Ils doivent abandonner chez nous ce mélange du pouvoir politique et du pouvoir religieux qu’a connu l’Europe chrétienne du Moyen-Age et à laquelle elle a renoncé au 20è siècle.

Cette laïcité de l’Etat ne veut pas dire un Etat sans Dieu. La religion est au cœur de la vie des personnes comme l’ont montré les derniers jours. La question religieuse se pose de nouveau fortement à nos contemporains et en particulier aux jeunes. Il faut que cette question puisse s’exprimer librement et susciter des discussions, y compris au sein de nos écoles et de nos universités, et ne pas se limiter aux réseaux sociaux. Elle doit rencontrer sur sa route la réponse de vrais témoins de leur foi. Notre responsabilité de chrétien  est ici engagée  mais aussi celle des  Pouvoirs publics. A ce niveau se situe la troisième impasse.  Au nom d’un laïcisme frileux ou partisan, les autorités refusent parfois d’aborder dans le débat public ces questions religieuses et leurs implications dans la vie sociale. Cela a été le cas de la France où la question religieuse est exclue du système éducatif public. On en voit les résultats.

Jean-Jacques Friboulet

La religion est au cœur de la vie des personnes comme l’ont montré les derniers jours
15 janvier 2015 | 13:26
par Jean-Jacques Friboulet
Temps de lecture: env. 2 min.
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