Homélie du 12 mars 2017 (Mt 17)
Chanoine Roland Jaquenoud – Abbaye de Saint-Maurice
« Quitte ton pays, ta parenté, et la maison de ton père, et va vers le pays que je te montrerai », dit Dieu à Abraham. Dieu engage Abraham à tout quitter : ses sécurités, sa maison, son lieu de naissance, sa patrie, pour aller « là où il lui montrera ».
Mes frères mes sœurs, pour le moment, Dieu ne montre rien à Abraham. Il lui dit « je te montrerai ». Et Abraham part, quitte, s’en va. Et toute sa vie, nous le savons, il vivra en nomade. La semaine passée nous somme partis avec Jésus au désert, afin d’y apprendre le combat spirituel. Aujourd’hui, il nous amène avec ses disciples sur la montagne, afin de vivre une rencontre particulière.
Quitter nos certitudes
Dans ce carême, comme dans toute notre vie spirituelle, Jésus nous apprend à quitter notre patrie, à quitter nos certitudes, pour aller avec lui soit au désert, soir sur la montage, – pour aller le rencontrer. La semaine dernière nous apprenions le combat spirituel, aujourd’hui nous sommes amenés avec les disciples dans la claire vision.
Les disciples rencontrent Dieu lui-même
Qu’ont-ils vu, ces disciples, sur la montagne ? Ils ont vu Jésus entouré de Moïse et d’Elie, c’est-à-dire la Loi et les Prophètes – tout l’Ancien Testament. Sur la montagne, ils ont vu que ce Jésus qu’ils accompagnaient est vraiement le Messie annoncé par la Loi et les Prophètes. Et puis, ils ont vu encore plus : ils ont vu une nuée, et de cette nuée ils ont entendu la voix qui disait : « celui-ci est mon Fils bien aimé ». La nuée, dans l’Ancien Testament, c’est le lieu de la présence de Dieu. Voici que les disciples prennent conscience qu’ils rencontrent Dieu lui-même, que ce Jésus, ce Messie, ce n’est pas qu’un homme : il est Dieu, il est Fils de Dieu. Et peut-être vous rappelez-vous leur réaction : la crainte. Parce que, dans l’Ancien Testament, lorsqu’on rencontre Dieu de manière si évidente et si proche, on éprouve la crainte. Que leur dit Jésus ? « N’ayez pas peur ». « Oui, vous rencontrez Dieu, vous le rencontrez en moi, je suis Dieu fait homme, n’ayez pas peur, et n’en parlez à personne, tant que je ne serai pas ressuscité d’entre les morts ».
Rencontre avec l’amour absolu de Dieu
Pourquoi cette injonction , mes frères, mes sœurs ? Parce que on ne comprend rien à la grandeur et à la toute puissance de Dieu, tant qu’on ne l’a pas contemplée en Jésus Christ, donnant sa vie tout entière par amour sur la croix, mourant et ressuscitant pour nous. La véritable crainte du Seigneur, c’est avoir une conscience absolue et radicale de cet amour qui se donne tout entier. La véritable puissance de Dieu n’est pas celle d’un tyran, la vrai puissance de Dieu, c’est cet amour entièrement donné. Aujourd’hui, avec les disciples, sur la montagne, nous sommes engagés à faire cette expérience, cette rencontre avec l’amour absolu de Dieu.
La prière : écoute, adoration, contemplation
Nous avons appris, la semaine dernière, à lutter contre les tentations, nous apprenons cette semaine à le rencontrer Lui, tel qu’Il est. Il n’est pas un Dieu éloigné des hommes, il est ce Dieu fait homme qui est venu sur cette terre pour m’aimer, pour t’aimer, pour se donner tout entier au jour de sa passion. Le texte de la Transfiguration nous dit que Jésus emmena ses disciples sur la montagne « pour prier ». Si la semaine dernière nous apprenions à lutter contre les tentations, nous apprenons aujourd’hui ce qu’est la vraie prière chrétienne. La vraie prière chrétienne, c’est d’abord et essentiellement une rencontre, dans l’adoration, la contemplation, dans l’écoute de celui qui s’est fait l’un de nous, de celui qui vient à nous, non pas seulement lors de sa première venue, il y deux mille ans, mais tous les jours, chaque fois qu’il vient et se donne tout entier au moment de la Messe, dans ce corps et ce sang qu’il a offert sur la Croix.
Moments de grande joie
La vie chrétienne est faite de lutte spirituelle, de combat contre soi-même et sur soi-même, et aussi de moments de grande joie, de grande consolation, de grande contemplation. Les maîtres spirituels nous enseignent que nous avons besoin de l’un et de l’autre au long de notre chemin spirituel. Le combat est nécessaire pour apprendre la fidélité. La contemplation, la joie de sentir au plus profond de nous-même la présence de celui qui vient est aussi nécessaire pour nous permettre d’avancer. Nous ne devons craindre ni l’un, ni l’autre, nous avons besoin et de l’un et de l’autre.
Monter avec le Seigneur sur la montagne
Ce Carême, symbole de notre marche vers Dieu, qu’il soit pour chacun d’entre nous à la fois un moment de profonde conversion – quelque chose doit changer dans notre vie, pendant ce Carême, sinon ce carême sera vain – , mais qu’il soit aussi un moment de grande joie, de grande contemplation, de grande action de grâce pour cette proximité de Dieu qui est là, tout près de nous, qui est là, entièrement à nous, lorsqu’il se donne dans l’Eucharistie. Que le Seigneur nous accorde de monter avec lui sur la montagne de la Transfiguration, sur le Mont Tabor, afin d’avoir un avant goût de celui que nous sommes appelés à contempler un jour face à face dans la gloire. C’est à cela qu’il nous appelle, c’est à cela qu’il nous invite dès maintenant.
Que notre communion soit un moment de grande joie, un moment de Tabor, un moment de transfiguration, que nous puissions dire avec saint Pierre et avec les Apôtres : « Oui, il nous est bon d’être là ». Que nous puissions ensuite descendre de notre montagne pour continuer notre chemin et pour témoigner et annoncer à nos frères que Dieu s’est fait l’un de nous, qu’il est mort et ressuscité et que c’est là notre joie, notre foi et notre espérance. Amen.
2e dimanche de Carême
Lectures bibliques : Genèse 12, 1-4a; Psaume 32; 2 Timothée 1, 8b-10; Matthieu 17, 1-9 – Année A
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