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Homélie

Homélie du 26 février 2017

Mgr Charles Morerod – Basilique Notre-Dame, Lausanne

 Puisque saint Paul nous invite à ne pas juger, je vais vous citer un juge, dont je tais le nom par discrétion. Je l’avais rencontré dans la rue, et il m’avait dit : « On devrait plus écouter l’Eglise ». Comme je savais que ce juge compétent et honnête était aussi athée, je lui ai demandé s’il était en train de se convertir. « Jamais ! » Bon, mais alors… Et il m’a parlé du nombre croissant de personnes qui finissent au tribunal parce que leurs conditions de travail sont devenues de plus en plus exigeantes, qu’elles ne peuvent plus supporter le rythme, et se sont retrouvées au chômage à 50 ou 60 ans…

On ne peut servir Dieu et l’argent

Cela rejoint ce que Jésus nous dit dans l’Evangile d’aujourd’hui : on ne peut servir à la fois Dieu et l’argent. Certes l’argent est utile, il facilite des échanges, dans une certaine mesure. Mais s’il est le Maître, alors comment voit-on les personnes ? Si on veut augmenter le profit, on peut tracer à distance des postes de travail sans connaître les personnes concernées, sans voir l’impact sur leur vie, sur leur famille…

Dieu change nos relations mutuelles

Alors que si on reconnaît Dieu comme Maître, on voit ce qu’il fait avec nous : Dieu qui se soucie de chaque lis aime chacun de nous jusqu’au don de la vie de son Fils. Comment ne pas aimer ceux que Dieu aime ? Le Maître change nos relations mutuelles. Et là le jugement peut avoir sa place : on peut vraiment juger qu’avoir l’Argent pour Maître n’est pas bon et mène à des actes dont les conséquences sont mauvaises.

Jésus juge parce qu’il n’est pas indifférent à nos actes

Parfois il faut juger, et Jésus est peut-être, de toute la Bible, celui qui juge le plus. C’est lui qui peut dire d’un homme qu’il aurait mieux valu pour lui qu’il ne naisse pas (cf. Matthieu 26,24), ou d’un autre qu’« il serait préférable pour lui de se voir suspendre autour du cou une de ces meules que tournent les ânes et d’être englouti en pleine mer » (Matthieu 18,6). Jésus juge parce qu’il n’est pas indifférent à nos actes et à leurs conséquences. D’ailleurs un autre juge, en l’occurrence un ancien juge devenu prêtre, me disait que la pire des choses que l’on puisse faire à un criminel est lui dire qu’il n’est pas responsable : c’est une manière de nier son humanité.

Comment donc saint Paul peut-il dire qu’il ne faut pas juger ?

On peut d’abord distinguer l’acte et la personne : certains actes sont clairement mauvais, mais cela ne dit pas tout sur la personne qui agit, car on ignore une partie des circonstances. Par exemple : un homme peut être agressif à cause d’une souffrance (maladie, chômage, crise familiale …) ; cela ne le rend pas nécessairement irresponsable, mais il faut tenir compte de ces circonstances aussi pour parler avec lui et chercher l’apaisement. Voilà ce que nous pouvons en partie comprendre. Dieu comprend davantage.

Nous sommes appelés à rendre compte

Dieu nous connaît mieux que nous ne nous connaissons nous-mêmes. Il sonde les reins et les cœurs (cf. Jérémie 17,10 ; Romains 8,27). Lui seul a une vision complète des circonstances et des conséquences de nos actions. Non seulement il connaît parfaitement les circonstances que nous pouvons connaître un peu, mais il connaît aussi celles qui nous échappent car elles concernent sa propre relation avec la personne en question. Quels talents (naturels), quelles grâces Dieu a-t-il donnés à telle personne ? Il le sait et nous l’ignorons, même quand il s’agit de nous-mêmes. C’est sur la base des talents reçus que nous sommes appelés à rendre compte (cf. Matthieu 25,14-30). Dieu connaît aussi les conséquences à long terme de nos actes, et nous les ignorons.

Le niveau de notre propre relation avec Dieu et de la relation des autres avec Dieu nous échappe. Nous lui demandons miséricorde et nous nous remettons entre ses mains, ce qui nous libère de l’illusion d’un jugement complet sur les autres et sur nous-mêmes. Jésus mettra en lumière notre amour au dernier jour, et si j’ai bien compris nous serons tous surpris.


 

8 ème dimanche du Temps ordinaire

Lectures bibliques : Isaïe 49, 14-15 ;1 Corinthiens 4, 1-5 ; Matthieu 6, 24-34


 

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26 février 2017 | 11:21
Temps de lecture : env. 3  min.
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