Homélie du 03 novembre 2013

Prédicateur : Chanoine Jean Scarcella
Date : 03 novembre 2013
Lieu : Abbaye de Saint-Maurice
Type : radio

Mes sœurs, mes frères,

«Zapper», un terme à la mode ; «clip» en est un autre… Des mots qui s’apparentent à l’image qui se déroule sous nos yeux, au cinéma comme à la télévision. Une caractéristique commune à ces deux mots : la vitesse. Je zappe, parce que je veux vite passer d’une image à l’autre, d’un programme à l’autre ; je regarde un clip et je suis étourdi par la vitesse à laquelle se succèdent les images, j’ai l’impression de ne rien voir…

« Zachée, descends vite… vite il descendit… »

Cet épisode de la vie de Jésus à Jéricho va très vite, les images se succèdent rapidement : Jésus traverse la ville, Zachée grimpe dans un arbre, Jésus le regarde et l’appelle, Zachée descend et, à la demande de Jésus, le reçoit chez lui. Et il ne se demande même pas si tout est prêt pour accueillir un hôte, si la maison est rangée, si quelque nourriture pourra le sustenter. Tout va si vite dans ce récit, quelques flashes et une vie est changée ; un regard, une parole suffisent. Zachée ne pose pas de question à Jésus, à l’instar de cet autre riche, le jeune homme riche, qui demandait à Jésus ce qu’il fallait faire pour le suivre. Zachée, riche lui aussi, ne demande rien, il ouvre sa maison à Jésus, il lui ouvre son cœur et ainsi met un trait sur sa vie passée.

Alors, comme pour un clip, on pourrait croire que Zachée n’a rien vu passer ! Détrompons-nous, Zachée a tout vu : Jésus passer… il a tout compris : le regard de Jésus… il a tout reçu : son amour. Frères et sœurs, quand le Seigneur entre chez nous tout est simple et tout devient limpide.

Jésus présente Zachée comme un fils d’Abraham : « Lui aussi », dit-il. Lui… elle… et moi ? C’est vrai, tous nous sommes fils et filles d’Abraham et nous marchons, nous aussi, sur la route que nous montre le Seigneur et qui conduit à son Royaume. Oh, ce n’est pas souvent un boulevard bien asphalté, droit comme une autoroute, c’est plutôt un chemin tortueux et difficile, c’est vrai ; mais quand on est capable de se rendre compte de cela, frères et sœurs, eh bien c’est qu’on est vraiment en route, et qu’on a alors conscience que tous les méandres de nos parcours sont notre péché. Reste que c’est le chemin du Royaume, parce que nous sommes fils et filles d’Abraham et que nous cheminons dans la foi claire, comme dans la foi obscure. Devenus fils et filles de Dieu par notre baptême, nous vivons de la vie même de Dieu, dans l’espérance de la résurrection, pour une vie qui ne finira plus.

La magnifique prière de l’auteur du Livre de la Sagesse entendu à l’instant est un acte de foi sans condition à l’amour de Dieu envers sa création : les êtres humains qu’il aime et a établis dans la lignée d’Abraham. Le Créateur continue à aimer son œuvre, même si cette œuvre profite de sa liberté pour s’opposer à Lui. C’est ça la route et ses méandres ; à chacun de nos péchés se dessine un contour ; mais le Seigneur déploie envers le pécheur une pédagogie patiente et progressive. C’est au nom de son amour qu’il a voulu aller manger chez Zachée, un pécheur notoire et homme de très mauvaise renommée. Il l’aimait d’un amour infini, ce que le Livre de la Sagesse explique en disant : « Seigneur, tu as pitié de tous les hommes ». Et si Dieu « ferme les yeux sur nos péchés », dit encore la Sagesse, ce n’est pas pour nous laisser faire ce qu’on veut, mais c’est pour pouvoir toujours continuer à nous aimer avec son intense amour de créateur ; car il ne peut renier sa création et sa propre vie qui circule dans les êtres humains qu’il a re-créés par le baptême. Et c’est ce « trop grand amour » du Seigneur, comme l’a dit saint Paul, qui, lorsqu’il est reçu et se fait reconnaître, provoque la conversion.

Dieu ne peut avoir de haine envers ce qu’il a créé : « Et Dieu vit que cela était bon… très bon », dit le récit de la création au Livre de la Genèse. Ceux qui tombent il les reprend peu à peu, les avertit, leur rappelle en quoi ils pèchent, afin qu’ils se détournent du mal et puissent croire en Lui.

Vous serez d’accord avec moi, frères et sœurs, que cette prière, issue du Livre de la Sagesse, est aussi celle de Zachée, et donc peut également être la nôtre. Je vous invite à la méditer paisiblement chez vous.

Nous ne sommes pas des collecteurs d’impôts, enrichis à la manière de Zachée, mais parfois nous cherchons à nous enrichir sur le dos des autres et à leurs dépens… Alors faisons comme Zachée, ne doutons pas que le Seigneur nous visite. En effet, Zachée, avant l’arrivée de Jésus à Jéricho, avait déjà commencé sa conversion, puisqu’il voulait voir Jésus – certes par curiosité, mais sûrement aussi par désir. Et là où il y a un désir, il y a un chemin. Il y avait cette recherche dans son cœur, c’est indéniable, il avait comme un pressentiment, il ne doutait pas qu’il serait visité. C’est pourquoi il a pu recevoir le message du regard d’amour de Jésus ; par cette brèche du désir, le Seigneur s’est frayé un chemin dans le cœur de Zachée. Ce Zachée qui, de petit qu’il était, aveuglé par son péché, perdu derrière ceux qu’il ne peut aimer et qui ainsi forment comme un mur de l’anti-amour entre lui et l’Auteur de l’amour, ce Zachée s’est non seulement élevé en grimpant physiquement dans le sycomore, mais encore a vu sa croissance spirituelle être manifestée. Alors, recevant Jésus chez lui, il se convertit.

N’ayons pas peur, frères et sœurs, de nous élever et de lever les yeux au-dessus de notre péché pour voir le Seigneur qui nous regarde. C’est cet amour qui guérit. Plus nous cherchons à voir en nous et en nos frères les merveilles que Dieu fait, plus nos sentiers vers le Royaume deviendront droits, plus nous serons dignes d’inviter le Seigneur sous notre toit. L’amour a révélé à Zachée son mal, il s’en est détourné et a cru au Seigneur qui s’était installé chez lui. C’est un cœur qui s’arrache à lui-même pour s’en remettre, tout joyeux, au cœur de Dieu.

Ainsi soit-il !

31e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Sagesse 11, 23-12,2 7; Psaume 144 ; 2 Thessaloniciens 1, 11-2,2 ; Luc 19, 1-10

3 novembre 2013 | 10:08
par Barbara Fleischmann
Temps de lecture : env. 5  min.
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