Homélie du 05 juillet 2015

Prédicateur : Abbé François-Xavier Amherdt
Date : 05 juillet 2015
Lieu : Chapelle des Soeurs de St-Maurice, Bex
Type : radio

C’EST QUAND JE SUIS FAIBLE QUE JE SUIS FORT » (2 CORINTHIENS 12,10)

I DAVID CONTRE GOLIATH

C’était il y a un mois, vous vous en souvenez sans doute. Un dimanche de folie que ce 7 juin 2015. D’abord parce que nous célébrions ici même, dans cette chapelle de La Pelouse-sur-Bex, les 150 ans de la naissance de votre congrégation, chères soeurs de Saint Maurice, vous qui nous accueillez une fois de plus pour la Session de l’ABC.

C’était avec l’évêque de Sion, Mgr Jean-Marie Lovey qui, dans son homélie des vêpres de la fête, prenait comme modèle de vie communautaire la « parabole » du Christ selon l’épître de Paul aux Philippiens. Parabole au sens mathématique du terme, cette courbe qui descend régulièrement, qui touche le point le plus bas, et qui ensuite remonte harmonieusement. Comme Jésus qui n’a pas voulu garder la « forme » qui l’égalait à Dieu, mais qui s’est vidé, qui a pris la « forme » de serviteur, comme homme parmi les hommes, [qui s’est fait] à ce point solidaire des plus faibles qu’il en est mort sur la Croix.

Mais ensuite le Père l’a exalté, il l’a fait remonter vers lui par la Résurrection et l’Ascension. Et il nous invite tous à faire de même : à tout donner pour qu’ensuite, vidés de nous-mêmes, nous soyons remplis de son Esprit, de sa présence ici-bas, et pris auprès de lui dans son Royaume, pour la joie éternelle.

En d’autres termes, pour que nous puissions être forts lorsque nous acceptons d’être faibles, ainsi que le dit le même Paul dans la deuxième lecture, « C’est quand je suis faible que je suis fort ».

Mais le 7 juin, c’était aussi [– l’évêque y avait fait d’ailleurs allusion dans la célébration –] la finale de la Coupe suisse de football à Bâle. Personne, à part les supporters valaisans les plus aveuglés et convaincus, n’aurait misé un centime sur la 13e victoire du FC Sion, la 13e étoile ajoutée au drapeau valaisan, en cette 200e année de l’entrée du canton dans la Confédération. Impossible, inimaginable à vues humaines que le petit David sédunois l’emporte contre l’ogre Goliath, le champion suisse Bâle, qui pis est dans son stade Saint-Jacques. Impossible selon les statistiques mathématiques les plus fiables qu’un club gagne treize fois en treize finales. Et pourtant, le faible a été plus fort que le puissant. Grâce à l’esprit d’équipe, aux conseils avisés de l’entraîneur, au soutien de la famille valaisanne, pour une fois unie.

Enfin, le 7 juin, ce fut encore le sacre du petit vaudois Stan Wawrinka sur la terre de Roland Garros face à l’immense numéro 1 du tennis mondial Novak Djokovic. Qui l’aurait pensé ? Cela paraissait impossible, à vus humaines. Et cependant, le minuscule helvète au short ridicule l’a emporté sur le géant serbe. À force de travail, d’abnégation, de persévérance. Le faible devenu fort !

MA GRÂCE TE SUFFIT

Loin de moi l’idée de nous obliger tous désormais à imiter ces exploits des sportifs romands pour obtenir le Royaume par nos propres forces. Au contraire. Comme toujours la parabole humaine fonctionne un bout, pour dire Dieu, mais ensuite, elle montre ses limites, elle s’inverse. Si le sportif et lutteur Paul affirme « Lorsque je suis faible, c’est là que je suis fort », c’est précisément pour exalter le don du Seigneur, et non ses propres mérites.

Le risque pour le pharisien Paul, c’était justement de tabler sur les révélations exceptionnelles dont il avait bénéficié et de penser qu’il était désormais le plus fort spirituellement. L’apôtre dit bien : « Le Seigneur a mis dans ma chair une écharde pour m’empêcher de me surestimer, un envoyé de Satan qui me gifle pour éviter que je me prenne pour ce que je ne suis pas. Ce n’est pas par mes performances que je fais mon salut. Cet aiguillon planté dans mon être, ce combat spirituel inscrit dans mon corps me rappelle que la grâce du Seigneur suffit. » (2 Co 12,7-10) La puissance de Dieu ne peut donner sa pleine mesure que dans nos faiblesses. Si nous acceptons les insultes, les critiques, les persécutions, les épreuves, telles que Paul les a connues, alors la puissance divine peut donner en nous sa pleine mesure.

C’est seulement si nous reconnaissons nos limites, nos imperfections, notre impuissance, que la grâce du Seigneur peut faire son oeuvre. Si nous ne sommes pas « blindés » de toutes parts dans notre orgueil et notre suffisance, si notre cuirasse a des failles, alors la grâce peut passer et le Christ peut agir en nous. Si nous sommes petits, faibles et pécheurs, alors la miséricorde de l’Esprit peut nous atteindre.

Mais n’est-ce pas au fond ce qu’ont fait le FC Sion et Wawrinka, à certains égards ? Ils ont accepté de ne pas être les favoris, ils ont reconnu leur petitesse, ils se sont laissé porter par un canton, le Valais, une région, la Suisse romande, et nous avons vu le résultat.

III. FACE DURCIE OU COEUR TENDRE

Tel est l’enjeu : soit durcir le visage dans l’orgueil et la rébellion, comme le peuple d’Israël sourd aux appels des prophètes, obstiné dans son opposition à la Parole divine et dans sa prétendue justice ; soit accepter le coeur de chair qu’Ézéchiel vient greffer chez ses compatriotes, au nom de la miséricorde du Seigneur qui l’envoie malgré tout (Ez 2,2-5). Visage dur, ou coeur tendre.

Ou alors : soit faire comme les compatriotes de Jésus à Nazareth, l’enfermer dans leurs catégories et ne pas croire à la possible action de la grâce, ce qui a empêché tout miracle ; soit ouvrir notre être à l’impossible de Dieu par la foi, et nous laisser pétrir par le travail de l’Esprit : il est capable de faire en nous et par nous des merveilles. Catégories rationnelles a priori, ou confiance folle de la foi. (Mc 6,1-6)

Car telle est la véritable famille que le Christ dessine, ainsi que nous y avons réfléchi au long de cette semaine biblique. Qui sont les pères et les mères, les fils et les filles, les époux et les épouses, les frères et les soeurs selon la volonté de Dieu ? Ce sont des êtres au coeur de chair, qui se reconnaissent petits, faibles, humbles, qui s’abandonnent au Seigneur et se laissent faire par lui, comme François d’Assise, comme le pape François. Et qui deviennent forts, capables des victoires les plus folles, les plus insensées, parce que la grâce leur suffit.»

14e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Ezéchiel 2, 2-5 ; Psaume 122 ; 2 Corinthiens 12, 7-10 ; Marc 6, 1-6

5 juillet 2015 | 14:12
par Barbara Fleischmann
Temps de lecture : env. 4  min.
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